Chapitre 1 : Effet de l’environnement radiatif naturel sur les composants à
1.3 Les interactions particule-matière
1.3.1 Ions lourds
1.3.1.1 Nature de l’interaction
L’interaction des ions lourds (Z>2) avec la matière peut être de deux types. Le premier
est une interaction coulombienne qui est une collision inélastique d’une particule chargée
incidente (c-à-d un ion) avec le cortège électronique du réseau cristallin. Le second est une
interaction résultant de collisions élastiques de l'ion sur les noyaux des atomes du réseau
cristallin. La probabilité d’interaction forte avec les noyaux, qui correspond au deuxième type,
est généralement négligeable [ENG72], sauf en fin de parcours. Le processus de dépôt
d’énergie de l’ion incident est donc l’ionisation des atomes du réseau cristallin, accompagnée
éventuellement de rayonnements Bremsstralung et Cerenkov [MOR99]. Il est à noter que les
pertes d’énergie des particules incidentes sont quantifiées par la notion de LET qui sera
définie dans le chapitre II. Le mécanisme d’ionisation se produit lorsque l’énergie de la
particule incidente est supérieure à l’énergie nécessaire à la création d’une paire électron/trou.
Des relations empiriques issues de mesures expérimentales [BOUD98] existent pour relier la
valeur de l’énergie moyenne nécessaire à la création d’une paire électron trou à la valeur du
gap du matériau considéré.
Généralement les ions issus de l’environnement spatial sont fortement chargés et ont
donc une forte interaction coulombienne avec les électrons liés du semiconducteur. La grande
efficacité en termes de génération de charges libres d’un ion lourd réside dans le fait qu’il ne
perd qu’une quantité infime de son énergie cinétique lors de l’interaction avec un électron lié.
En effet, le pourcentage maximal d’énergie que peut prendre un électron à un ion lourd est de
l’ordre de 0,05 % dans le cas d’une particule alpha (
4He), de 0,02 % pour un ion
12C, de 0,005
% pour un ion
52Fe et moins encore pour des ions plus lourds. Le nombre de charges que peut
générer un ion lourd dans un semiconducteur est donc très important.
1.3.1.2 Parcours d’un ion lourd dans la matière : notion de range
Chaque ion a une trajectoire propre résultant de ses interactions avec le matériau cible.
La longueur de cette trajectoire est appelée « le range ». Cette longueur reste dans l’absolu
inconnue puisque le comportement d’un faisceau de particules est gouverné par les lois de la
statistique. Ces lois permettent toutefois de définir et calculer un range moyen. Il est calculé à
partir de la perte d’énergie de l’ion par unité de longueur. Ainsi, pour un ion incident
d’énergie E, le range r(E) est donnée par l’équation Eq. 1-1 où les valeurs des bornes
d’intégration correspondent à l’ion arrêté en fin de parcours (E=0) et à l’énergie cinétique (E)
du début de parcours.
∫
=
0)
(
E Totaldx
dE
dE
E
r
Eq. 1-1Les fluctuations autour de ce range sont le résultat de la déviation due à l’incertitude
concernant le nombre et l’efficacité de chaque collision. Cependant pour les ions lourds, ces
fluctuations sont peu importantes et la trajectoire reste rectiligne comme l’illustre la Figure
1-10-a. Ceci s’explique par la différence de masse entre l’ion incident et l’électron cible du
réseau cristallin qui conduit à un transfert d’énergie ∆E faible lors de l’interaction
coulombienne [BOUD99]. Il faut noter que, sans être un ion lourd, le proton possède une
trajectoire du même type. A tire d’exemple et pour réaliser une comparaison, la Figure 1-10-b
rapport aux noyaux cibles, chaque collision conduit à une forte déviation entraînant des
trajectoires dispersées.
Le range dépend donc de la masse et de l’énergie de la particule incidente, mais aussi
de la densité du matériau. Plus le matériau est dense, plus les ranges sont courts. En fonction
de ces paramètres, la gamme du range peut être comprise entre quelques microns et plusieurs
millimètres.
Figure 1-10: image du parcours d'ions magnésium d'énergie initiale 500 MeV et d’électrons d’énergie initiale 100 keV dans 500 µm de silicium
1.3.1.3 Répartition spatiale et temporelle de la trace d’ionisation
Répartition spatiale :
L’énergie transmise à l’électron par un ion lourd au moment de l’ionisation d’un
atome du réseau cristallin peut atteindre plusieurs keV. L’énergie d’ionisation étant à peine de
quelques électronvolts (3,6 eV), l’électron possède alors une énergie cinétique importante et
peut à son tour ioniser les atomes du matériau (création d’une paire électron trou). Ces
électrons hautement énergétiques sont appelés rayons δ et s’éloignent de la trajectoire suivie
par l’ion incident suivant un parcours pratiquement perpendiculaire (cf. Figure 1-11-a). Ils
augmentent donc l’étendue radiale de la zone de dépôt effectif de charges [FAG93]. Le
parcours moyen R d’un rayon δ d’énergie cinétique E
cdans le silicium est estimé par la
formule empirique suivante [EQU88]:
R[µm] = (1,83 × 10
-2)E
c[keV]
1,75 Eq. 1-2 Silicium Electrons de 100keV Ions Mg de 500 MeV SiliciumCe parcours peut atteindre plusieurs micromètres selon l’énergie dont dispose l’ion en
entrant dans le milieu. Comme l’énergie cinétique de l’ion diminue au fil de son parcours, la
valeur maximale du parcours moyen R des rayons δ diminue d’autant. En d’autres termes, le
rayon de la trace d’ionisation diminue avec la profondeur du range. La Figure 1-11-b illustre
ce phénomène en montrant la trace d’ionisation (dépôt de charges par abus de langage) pour
différents ions lourds de ranges identiques (H à Fe).
Figure 1-11: trajectoire de quelques ions lourds (H à Fe) dans le silicium [BOU96]