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Cette partie sera consacrée à l’étude de l’invariant µ introduit par Colin de Verdière [21]. On pourra se référer à [79] pour plus de détails sur cet invariant.

Motivé par l’étude de la multiplicité de la seconde valeur propre des opérateurs de Schrödinger, Colin de Verdière [21] à introduit en 1990 un certain paramètre noté µ sur les graphes.

Pour l’introduire nous aurons besoin de certaines définitions sur les matrices. Soit G un graphe avec n sommets. On note par OGl’ensemble des matrices symétriques (Mi j)i jde

matrices sont communément appellées opérateurs de Schrödinger discrets. Lecorang d’une matrice M est défini comme la dimension du noyau Ker(M). On définit alors µ(G) comme étant le plus grand entier tel qu’il existe une matrice (Mi j)i j vérifiant :

– M ∈ OG,

– M a exactement une valeur propre négative, de multiplicité 1,

– Il n’existe pas de matrice de taille n×n non-nulle X = (Xi j)i jtelle que MX = 0 et Xi j=0

si i = j ou Mi j=0.

Cette dernière propriété est aussi nommée "la propriété d’Arnold forte" dans le litté- rature. Notons que µ(G) existe toujours lorsque G est connexe par une application du théorème de Perron-Frobenius (cf. [79]). Si le graphe n’est pas connexe, on peut prendre le maximum des valeurs de µ prises sur toutes les composantes connexes du graphe. Exemple : Pour le graphe complet Kn, on a µ(Kn) = n −1. La matrice −Jnvérifie alors les

trois conditions précédentes et est de corang n − 1. Comme au moins une des valeurs propres doit être négative, cette matrice est celle de corang maximale. De plus, on peut montrer que le graphe complet est l’unique graphe à n sommet qui atteint cette valeur. L’une des propriétés les plus importantes que possède cet invariant est le fait qu’il soit monotone pour la relation de mineurs.

Théorème 2.53 (C. de Verdière, 1987, [20])

Soit G un graphe. Si H est un mineur de G alors µ(H) ≤ µ(G).

Ainsi, étant donné un entier k positif, l’ensemble des graphes G vérifiant µ(G) ≤ k forme une classe de graphes close par mineur. Par le théorème de Robertson et Seymour (Théorème 2.3), cette classe est donc caractérisée par un ensemble fini de mineurs ex- clus. La question naturelle qui se pose est : peut-on caractériser l’ensemble des mineurs exclus pour ces classes ?

Le théorème suivant montre que pour les petites valeurs de k, on retrouve certaines classes de graphes topologiques vues précédemment et dont la liste des mineurs exclus est connue.

Théorème 2.54 ([21], [46], [78])

On a les propriétés suivantes :

– Un graphe G est un stable de taille 1 ou 2 si et seulement si µ(G) ≤ 0. – Un graphe G est une forêt si et seulement si µ(G) ≤ 1.

– Un graphe G est un graphe planaire externe si et seulement si µ(G) ≤ 2. – Un graphe G est un graphe planaire si et seulement si µ(G) ≤ 3.

– Un graphe G est un graphe sans entrelacs si et seulement si µ(G) ≤ 4.

De plus, comme le montre le théorème suivant, il existe certaines relations entre la va- leur µ prise entre un graphe et son complémentaire. Ces relations nous serons utiles par la suite pour calculer la valeur de µ pour certains graphes particuliers.

Théorème 2.55 (Kotlov et al., 1997, [42])

Soit G un graphe à n sommets. On a alors les propriétés suivantes : – Si G est une forêt de chemins alors µ(G) ≥ n − 3.

– Si G est un graphe planaire externe alors µ(G) ≥ n − 4. – Si G est un graphe planaire alors µ(G) ≥ n − 5.

De plus, on peut partiellement montrer une réciproque à ces propriétés en rajoutant la condition que les graphes n’aient pas de sommetsjumeaux, c’est-à-dire deux sommets

u et v tels que N[u] = N[v].

Théorème 2.56 (Kotlov et al., 1997, [42])

Soit G un graphe à n sommets n’ayant pas de sommets jumeaux alors on a les propriétés suivantes :

– If µ(G) ≥ n − 3 alors G est un graphe planaire externe. – If µ(G) ≥ n − 4 alors G est un graphe planaire.

CHAPITRE

3

Triangles et mineurs de graphes

Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la relation entre l’existence de triangles dans les graphes et certains mineurs de graphes complets. Nevo [53] a prouvé que si chaque arête d’un graphe appartient à 2 (resp. 3) triangles alors ce graphe admet un graphe K4

(resp. K5) comme mineur. Dans le cas ou chaque arête du graphe appartient à 4 triangles,

Nevo a prouvé que soit le graphe contient un mineur K6ou bien que le graphe peut être

obtenu à partir de deux graphes plus petits en identitifiant des cliques de taille au plus

4. La motivation de ce chapitre est d’étendre les travaux de Nevo aux cas supérieurs. En

particulier, nous prouvons les résultats suivants.

