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Introduction à la théorie du potentiel dans le plan

SoitΩun ouvert deC. Pour toute application continuef :∂Ω→Cde la frontière deΩ dansC, leproblème de DirichletsurΩ (pour l’équation de Laplace) de donnée frontièref consiste à étudier l’existence et l’unicité d’une application continueu: Ω→C, harmonique surΩ, dont la restriction à la frontière de Ωest égale àf, c’est-à-dire à étudier l’existence et l’unicité d’une application continue u: Ω→C vérifiant le système d’équations

∆u= 0 sur Ω (´equation de Laplace sur Ω) u|∂Ω =f (valeurs au bord).

Nous avons vu dans le corollaire 2.2 que si Ω est un disque ouvert, alors le problème de Dirichlet admet une et une seule solution, pour toute application continue donnée sur la frontière du disque. Le but de cette partie est d’étendre ce résultat à d’autres ouverts de C, en utilisant le théorème de représentation conforme de Riemann.14

Rappelons qu’une courbe fermée dans Ω est une application continue f du cercle S1 dans Ω. Elle est dite simple, et appelée une courbe de Jordan, si elle est injective (par compacité, c’est alors un homéomorphisme sur son image). Elle est dite homotope à zéro dans Ω si elle se prolonge continûment en une application du disque dans Ω, c’est-à-dire s’il existe une application continue F :D→Ωtelle que F|S1 =f.

L’ouvertΩ de Cest dit simplement connexe s’il est connexe et si toute courbe fermée dans Ω est homotope à zéro dans Ω (voir la proposition B.2 de l’appendice B pour des conditions équivalentes).

Un domaine de Jordan dans C est un ouvert borné Ω de C dont la frontière ∂Ω est une courbe de Jordan. Le résultat suivant, que nous admettrons, dit en particulier qu’un domaine de Jordan est simplement connexe.

Théorème 2.9 (Théorème de Jordan) Le complémentaire d’une courbe de Jordan γ dans Cadmet exactement deux composantes connexes, l’une bornée, homéomorphe à Det d’adhérence homéomorphe à D, l’autre non bornée, et γ est la frontière de chacune d’entre

elles.

L’existence de phénomènes du typelacs de Wadamontre l’importance de la condition surγd’être une courbe de Jordan. Il existe en effet trois ouverts disjoints dans le carré unité [−1,1]2 de réunion dense dans[−1,1]2, ayant exactement la même frontière. Evidemment, ce ne sont pas des domaines de Jordan ! Voir par exemple [Cou], dont est extrait le dessin ci-dessous.

Voici quelques exemples (et un intrus !) de courbes de Jordan et de domaines de Jordan.

Rappelons que deux ouverts Ω1 etΩ2 de C sont conformément équivalents s’il existe une application holomorphe bijectivef deΩ1dansΩ2. La bijection réciproque est alors ho-lomorphe (voir par exemple [Rud1, Theo. 10.32+10.34]), et donc la relation « être confor-mément équivalent à » est une relation d’équivalence sur l’ensemble des ouverts de C.

Rappelons le résultat suivant (voir par exemple [Rud1, Theo. 14.8]).

Théorème 2.10 (Théorème de représentation de Riemann) Tout ouvert simple-ment connexe non vide Ω deC, différent de C, est conformément équivalent au disqueD.

Ainsi, la classification, à équivalence conforme près, des ouverts simplement connexes de Cest très simple : il n’y a que trois classes, celles de∅,C,D. La description de l’espace des modules (c’est-à-dire de l’ensemble des classes d’équivalence conforme) des ouverts non simplement connexes est bien plus compliquée. Par exemple (voir par exemple [Neh]), considérons les anneaux de Jordan (c’est-à-dire les ouverts Ω de C tels qu’il existe deux domaines de Jordan Ω1,Ω2 tels que Ω1 ⊂ Ω2 et Ω = Ω2 −Ω1. Tout anneau de Jordan est conformément équivalent à un anneau A(r1, r2) = {z ∈ C : r1 < |z| < r2} où 0 < r1 < r2 < +∞. De plus, deux anneaux A(r1, r2) et A(r1, r2) sont conformément équivalents si et seulement si r2/r1 = r2/r1. L’espace des modules d’anneaux de Jordan est en particulier non dénombrable (en bijection avec ]0,+∞[.

Toute application holomorphe bijective ϕ : D → Ω est appelée une représentation conforme de Ω. Si ϕ1 et ϕ2 sont deux représentations conformes, alors ϕ11 ◦ϕ2 est un automorphisme conforme du disque ouvertD(voir la partie2.2). Donc une représentation conforme est unique modulo précomposition par un automorphisme conforme du disque.

