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1.4. Altération hydrothermale et interactions entre l’eau et la matière

1.4.3. Evolutions isotopiques des chondrites lors de l’altération

1.4.3.1. Isotopes de l’oxygène

0.51 0.44 3.05 0.54 1.46 0.01 0.29 0.08

0.81

,K ,Mg ,Ca )(Fe ,Mg )(Si ,Al ,Fe ).O (OH)

(Na

La smectite terrestre la plus proche est la nontronite (smectite riche en Fe).

La maghémite (oxyde de fer), la calcite (carbonate de calcium), la pyrrhotite et la pendlandite (sulfures de fer et de fer-nickel) et des carbures sont également des phases secondaires qui peuvent être observés dans la matrice (Alexander et al. 1989).

1.4.3. Evolutions isotopiques des chondrites lors de

l’altération

Lors de l’altération hydrothermale, la signature des fluides d’altération est enregistrée dans les minéraux secondaires formés. Si la roche n’a pas subi de fortes modifications postérieures (métamorphisme ou chocs), la nature et l’origine de l’eau d’altération ainsi que la nature des interactions entre l’eau et les phases primaires peuvent alors être appréhendées par l’étude isotopique de l’oxygène et de l’hydrogène de ces phases d’altération.

1.4.3.1. Isotopes de l’oxygène

L’oxygène est un composant majeur de nombreuses phases et minéraux (matière organique, silicates, oxydes) ainsi que des fluides (CO et H2O principalement). Les abondances relatives de ses trois isotopes dépendent de la nature des fractionnements isotopiques (dépendants ou indépendants de la masse) et des interactions entre les différents réservoirs du Système Solaire. Ils sont donc un outil de choix pour l’étude de l’altération aqueuse.

L’effet de l’altération aqueuse sur l’isotopie de l’oxygène peut s’observer à différentes échelles. Les différents groupes de chondrites carbonées contiennent des degrés

d’altération aqueuse croissants dans l’ordre CO, CV < CH, CR < CM < CI. On retrouve cet ordre dans le diagramme des isotopes de l’oxygène, où les groupes de chondrites les plus altérés sont les plus pauvres en 16O (cf. Fig. 1. 15).

Fig. 1. 15. Diagramme des isotopes de l’oxygène des chondrites carbonées (roches totales). Données tirées de Clayton & Mayeda, 1999.

Pour les chondrites ordinaires, les valeurs moyennes de δ17O et δ18O recouvrent une plus faible gamme que pour les chondrites carbonées et sont croissantes avec le degré d’oxydation (cf. Fig. 1. 16). Le groupe contenant les marques les plus visibles d’altération aqueuse, les LL3, possèdent les valeurs les plus élevées de δ17O et δ18O. Les types 3 sont en générale plus riches en isotopes lourds que les chondrites de degré de métamorphisme plus élevés.

Au sein des chondrites, l’isotopie de l’oxygène peut également être liée au degré d’altération des phases : la matrice à grain fin, plus sensible à l’altération est enrichie en isotopes lourds par rapport aux chondres (cf. Fig. 1. 17).

Fig. 1. 16. Diagramme des isotopes de l’oxygène des chondrites ordinaires : roches totales type 4, 5 et 6 en figurés pleins et type 3 en figurés creux. Données tirées de Clayton & Mayeda, 1991.

Fig. 1. 17. Diagramme des isotopes de l’oxygène des chondrites carbonées : roches totales (ronds pleins) et matrice (ronds vides). Les chondrites CI sont entièrement constituées de matrice. Données tirées de Clayton & Mayeda, 1999.

De plus, les phases secondaires typiques de l’altération (carbonates, sulfates, magnétites et hydroxyles ou phyllosilicates) sont souvent appauvries en 16O et possèdent généralement des Δ 17O plus élevées que les roches totales. Le graphique (Fig. 1. 18) correspond à une compilation de données publiées en 2008 par Yurimoto et al. Dans ce

graphique, le Δ17O le plus élevé qui correspond aux valeurs les plus élevées de δ17O et δ18O est mesuré pour la magnétite de la chondrite ordinaire Sémarkona (LL3).

Fig. 1. 18. Comparaison des Δ17O (Δ17O = δ17O-0.52δ18O) des phases secondaires formées par l’altération aqueuse et des valeurs roches totales de 16 chondrites carbonées et 4 chondrites ordinaires : roches totales (ronds pleins) et matrice (ronds vides). Le trait plein correspond au cas où le Δ 17O des phases secondaires est identique à celui de la roche totale. Les lignes tiretées indiquent les écarts entre le Δ 17O des phases secondaires et celui des roches totales. Les phases secondaires sont plus riches en isotopes lourds que la roche totale dans la majorité des cas. D’après la revue de Yurimoto et al. 2008.

Les relativement fortes valeurs enregistrées pour les phases secondaires liées à l’altération aqueuse montrent de façon robuste que les fluides d’altération étaient plus pauvres en 16O et de Δ17O plus élevées que les solides avec lesquels ils ont réagi. Plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer les valeurs mesurées et estimer les valeurs isotopiques des fluides d’altération (Clayton et Mayeda 1999 ; Young 1999 ; Choi et al. 1998). Les estimations obtenues dépendent fortement des valeurs des paramètres tels que les proportions relatives de glace et de roche accrétées, les compositions isotopiques initiales des solides ainsi que des hypothèses de départ (système fermé, fractionnement à l’équilibre, température etc.).