– Nous étendons les résultats de Nevo aux cas où chaque arête appartient à 4 et 5 tri- angles.

– Nous proposons une généralisation des résultats de Nevo au cas où chaque arête appar- tient à 6 triangles. En effet, nous verrons qu’une généralisation directe du théorème de Nevo est impossible en raison de l’apparition de certains contre-exemples. Néanmoins, nous verrons que ces contre-exemples possèdent tous une certaine sous-structure parti- culière.

– Enfin, nous essaierons de généraliser ces propriétés aux matroïdes. En particulier, nous montrerons que des théorèmes similaires à ceux des graphes dans les cas où le nombre de triangles par élément est de 2 ou 3.

Ces résultats ont été obtenus avec D.Gonçalves et J. Ramírez-Alfonsín [2, 4].

3.1 Introduction

En 1968, Mader prouve un théorème reliant l’existence d’un mineur d’un graphe com- plet et la densité du graphe en nombre d’arêtes (cf. Théorème 2.40 de la Section 2.5) Plus précisément, il affirme que pour 3 ≤ r ≤ 7, tout graphe sans mineur Kr avec au moins r

sommets a au plus (r − 2)n −¡r −12 ¢arêtes.

Intéressons-nous maintenant à une propriété particulière d’un contre-exemple mini- mal à ce théorème. Soit G un contre-exemple minimal, c’est-à-dire un graphe sans mineur Kr, 3 ≤ r ≤ 7 et avec au moins r sommets tel que G contienne au moins

(r − 2)n −¡r −12 ¢+1 arêtes et soit e une arête de ce graphe. Supposons que l’on contracte l’arête e, comme G est minimal, G/e a au plus (r −2)(n−1)−¡r −12 ¢=(r −2)n−(r −2)−¡r −12 ¢ arêtes. Comme tous les graphes sont simples, l’arête e est contenue dans au moins (r −2) triangles. En effet en contractant l’arête e, les triangles contenant e verront leurs arêtes restantes être en parallèles. Comme le graphe est simple, les arêtes en parallèles se- ront identifiées et donc le nombre d’arêtes total du graphe diminuera de un par triangle contenant e.

Nous supposerons que tous les graphes étudiés dans ce chapitre sont simples, connexes et ont au moins une arête. Le but de ce chapitre est d’étudier la question suivante.

QUESTION. Si chaque arête d’un graphe G appartient à au moins (r − 2) triangles avec

r ≥ 3, G admet-t-il un graphe complet Kr comme mineur ?

Nevo [53] a répondu affirmativement pour les petites valeurs de r . En particulier, il a prouvé le théorème suivant.

Théorème 3.2 (Nevo, 2007, [53])

Pour 3 ≤ r ≤ 5, tout graphe tel que chaque arête appartienne à au moins (r − 2) triangles contient le graphe Kr comme mineur.

PREUVE. Soit G un graphe sans mineur Kr tel que chaque arête appartienne à au moins

(r − 2) triangles.

Pour r = 3, la proposition est triviale.

Pour r = 4, par le Théorème 2.40, G a au plus 2n − 4 arêtes. En particulier, il existe un sommet u tel que d(u) ≤ 3. Comme chaque arête appartient à au moins 2 triangles, cela implique que chaque sommet de N(u) a degré au moins 2 dans G[N(u)]. En effet si une arête uv est contenue dans un triangle, alors le troisième sommet du triangle appartient à N(u) et est adjacent à v. On en déduit que G[N(u)] ≃ K3et donc G[N[u]] est isomorphe

à K4, une contradiction.

Pour r = 5, toujours par le Théorème 2.40, G a au plus 3n − 6 arêtes. En particulier, il existe un sommet u tel que deg(u) ≤ 5. De plus comme chaque arête appartient à au moins 3 triangles, deg(u) ≥ 4. Notons que G[N(u)] ne peut pas contenir un mineur K4,

car autrement G[N[u]] contiendrait un mineur K5, ce qui serait une contradiction. On

peut donc supposer que G[N(u)] est sans mineur K4. En particulier par le Théorème 2.13,

G[N(u)] contient un sommet de degré au plus 2. Or comme chaque arête appartient à au moins 3 triangles, δ(G[N(u)]) ≥ 3, contradiction.

Pour le cas r = 6, Nevo a prouvé le théorème suivant.