Exercice E.28 SoitΩ un ouvert deC.

(1) Montrer que si f : Ω→ C est holomorphe ne s’annulant pas, alors ln|f|: Ω→R est harmonique.

(2) Montrer queΩest simplement connexe si et seulement si toute fonction harmonique sur Ω à valeurs réelles est la partie réelle d’une application holomorphe définie sur Ω.

Le résultat suivant donne un critère pour qu’une représentation conforme d’un ouvert simplement connexe s’étende continûment à la frontière.

Théorème 2.11 (Théorème d’extension de Carathéodory14) SoitΩ un domaine de Jordan. Alors toute représentation conforme ϕ:D→Ωs’étend en un homéomorphis-me D→Ω.

Nous noterons souvent encoreϕ:D→Ωl’extension continue deϕ, appelée l’extension de Carathéodory deϕ.

Par exemple, si Ω = ]0,1[×]0,1[−[

nN

{ 1

22n} ×[0,3 4]−[

nN

{ 1

22n+1} ×[1 4,1]

est l’ouvert (simplement connexe) ci-contre, la représentation conformeϕ:D→Ωne s’étend même pas en une application continue de DdansΩ (voir par exemple [Oht]).

Corollaire 2.12 (Problème de Dirichlet dans les domaines de Jordan) Soient Ω un domaine de Jordan et f :∂Ω→C une application continue. Il existe une et une seule solution du problème de Dirichlet sur Ω de donnée frontière f.

Démonstration. Soit ϕ:D→ Ω une représentation conforme deΩ. Par le théorème de Carathéodory 2.11, l’applicationϕs’étend en un homéomorphisme deDdansΩ, que nous notons encoreϕ. Alorsf◦ϕ|∂Dest une application continue deS1 dansC. Par le corollaire 2.2, il existe une unique application continue u :D→C, harmonique sur D, qui coïncide avec f ◦ϕ|∂D sur ∂D. La précomposition par une application holomorphe conservant le caractère harmonique, l’application u◦ϕ1 est une solution au problème de Dirichlet sur Ω de donnée au bord f. L’unicité est immédiate, que ce soit par l’unicité dans le cas du

disque, ou par le théorème du maximum.

Le but de l’exercice suivant est

• de montrer qu’il y a toujours unicité pour le problème de Dirichlet dans les ouverts bornés,

• de donner un exemple où, par contre, il n’y a pas existence,

• de caractériser les fonctions harmoniques réelles sur le disque épointéD=D− {0}, en montrant que celles qui ne sont pas des parties réelles d’applications holomorphes définies sur tout D ont une singularité logarithmique en 0. Comme D n’est pas simplement connexe, ceci montre de manière explicite pourquoi la conclusion de l’assertion (2) de l’exercice E.28 n’est pas vérifiée pour l’ouvert non simplement connexe Ω =D.

Exercice E.29 (1) SoientΩun ouvert borné deCetf :∂Ω→Cune application continue.

Montrer que le problème de Dirichlet sur Ω de donnée frontière f admet au plus une solution.

(2) Pour0≤r1 < r2≤+∞, notonsA(r1, r2) l’anneau ouvert {z ∈ C : r1 < |z| < r2}. Une application u : A(r1, r2) → C est dite ra-diale si elle est invariante par rotations ou, de manière équivalente, s’il existe une application v : ]r12, r22[ → C telle que u(z) = v(|z|2) pour tout z∈A(r1, r2).

0

r2 r1

Montrer que pour toute application harmonique radiale u de A(r1, r2) dans C, il existe a, b∈C tels que

∀z∈A(r1, r2), u(z) =a+bln(|z|).

(3) SoientD =D− {0}=A(0,1) le disque épointé, et f :∂D→R l’application telle que f(0) = 1et f(ζ) = 0pour tout ζ ∈S1.

ai Soit u:D → Cune application continue, harmonique sur D, telle que u|∂D =f. Pour tout λ∈S1, montrer que les applications u et z7→u(λz) deD dans C sont égales.

bi En déduire que le problème de Dirichlet sur D, de donnée frontière f, n’admet pas de solution.

(4) Soit u:D=D− {0} →C une fonction harmonique.

ai Montrer que ∂u:D →C est holomorphe.

bi Soient P

nZcnzn le développement en série de Laurent de ∂u (voir par exemple le théorème 1.28), et f : D → C l’application définie par f(z) = P

nZ, n6=1 2cn

n+1zn+1. Montrer que si u est à valeurs réelles, alors c1 ∈R et il existe une constante c∈R telle que

∀z∈D, u(z) = Ref(z) + 2c1ln|z|+c .