Récemment, de nouvelles mesures ont repoussé les limites maximales de δ17O et δ18O connues pour les fluides. Sakamoto et al. (2007) ont mesuré de forts enrichissements en δ17O et δ18O dans des phases secondaires de la météorite Acfer 094 (non-groupée). Ces phases très pauvres en 16O (δ17O = δ18O ~ 170 ‰) sont proches des assemblages à tochilinite – cronstedite appelés PCP (Poorly Caracterized Phase) couramment observés dans les chondrites carbonées hydratées de type CM.

En dehors des phases d’altération, de très forts appauvrissements en 16O ont été mesurés dans des grains silicatés analysés par sonde ionique dans l’IOM de la chondrite carbonée CM Murchison (Aléon et al. 2005) et dans l’IOM d’une chondrite carbonée CR Yamato 793495 (Hashizume et al. 2011). Les mesures se répartissent de part et d’autre d’une droite de pente légèrement supérieure à 1 (1.057 ± 0.015, Hashizume et al. 2011); le recours à un fractionnement isotopique dépendant de la masse pour expliquer les variations au sein de l’IOM est donc impossible. C’est la première fois que des valeurs isotopiques de l’oxygène autres que solaires sont obtenues pour la matière organique.

Le retour de la mission Genesis et l’analyse des cibles sur lesquelles s’est implanté du vent solaire a permis de confirmer les forts enrichissements en 16O des gaz solaires (δ17O = -58.5 ‰ et δ18O = -59.1 ‰) déjà mesurés à la surface de certains grains de métal lunaire (Hashizume et Chaussidon, 2005). De tels enrichissements en 16O n’avaient été observés que dans des inclusions réfractaires (e.g. Liu et al. 2009) qui représentent au plus quelques pourcents des chondrites. La figure suivante (Fig. 1. 19) illustre l’état de l’art des variations isotopiques de l’oxygène observées dans le Système Solaire.

Fig. 1. 19. Diagramme des isotopes de l’oxygène des principales mesures du Système Solaire. Données de McKeegan et al. 2011, Clayton et al. 1991, Liu et al. 2009, Sakamoto et al. 2007.

L’alignement des inclusions réfractaires et des chondres des chondrites carbonées sur une droite de pente proche de 1 est souvent interprété comme le résultat d’un mélange entre deux réservoirs d’oxygène : le gaz nébulaire riche en 16O et un second réservoir pauvre en 16O (e.g. Clayton 2003, Krot et al. 2010). Suivant cette idée et les modèles d’altération aqueuse, les mesures récentes indiquent qu’il semble y avoir d’autres

réservoirs, dont sont issus les fluides d’altération pouvant être très pauvres en 16O (δ17O = δ18O > 170 ‰).

En 1983, Thiemens et Heidenreich ont montré que les processus de synthèse de l’ozone, encore mal compris à l’heure actuelle, induisent des fractionnements non-dépendants de la masse produisant une droite de pente 1 dans le graphique δ17O en fonction de δ18O. Le phénomène est responsable de forts appauvrissement en 16O pour l’ozone de l’atmosphère terrestre (δ17,18O~ 100‰) qui peuvent être transmis aux autres molécules présentent dans l’atmosphère comme CO2 ou N2O (Revue de Thiemens, 2006 et références associées).

Pour expliquer ce fractionnement indépendant de la masse, les auteurs avaient proposé le processus de self-shielding. Ce processus a été rapidement invalidé dans le cas de l’ozone atmosphérique (Navon et Wasserburg 1985). Le self-shielding ou auto-écrantage est la conséquence de la forte abondance de 16O par rapport aux isotopes 17O et 18O : les photons ayant la longueur d’onde ultraviolet nécessaire pour photodissocier les molécules porteuses de 16O sont saturés alors que ceux photodissociant des molécules gazeuses porteuses de 17O et 18O, plus rares, sont toujours actifs. Les atomes résultant de la photodissociation peuvent ensuite réagir avec H et former des glaces d’eau enrichies en isotopes lourds par rapport au gaz initial. L’idée du self-shielding a été reprise de nombreuses fois dans la littérature et est proposée dans différents types d’environnements de la nébuleuse protosolaire aux nuages moléculaires denses e.g. Clayton, 2002 ; Lyons et Young, nature, 2005 ; Yurimoto et kuramoto, 2004. Si le self-shielding permet d’expliquer la formation à partir d’un gaz solaire riche en 16O de réservoirs appauvris, certains paramètres tels que la capacité à conserver les fractionnements créés ou l’influence du fractionnement isotopique produit lors de la dissociation restent des limites à la validation du modèle (Thiemens, 2006).

Finalement, si les isotopes de l’oxygène permettent de classifier et de révéler les relations entre les différents groupes et types de météorites, les processus à l’origine des fractionnements isotopiques observés restent mal compris. Néanmoins, l’altération aqueuse semble être systématiquement liée à un appauvrissement en 16O des phases oxydées ou hydratées. Du fait de la conservation des compositions chimiques du soleil dans les CI très hydratées, on considère généralement que l’altération aqueuse a opéré en système fermé. Les valeurs isotopiques très variables mesurées dans ces phases hydratées semblent montrer que les fluides responsables de l’altération des différentes météorites n’étaient pas isotopiquement homogènes.

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