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Les invadopodes ont été décrits pour la première fois comme étant des sites d’adhésions en rosette formés par des fibroblastes embryonnaires de poulet transformés par le virus du sarcome de Rous (Chen, 1989). Ces structures permettaient l’adhésion des cellules à la MEC mais aussi sa dégradation. Depuis lors, de nombreuses études ont été réalisées pour tenter de comprendre la formation de ces structures favorisant l’invasion des cellules cancéreuses.

Structure

Les invadopodes sont des protrusions membranaires (de taille supérieure à 2µm) situées sur la face ventrale de cellules cancéreuses en culture et permettant la dégradation de la MEC. Ceux-ci sont riches en actine et comportent des complexes d’adhésions et de protéines d’échafaudage. La formation de ces structures peut être caractérisée en trois phases distinctes dénommées initiation (stade I), assemblage (stade II) et maturation (stade III)

(Figure 18 et 19).

1. Initiation

Les intégrines transmembranaires (principalement β1) interagissent directement avec la MEC et permettent la transduction du signal d’adhésion au cytoplasme (Destaing et al.,

2010). Suite à la liaison à la MEC (collagène, fibronectine…), l’activation des intégrines induirait

un recrutement local de protéines d’adhésion intracellulaires telles que la Vinculine, la Paxilline (Schaller, 2001) et Hic-5 (Pignatelli et al., 2012; Revach and Geiger, 2014) afin de constituer les adhésions focales. Au niveau de celles-ci, FAK semble être un régulateur principal de l’initiation de la formation des invadopodes via la séquestration de Src. En effet, suite à l’activation des intégrines, FAK s’autophosphoryle (Y397) et se lie avec Src qui est alors phosphorylé à son tour au niveau des adhésions focales (Chan et al., 2009; Oser et al., 2009). Après l’arrêt de l’autophosphorylation de FAK (dont l’origine n’est pas déterminée), Src est libéré et est délocalisé au niveau des radeaux lipidiques où il phosphoryle ses partenaires protéiques. Au niveau des adhésions focales, PKC active le PtdIns(3,4)P2 qui permet le recrutement de TKS5. TKS5 peut alors être phosphorylé par Src et recruter la Cortactine (elle- même phosphorylée par Src) (Oser et al., 2009). (Figures 18,a et 19,protéines en rouge).

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2. Assemblage

En plus de Src, la Cortactine peut aussi être phosphorylée par PAK et ERK 54 (Weaver,

2008) permettant le recrutement du complexe de polymérisation de l’actine (N-WASP,

Arp2/3). Ceci en fait une étape-clé nécessaire à la formation des invadopodes (Gimona et al., 2008).

Une fois les kinases Src et PKC activées, le recrutement de molécules adaptatrices telles que NCK1 et 2 (via TKS5 activé et RTK), N-WASP (via TKS5, NCK1/2 et Cortactine activés) et Arp2/3 (via Cortactine activée et N-WASP) peut avoir lieu (Gimona et al., 2008; Stylli et al.,

2009). NCK1 en se liant à WIP, bloque son interaction inhibitrice de N-WASP qui interagit avec

Arp2/3 et active la nucléation de l’actine (Yamaguchi et al., 2005). N-WASP peut aussi être activé directement par des membres de la famille des Rho-GTPases tels que cdc42 (Martinez-

Quiles et al., 2001). Le complexe Arp2/3 permet la polymérisation de l’actine, après action de

la Cofiline-1 qui crée des extrémités libres sur les filaments d’actine existants. A l’état basal, la Cofiline-1 est liée à la Cortactine et est alors inhibée. Après phosphorylation de la Cortactine par Src, la Cofiline-1 se détache et coupe les extrémités des filaments d’actine (Oser et al.,

2009). PKC peut aussi activer la Fascine qui permet de stabiliser le regroupement d’actine en

cours de formation (Jayo and Parsons, 2010; Li et al., 2010).

Src activé phosphoryle à son tour AFAP110 (protéine associée à l’actine), p130CAS (protéine adaptatrice et effectrice des intégrines) et la MT1-MMP (aussi appelée MMP14, cf 3.Maturation, p.38, (Lock et al., 1998)).

D’autre part, il a été montré que Nav1.5 (canal sodique) était impliqué, avec NHE-1, dans la formation des invadopodes. Nav1.5 colocalise avec la Cav-1 dans les radeaux lipidiques et augmente l’activité de Src qui accroît celle de ses partenaires protéiques, telles que la Cortactine (Brisson et al., 2013).

Nav1.5 colocalise avec NHE-1 (isofrome 1 de l’échangeur Na+/H+) et augmente son activité (ainsi que CD44, (Bourguignon et al., 2004)) pour des pH compris entre 6,4 et 7. NHE- 1 permet alors la sortie plus importante de H+ dans le milieu extracellulaire, grâce au maintien du gradient de Na+ par la pompe électrogénique Na+/K+ ATPase et à la production de protons par la glycolyse aérobie (« effet Warburg » des cellules cancéreuses (Warburg, 1956)). Il en résulte une alcalinisation du pH intracellulaire (pHi, de 6,9-7,2 pour une cellule normale à 7,2-

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7,7) et une acidification du pH extracellulaire (pHe, de 7,2-7,4 à 6,2-6,8) (Brisson et al., 2013;

Busco et al., 2010) (Figure 20). Cette alcalinisation intracellulaire provoque la rupture de

l’interaction entre Cortactine et Cofiline-1 (en plus de la phosphorylation de la Cortactine) permettant à cette dernière d’effectuer son action (décrite ci-dessus) (Figure 18,b et

19,protéines en vert) (Frantz et al., 2008).