Fonctions harmoniques positives et frontière de Martin.

Le but de cette sous-partie est de décrire les fonctions harmoniques positives sur le disque D : ce sont exactement les intégrales de Poisson des mesures boréliennes positives finies sur le cercleS1.

Rappelons qu’uncône convexed’un espace vectoriel réel ou complexeV est une partie C de V telle que pour tous les x, y ∈ C et s, t ∈ [0,+∞[, nous ayons sx+ty ∈ C.

Rappelons aussi qu’une application f : C → C entre deux cônes convexes d’espaces vectoriels réels ou complexes est affine si pour tous les x, y ∈ C et s, t ∈ [0,+∞[, nous avons f(sx+ty) =sf(x) +tf(y).

Nous noteronsMC(S1)l’espace de Banach complexe des mesures boréliennes complexes surS1, qui contient le cône convexeM(S1)des mesures boréliennes positives finies sur S1 (voir la partie1.1pour des rappels). Nous noteronsHarm+(D)le cône convexe des fonctions harmoniques positives sur D, contenu dans l’espace vectoriel complexe Harm(D).

Théorème 2.13 L’application de MC(S1) dans Harm(D), définie par µ 7→ P µ, est un isomorphisme linéaire de MC(S1)sur le sous-espace vectoriel des fonctions harmoniques h sur D telles que De plus, cette application induit une bijection affine de M(S1) dans Harm+(D).

Démonstration. Nous avons déjà vu que l’application µ 7→ P µ est linéaire, et qu’elle envoie MC(S1) dansHarm(D)etM(S1) dansHarm+(D).

Comme une mesure complexe, donnant une intégrale nulle à toute fonction continue, est nulle, ceci montre l’injectivité.

Si µ ∈ MC(S1), alors par le théorème de Fubini, puisque le noyau de Poisson vérifie 0 ≤ P) = Prζ) pour tous les r ∈ [0,1[ et ζ, ζ ∈ S1, par l’invariance par les rotations et par la conjugaison complexe de la mesure de Lebesgue σ du cercle, et puisque

R

Réciproquement, soit h une fonction harmonique sur D vérifiant la condition (24).

Montrons que h est l’intégrale de Poisson d’une mesure complexe. Notons M = sup qui est continue car de norme au plus M finie par la condition (24). Par le théorème de Banach-Alaoglu de compacité des boules du dual topologique de C(S1;C) pour la convergence faible-étoile (voir par exemple [Bre]), il existe donc une sous-suite (nk)kN et une forme linéaire continue ℓsurC(S1;C) telle que pour toutf ∈C(S1;C), nous ayons ℓ(f) = limk+nk(f). Par le théorème de représentation de Riesz (voir le théorème1.6), il existe donc une (unique) mesure borélienne complexe µ sur l’espace compact S1 telle que ℓ(f) = R

S1f dµ pour tout f ∈ C(S1;C). Posons rk = nkn1

k , qui tend vers 1 quand k→ +∞. Notons que l’application z 7→h(rkz) de D dansCest continue, et harmonique surD. Pour toutz∈D, nous avons la suite d’égalités suivantes, la première par définition de µ, la seconde par la formule de Poisson (théorème2.1(3)) appliquée à la fonction deD dans C définie par w 7→ h(rkw), qui est continue sur D et harmonique sur D, la dernière par continuité de h enz :

Remarquons que sih est une fonction harmonique positive sur D, alors par la formule de la moyenne, Z

et donc h vérifie la condition (24). Ceci montre la dernière assertion du théorème2.13.

Expliquons pour conclure le titre de cette sous-partie.

Une compactification d’un espace topologique localement compact X est un couple (X, ι)b oùXb est un espace topologique compact etι:X →Xb est un homéomorphisme sur

son image, tel queι(X)soit un ouvert dense deX. Nous identifieronsb x∈Xavecι(x)∈X,b et nous noterons par abusXb le couple (X, ι).b

Unecompactification de Martind’un ouvert non videΩdeCest un espace topologique permettant de donner une représentation intégrale de toutes les fonctions harmoniques positives sur Ω : plus précisément, c’est la donnée d’une compactification Ωb de Ω (sa frontière est appelée une frontière (ou bord) de Martin) et d’une fonction continue K : Ω×(Ωb−Ω)→[0,+∞[(appelée le noyau de Martinde Ω) telles que pour toute fonction harmonique positive h : Ω → [0,+∞[, il existe une mesure borélienne finie µ = µh sur Ωb−Ωtelle que, pour tout x∈Ω,

h(x) = Z

yb

K(x, y)dµ(y)

(voir [Doo] pour une définition plus précise et plus générale). Par exemple, le théorème2.13 montre que le cercle S1 est une frontière de Martin du disque unité ouvert D, de noyau de Martin égal au noyau de Poisson. Le théorème de représentation conforme permet plus généralement d’exhiber une compactification de Martin de n’importe quel domaine de Jordan.

