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PARTIE I – INTRODUCTION GÉNÉRALE

Chapitre 2 – L’apport des isotopes stables pour comprendre la gestion des troupeaux

2.4 Les isotopes stables : indicateurs de la saison d’abattage

bétail dans leur étude). Cependant, encore peu d’études ont essayé d’utiliser les valeurs de δ15N des tissus des animaux pour retracer leur mobilité altitudinale (p. ex. Dufour et al., 2014; Samec et al., 2018).

2.3.6 Isotopes stables et mobilité : synthèse

Chaque système isotopique (δ13C, δ15N, δ18O, 87Sr/86Sr) a un potentiel pour inférer la mobilité des animaux, quelle soit longitudinale ou altitudinale. Les études utilisant le rapport isotopique du strontium, seul système ne dépendant que de la géographie, sont de plus en plus nombreuses, mais beaucoup sont contraintes par des échelles d’analyses grossières, limitant les interprétations sur les origines ‘locales’ ou ‘non locales’ des individus échantillonnés, sans pouvoir réfléter les schémas de mobilité qui peuvent être complexes, même à une échelle locale. Le δ18O, seul, semble limité pour définir des mobilités pastorales qui ne se déroulent pas nécessairement sur des grandes échelles et avec des mobilités très rapides. Son association avec le δ13C, ou même le δ15N, peut aider à inférer une exploitation des pâtures d’altitude et donc une mobilité altitudinale saisonnière. Cependant, l’interprétation d’une telle mobilité se restreint souvent à deux mouvements dans l’année (été et hiver) sans pouvoir réussir à refléter l’existence de campements intermédiaires ou encore d’autres formes de mobilité plus complexes. De plus, les nombreuses études s’appuient sur les différences du δ13C entre les plantes en C3 et C4 alors que de nombreux environnements pastoraux sont essentiellement composés de plantes en C3 avec une variabilité des valeurs de δ13C plus faible. Pour définir précisément les modes de mobilité des sociétés pastorales anciennes, il est nécessaire de connaître les variations isotopiques spatiales du paysage afin d’utiliser les systèmes isotopiques appropriés. De plus, à ce jour, seul un petit nombre d’études basé sur du matériel des animaux domestiques modernes ont développé et évalué les méthodes isotopiques avant de les appliquer à des échantillons de faune archéologique afin d’explorer leur mobilité. Ces quelques études ne permettent pas de couvir tous les environnements, où la mobilité pastorale a lieu, mais également ne permettent pas de couvir la complexité et la variété des modes de mouvement utilisés dans les nombreuses sociétés pastorales.

2.4 Les isotopes stables : indicateurs de la saison d’abattage

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le moment et le rythme de l’abattage des animaux domestiques, ou même sauvages, sont des paramètres importants pour comprendre

les interactions entre les hommes et leur environnement, la gestion de leurs troupeaux, mais également la saisonnalité d’occupation d’un site. Actuellement, les approches utilisant les restes des animaux pour estimer une saison d’abattage reposent très rarement sur l’analyse des isotopes stables.

Brièvement parlant, les approches communément utilisées analysent les dents et se basent soit sur (i) le stade d’éruption dentaire et les schémas d’usure dentaire, (ii) la cémentochronologie, l’analyse histologique du cément dentaire qui se dépose en couches périodiques (i.e. alternance de bandes claires et sombres) ou (iii) la micro-usure dentaire. Ces méthodes ont leurs avantages, mais également leurs limites, notamment le recours à des hypothèses de base couteuses comme avoir la connaissance de la période de naissance dans le cas de la méthode (i) ou du type de plantes consommé pour la méthode (ii). De plus, toutes ces méthodes ne permettent d’estimer la période de mort souvent que de manière large, de l’ordre de la demi-année ou au mieux de la saison sans pouvoir différencier finement des animaux morts au sein d’une même saison.

L’approche isotopique peut être utilisée pour aborder cette question de temporalité d’abattage en se basant sur les isotopes stables d’émail dentaire échantillonnée séquentiellement, cette méthode se base sur la variabilité saisonnière des compositions isotopiques de l’oxygène (Fricke and O’Neil, 1996; Koch et al., 1989). L’approche a d’abord été utilisée sur les défenses de proboscidiens, des dents à croissance continue poussant tout au long de la vie de l’animal, en s’intéressant à l’allure du profil des variations de δ18O dans la partie de la dent la plus récemment formée (Koch et al., 1989). Ainsi, un profil avec une diminution des valeurs du δ18O correspond à un individu mort en hiver. À l’inverse, une séquence, dont les valeurs à la base de la dent augmentent, est reflète un individu mort en été. Cette méthode a été étendue aux dents hypsodontes des ongulés herbivores, qui sont des dents à croissance prolongée. À cet effet, seules des dents en cours de minéralisation (i.e. phase d’apposition) à la mort de l’animal peuvent être analysées car une fois que la dent a fini de se former, l’émail est inerte et le signal isotopique environnemental ne s’incorpore plus. Quelques études se sont ainsi basées sur les analyses de δ18O de dents immatures, particulièrement l’allule de la fin des profils, pour déterminer si certains d’assemblages archéologiques se sont formés suite à un évènement catastrophique ou par attrition (Julien et al., 2015; Knipper et al., 2008). Toutefois, ces études sont également restées sur une approche qualitative (été vs hiver ; comparaison interindividuelle relative) de la détermination de la saison de mort des animaux

26 sans pouvoir estimer de différences fines dans la saison de mort entre des animaux dont la tendance des profils isotopiques se ressemble.

Une détermination numérique de la période de mort, avec une erreur associée, se basant sur les profils saisonniers des valeurs de δ18O est possible. En effet, Balasse et al. (2017, 2012) ont mis au point une méthode se basant également sur la séquence du cycle saisonnier enregistrée dans les deuxièmes molaires (dent dont la croissance débute à la naissance) afin de déterminer la période de naissance de l’animal avec une précision de l’ordre de quelques mois. L’estimation se fait via une modélisation de la séquence saisonnière sinusoïdale, en calculant le rapport entre la position (en mm) de la valeur optimale du δ18O sur la couronne dentaire et la période du cycle saisonnier. Une méthode similaire pourrait être utilisée pour estimer numériquement, avec une erreur associée, la période de mort des animaux à partir de la séquence saisonnière du δ18O enregistrée dans l’émail dentaire et cela avec une meilleure résolution que les méthodes précédemment citées. Toutefois, la méthode isotopique ne pourrait remplacer complètement les autres méthodes, car celle-ci ne peut s’effectuer que sur des dents en cours de croissance, limitant le nombre d’individus analysables. La mise en place d’une telle méthode requiert la constitution d’un jeu de donnée moderne avec des individus morts à différentes périodes de l’année et dont les dents sont en cours de croissance à la mort de l’animal. pour chaque espèce du fait des variations interspécifiques dans le processus de minéralisation des dents (Green et al., 2017; Hoppe et al., 2004; Zazzo et al., 2005).

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