3. Maturation

La dégradation de la MEC par les invadopodes est attribuée à l’activation des métalloprotéinases matricielles (MMP). La MT1-MMP membranaire, est le principal régulateur du processus de dégradation avec les protéases sécrétées MMP-2, MMP-9 et les protéines de la famille ADAMs (Buccione et al., 2009). La synthèse et la sécrétion des protéases sont contrôlées par le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi qui délivrent les vésicules contenant les MMP via le réseau de microtubules (Schoumacher et al., 2010). Un des régulateurs centraux de ce processus est Src qui phosphoryle et provoque l’endocytose de MT1-MMP (Poincloux et al., 2009). La Cortactine phosphorylée, via son interaction avec TKS4, recrute MT1-MMP (Artym et al., 2006; Clark and Weaver, 2008; Clark et al., 2007). D’autres effecteurs de la cascade de signalisation des RTK sont les petites GTPases, Rho A et cdc42, qui peuvent activer l’interaction d’IQGAP avec sec8, un composant de la machinerie d’exocytose qui adresse MT1-MMP à la membrane (Noritake et al., 2005; Sakurai-Yageta et al., 2008).

L’acidification extracellulaire permet, quant à elle, de promouvoir l’activité des cystéines cathepsines (principalement B mais aussi S et K) libérées dans le milieu extracellulaire. La cathepsine B dégrade les inhibiteurs de MMPs, TIMP-1/2, favorisant ainsi la lyse de la MEC. Cette acidification favorise aussi l’expression et le recrutement de MMP-2, MMP-9 et MT1-

MMP (Brisson et al., 2012). MMP-2 et MMP-9 sont libérées dans le milieu extracellulaire alors

que MT1-MMP est associée à la membrane et active pro-MMP-2 en MMP-2. C’est cette dernière qui active pro-MMP-9 en MMP-9 (Schnaeker et al., 2004) (Figure 18, c et 19,

protéines en bleu).

4. Fonctions

In vitro, les invadopodes sont formés par de nombreuses lignées de cellules

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cellules mises en culture à partir de biopsies de cancers humains invasifs (système nerveux

central) et dont les invadopodes sont associés à une dégradation de la MEC (Clark et al., 2007). Il semblerait donc que la formation des invadopodes soit liée aux capacités invasives et métastatiques des cellules cancéreuses et pourrait être considérée comme un marqueur diagnostic des cancers malins (Yamaguchi, 2012).

La dissémination des cellules cancéreuses dans le péritoine est souvent observée dans certains cancers de grade avancé (estomac, ovaires, pancréas, colon) et est un facteur majeur de pronostic (Lu et al., 2010). Pendant cette dissémination péritonéale, les cellules cancéreuses sont dans l’ascite, fixées au péritoine, et envahissent le mésothélium (Jayne,

2007). Les invadopodes pourraient donc jouer un rôle dans ce processus de métastase

péritonéale. Une autre étude a montré que si l’activité de N-WASP était empêchée, la formation des invadopodes l’était aussi ainsi que l’invasion, l’intravasation et la métastase pulmonaire de tumeurs du sein (Gligorijevic et al., 2012). Ce résultat suggère que les invadopodes joueraient un rôle majeur, in vivo, dans l’invasion et l’intravasation tumorale.

Les invadopodes apparaissent alors comme étant une cible thérapeutique de choix dans la lutte anti-cancéreuse. Des thérapies actuelles, visant à limiter les métastases, utilisent déjà des inhibiteurs de partenaires-clé des invadopodes comme les inhibiteurs de Src (Saracatinib (Yamaguchi et al., 2014)/Dasatinib (Pichot et al., 2009)), du récepteur à l’EGF (Iressa (Yamaguchi et al., 2005)) ou de la Fascine (Migrastatine (Chen et al., 2010)). Mais d’autres études restent nécessaires pour permettre la sélection de nouvelles cibles thérapeutiques associées aux invadopodes et ainsi limiter l’invasion cancéreuse.

5. Renouvellement

La durée de vie des invadopodes est aussi courte que celle de l’actine (quelques minutes à quelques heures). Et, actuellement, peu d’études permettent de comprendre leur renouvellement pendant l’invasion. Au niveau de leurs extrémités, l’actine disparaît rapidement alors qu’elle perdure dans la partie filamenteuse pendant des heures (Baldassarre

et al., 2006). Il semblerait que ce soit la phosphorylation de la Cortactine et d’AFAP110 qui

permette le renouvellement des invadopodes (Dorfleutner et al., 2008; Oser et al., 2009). Mais, il serait intéressant d’étudier aussi l’implication des lipides, des phosphatases ou des

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régulateurs de la formation des invadopodes dans ce renouvellement (Murphy and

Courtneidge, 2011).

Depuis quelques années, la capacité d’invasion des cellules cancéreuses ont été aussi associées à l’expression des connexines, les protéines de structure des jonctions intercellulaires de type gap.

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CHAPITRE 3 : LA COMMUNICATION INTERCELLULAIRE PAR

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