Théorème 2.14 Soient Ω un domaine de Jordan de C et ϕ: D→ Ω l’extension de Ca-rathéodory d’une représentation conforme de Ω. Alors l’adhérence Ω deΩ dans Cest une compactification de Martin de Ω, de noyau de Martin l’application K : Ω×∂Ω→[0,+∞[ définie par

K(x, y) =Pϕ1(x)1(y)), où (z, ζ)7→Pz(ζ) est le noyau de Poisson de D.

Démonstration. Rappelons que par le théorème 2.11, l’extension de Carathéodory ϕ : D → Ω est un homéomorphisme, holomorphe sur D. Une application h : Ω → C est harmonique positive si et seulement si h◦ϕ:D→ C est harmonique positive, donc si et seulement s’il existe une mesure positive µ∈M(S1) telle queh◦ϕ=P µ, par le théorème 2.13. Posons ν =ϕµla mesure image deµsur ∂Ω = Ω−Ω. Par changement de variable, nous avons alors, pour toutx∈Ω,

h(x) =h◦ϕ(ϕ1(x)) = Z

ζS1

Pϕ−1(x)(ζ)dµ(ζ) = Z

y∂Ω

Pϕ−1(x)1(y))dν(y).

Ceci montre le résultat.

Par exemple, la frontière de Martin (minimale, en un sens que nous ne précisons pas ici, voir [Doo]) de l’ouvert Ωdessiné après l’énoncé du théorème2.11ne coïncide pas avec la frontière topologique ∂Ωde Ω.

Fonctions harmoniques bornées et frontière de Poisson.

Le but de cette sous-partie est de décrire les fonctions harmoniques bornées sur le disque D : ce sont exactement les intégrales de Poisson des applications essentiellement bornées sur le cercle S1.

Rappelons (voir la partie 1.1) que L(S1, σ) est l’espace de Banach complexe des applications mesurables de S1 dans C, bornées en dehors d’un ensemble de mesure de

Lebesgue nulle, modulo les applications presque partout nulles, de normef 7→ kfk. Nous noterons Harmb(D) le sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel complexeHarm(D) formé des fonctions harmoniques bornées de D dans C. Nous munirons Harmb(D) de la norme uniforme :

khk= sup

zD|h(z)|.

Théorème 2.15 L’application de L(S1, σ) dans Harmb(D), définie parf 7→P f, est un isomorphisme linéaire isométrique.

Démonstration. Par finitude de la mesure de Lebesgue surS1, nous avons L(S1, σ)⊂ L1(S1, σ), et donc l’applicationf 7→P f est bien définie sur L(S1, σ), et elle est à valeurs dans l’espace des applications harmoniques surDpar le théorème de Poisson 2.1(1). Nous avons vu qu’elle est linéaire. Puisque le noyau de Poisson est positif et d’intégrale égale à 2π, nous avons

kP fk= sup

zD

1 2π

Z

S1

Pz(ζ)f(ζ)dσ(ζ)

≤sup

zD

1 2π

Z

S1

Pz(ζ)kfkdσ(ζ)≤ kfk, (25) donc P f ∈Harmb(D)si f ∈L(S1, σ).

L’étape cruciale de la démonstration du théorème2.15est le résultat suivant de Fatou17 sur la convergence radiale des fonctions harmoniques, que nous admettons dans ces notes (voir par exemple [Rud1, chap. 11]).

Théorème 2.16 (Théorème de Fatou) Pour toute mesure borélienne complexe µ sur S1, l’intégrale de Poisson P µ(rζ) admet une limite finie quand r ∈[0,1[ tend vers1 pour presque tout ζ ∈S1 (pour la mesure de Lebesgue de S1). De plus, sif ∈L1(S1, σ;C), alors pour presque tout ζ dans S1, nous avons

rlim1P f(rζ) =f(ζ).

Sif ∈L1(S1, σ;C)est de plus continue, alors cette dernière affirmation découle du théorème de Poisson 2.1. Elle fait de plus écho aux propriétés de convergence radiale vers une masse de Dirac du noyau de Poisson (voir les propriétés du noyau de Poisson dans la partie2.2).