Théorème 3.3 (Nevo, 2007, [53])

Tout graphe tel que chaque arête appartienne à au moins 4 triangles contient le graphe

K6 comme mineur ou bien G peut être obtenu à partir de deux graphes plus petits en

identifiant des cliques de taille au plus 4 (i.e. G = G1∪G2, G1,G26=G tel que G1∩G2=Kr

Le but des sections suivantes sera d’étendre et de généraliser les Théorèmes 3.2 et 3.3. Plus précisément, nous prouverons le théorème suivant.

Théorème 3.4 (Albar & Gonçalves, 2012, [2])

Pour 3 ≤ r ≤ 7, tout graphe G sans mineur Kr a une arête uv telle que deg(u) ≤ 2r − 5 et

uv appartient à au plus r − 3 triangles.

Le Théorème 3.4 ne peut être étendu au cas r = 8 directement. En effet, comme l’a re- marqué Nevo [53], K2,2,2,2,2est alors un contre-exemple au théorème car il ne contient

pas de mineur K8alors que chaque arête appartient à 6 triangles. En fait, on peut obte-

nir un graphe sans mineur K8et dont chaque arête appartient à au moins 6 triangles à

partir de n’importe quel graphe en collant des copies de K2,2,2,2,2sur chacune des arêtes

du graphe. Il est intéressant de noter que K2,2,2,2,2apparaît dans un théorème équivalent

au Théorème 2.40 pour les graphes sans mineur K8(Théorème 2.41).

Ainsi, même si le Théorème 3.4 ne peut pas être étendu directement au cas des graphes sans mineur K8, des conclusions similaires peuvent être atteintes en considérant des

hypothèses plus fortes. Nous prouvons dans cette partie les trois théorèmes suivants.

Théorème 3.5 (Albar & Gonçalves, 2012, [2])

Tout graphe G sans mineur K8avec δ(G) ≥ 11 a une arête uv telle que u ait degré 11 et uv

appartient à au plus 5 triangles.

Théorème 3.6 (Albar & Gonçalves, 2012, [2])

Tout graphe G sans mineur K8 avec δ(G) ≥ 9 a une arête uv appartenant à au plus 5

triangles.

Théorème 3.7 (Albar & Gonçalves, 2012, [2])

Tout graphe G sans mineur K8ne contenant pas K2,2,2,2,2comme sous-graphe induit a une

arête uv appartenant à au plus 5 triangles.

Enfin, nous avons étudié les généralisations possibles de ces théorèmes aux cas des ma- troïdes. Dans ce cas, on rappelle que les triangles sont des circuits de taille 3. En par- ticulier, étant donné un matroïde dont tous les éléments appartiennent à k triangles, contiennent-ils un mineur M(Kk+2) où M(Kk+2) est le matroïde graphique associé au

graphe Kk+2?

Comme le montrent les théorèmes suivants, la réponse est moins simple que dans le cas des graphes. Néanmoins, pour les petites valeurs de k, on peut prouver le théorème sui- vant qui fournit un analogue aux théorèmes vus précédemment pour les graphes sans mineur K5. Notons que dans le cas des matroïdes, la liste des mineurs à exclure est net-

tement plus longue que dans le cas des graphes.

Théorème 3.8 (Albar, Gonçalves & Ramírez, 2014, [4])

Soit M un matroïde simple tel que chaque élément appartienne à au moins 3 triangles. Alors M contient un mineur U2,4, un mineur F7ou bien un mineur M(K5).

En modifiant légèrement les preuves du Théorème 3.4 et en utilisant les lemmes de la preuve du Théorème 3.8, on peut généraliser le Théorème 3.4 au cas des matroïdes régu- liers. On rappelle qu’un matroïde est régulier si et seulement s’il ne contient pas U2,4, F7

ou F∗

7 comme mineur (cf. Théorème 2.12). Plus précisément, on a le théorème suivant.

Théorème 3.9 (Albar, Gonçalves & Ramírez, 2014, [4])

Pour r ≤ 3 ≤ 7, tout matroïde simple et régulier M tel que tout élement de M appartienne à au moins r triangles contient un mineur M(Kr).

Dans le cas, plus simple, où tous les éléments appartiennent à deux triangles, on peut montrer que le matroïde contient U2,4ou M(K4) comme mineur. Cela découle de la ca-

ractérisation des matroïdes binaires (Théorème 2.9) et du fait que les classes des ma- troïdes binaires sans mineur M(K4) correspondent à la classe des matroïdes obtenus à

partir des graphes séries-parallèles. Une question naturelle est de savoir si de tels théo- rèmes peuvent être obtenus pour les matroïdes représentables sur des corps de carac- téristique plus grande. Si l’on considère les matroïdes ternaires on peut par exemple montrer le théorème suivant.

Théorème 3.10 (Albar, Gonçalves & Ramírez, 2014)

Tout matroïde ternaire simple tel que tout élément appartienne à au moins 2 triangles, contient P7 ou M(K4) comme mineur ou bien contient une copie de U2,4 comme sous-

matroïde.