Soienth:D→Cune application etζ ∈S1, nous dirons queh admet une limite radiale en ζ si la limitelimr1h(rζ) existe, et cette limite est alors appelée la limite radiale de h en ζ.

En particulier, le théorème de Fatou ci-dessus implique que toute fonction harmonique qui vérifie la condition (24) (comme par exemple toute fonction harmonique bornée), qui

17. (1878-1929) (1908-1989) (1854-1912) Fatou Sobolev Poincaré

s’écrit comme l’intégrale de Poisson d’une mesure borélienne complexe par le théorème 2.13, admet des limites radiales en presque tout point de S1.

Donc pour toute application harmonique bornéehsurD, notonsφh:S1 →Csa fonction limite radiale, bien définie en presque tout point de S1. Puisque φh(ζ) = limr1h(rζ) pour presque tout ζ ∈S1, l’application φh est clairement essentiellement bornée, et

hk≤ khk . (26)

Par la seconde assertion du théorème de Fatou, pour tout f ∈ L1(S1, σ;C), nous avons φP f =f. L’applicationf 7→P f est isométrique (donc injective) car

kfk=kφP fk≤ kP fk≤ kfk par les inégalités (26) et (25).

Enfin, pour montrer la surjectivité de cette application, il suffit de montrer que h = P[φh] pour tout h ∈ Harmb(D). Pour tout r < 1, puisque l’application z 7→ h(rz) est continue sur Det harmonique surD, la formule de Poisson donne, pour toutz∈D,

h(rz) = 1 2π

Z

ζS1

Pz(ζ)h(rζ)dσ(ζ).

Puisque h(rζ) est uniformément borné en r, et converge pour presque tout ζ vers φh(ζ) quandr tend vers1 par valeurs inférieures, le théorème de convergence dominée de Lebes-gue montre que le second membre de l’égalité précédente converge vers P[φh](z) quand r →1. Comme le premier membre converge vers h(z), le résultat en découle.

Une compactification de Poisson d’un ouvert non vide Ω de C est un espace mesuré permettant de donner une représentation intégrale de toutes les fonctions harmoniques bornées sur Ω : plus précisément, c’est la donnée d’une compactification Ωb de Ω, d’une mesure de probabilitéν surΩb−Ω(l’espace mesuré(Ωb−Ω, ν) est appelé unefrontière(ou unbord) de Poissonde Ω) et d’une fonction continueK : Ω×(Ωb−Ω)→[0,+∞[(appelée lenoyau de Poisson deΩ) telles que pour toute fonction harmonique bornéeh: Ω→C, il existe f ∈L(Ωb−Ω;ν)telle que, pour tout x∈Ω,

h(x) = Z

yb

K(x, y)f(y)dν(y)

(voir [Doo] pour une définition plus précise et plus générale). Par exemple, le théorème 2.15 montre que le cercle S1 muni de la mesure de Lebesgue (normalisée pour être de probabilité) est une frontière de Poisson du disque unité ouvert D, de noyau de Poisson égal au noyau de Poisson au sens de la partie 2.2. Le théorème de représentation conforme permet plus généralement d’exhiber une compactification de Poisson de n’importe quel domaine de Jordan.

Théorème 2.17 Soient Ω un domaine de Jordan de C et ϕ: D→ Ω l’extension de Ca-rathéodory d’une représentation conforme de Ω. Alors l’adhérence Ω deΩ dans Cest une compactification de Poisson deΩ, de noyau de Poisson l’applicationK : Ω×∂Ω→[0,+∞[ définie par

K(x, y) =Pϕ−1(x)1(y)), où (z, ζ)7→Pz(ζ) est le noyau de Poisson de D.

Démonstration. Rappelons que par le théorème 2.11, l’extension de Carathéodory ϕ : D → Ω est un homéomorphisme, holomorphe sur D. Une application h : Ω → C est harmonique bornée si et seulement si h◦ϕ : D → C est harmonique bornée, donc si et seulement s’il existe f ∈ L(S1, σ) telle que h◦ϕ = P f, par le théorème 2.15. Posons ν = 1 ϕσ la mesure image de σ sur∂Ω = Ω−Ω(renormalisée pour être de probabilité).

Par changement de variable, nous avons alors, pour tout x∈Ω, h(x) =h◦ϕ(ϕ1(x)) = 1

2π Z

ζS1

Pϕ−1(x)(ζ)f(ζ)dσ(ζ)

= Z

y∂Ω

Pϕ−1(x)1(y))f ◦ϕ1(y)dν(y).

Ceci montre le résultat.