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Une appréciation quantitative des risques microbiologiques ou chimiques nécessite de connaître avec précision le niveau de contamination des aliments. Les données de contami- nation chimique ou microbiologique proviennent de sources variées. En e¤et, les données de contamination sont issues de plans de contrôle e¤ectués par les institutions nationales en charge du contrôle sanitaire des produits (DGAL ou DGCCRF) ou sont fournies par les o¢ces nationaux interprofessionnels des …lières agro-alimentaires, par les institutions de re- cherche spécialisées ou par des centres techniques. Lorsque le couple aliment/contaminant a suscité peu d’intérêt, l’évaluateur peut avoir recours à des valeurs extraites de la biblio- graphie sur le sujet pour compléter les données disponibles. Lorsqu’elles sont extraites de revues à comité de lecture, ces données peuvent être considérées de bonne qualité, car elles re‡ètent l’expertise de leurs auteurs et elles sont soumises à une évaluation de leur pertinence scienti…que et technique.

Le principal problème des données de contamination microbiologique est que pour la plupart des aliments, les analyses relevant le nombre de bactéries présentes dans une quan- tité donnée d’aliment (données de concentration) sont peu nombreuses. En e¤et, comme ces analyses sont coûteuses en terme de temps et de moyens, seule l’information sur la présence

ou l’absence de micro-organismes dans le produit est relevée. Ainsi, au cours d’une étude, lorsque plusieurs produits correspondant au même aliment sont analysés, le plus souvent, seule la prévalence de la contamination (i.e. le pourcentage de produits détectés contaminés (positifs) parmi les produits analysés) est disponible. De plus, les données de contamina- tion microbiologique ainsi que les données de contamination chimique présentent la même di¢culté qui est la présence d’une limite de détection en dessous de laquelle la quantité de contaminant ne peut être détectée. Dans la plupart des travaux, les produits dont la conta- mination n’a pas été détectée sont considérés non contaminés ou alors une valeur leur est attribuée, comme la valeur de la limite de détection divisée par deux (par exemple, Gill et al., 1997) ou encore la valeur de la limite de détection elle-même (par exemple, Garriga et al., 2002). Les travaux de Lorimer & Kiermeier (2007) mettent en évidence la surestimation de la moyenne des concentrations dans ce dernier cas. Ils soulignent aussi une surestimation de la moyenne lorsque celle-ci est calculée à partir des seules valeurs supérieures à la limite de détection. Ces traitements peuvent entraîner des biais importants sur l’évaluation du risque, notamment dans le cas où les concentrations microbiologiques non détectées sont considé- rées comme nulles. En e¤et, une quantité initiale même faible de bactéries présentes sur un produit peut atteindre une dose critique pour la santé humaine si les conditions de stockage ultérieures du produit sont favorables à une croissance rapide des bactéries. Des méthodes ont été développées a…n de traiter ce problème de censure (voir par exemple l’ouvrage de Helsel, 2004). C’est le cas des travaux de Tressou (2006) qui appliquent l’estimateur non- paramétrique de type Kaplan & Meier (Kaplan & Meier, 1958) à la censure à gauche dans le cadre d’une analyse de risque lié à la présence d’Ochratoxine A, ou encore des travaux de Shorten et al. (2006) ainsi que ceux de Lorimer & Kiermeier (2007) qui développent une mé- thode d’estimation paramétrique par maximum de vraisemblance en modélisant le nombre de bactéries par une loi log-normale (Gill, 1996; Reinders et al., 2003; Jarvis, 2000). Néanmoins, ces méthodes sont performantes seulement dans le cas où les données de contamination avec des concentrations au-dessus de la limite de détection sont disponibles en grand nombre.

Ce chapitre présente une méthode permettant d’estimer la contamination microbiolo- gique d’un aliment en tenant compte des concentrations inférieures à la limite de détection, à partir d’études pour la majorité de prévalences. Les données et en particulier les données de concentration étant peu nombreuses, di¤érentes sources d’information ont été explorées (bibliographiques, des centres techniques et des plans de contrôle nationaux). Les concentra- tions en logarithme décimal sont modélisées par un mélange de lois normales. La première composante du mélange représente la distribution de contamination des produits dont les

concentrations sont supérieures à la limite de détection et la seconde composante représente la distribution de contamination des produits dont les concentrations sont inférieures à la limite de détection. Lindqvist et al. (2002) considèrent aussi qu’il existe deux niveaux de concentration en Staphylococcus aureus dans les fromages frais et proposent de modéliser les niveaux faibles par une loi uniforme. A…n de pallier le manque de données de concen- tration et d’estimer les concentrations inférieures à la limite de détection, la modélisation proposée intègre la relation entre la prévalence et la concentration des produits dé…nie au début du siècle (Halvorson & Ziegler, 1933). Les chercheurs de cette époque mettent en place une méthode appelée la méthode "du nombre le plus probable" (NPP) a…n de déterminer la concentration moyenne en micro-organismes à partir de sa prévalence dans di¤érentes dilutions réalisées à partir de la quantité à analyser. Dans notre cas, cette relation permet d’estimer le nombre moyen de micro-organismes contaminant un aliment à partir de leur prévalence dans les di¤érents produits analysés. Dans notre modèle, elle nous permet d’in- férer sur l’espérance conditionnelle du logarithme des concentrations. L’inférence sur cette espérance conditionnelle ainsi que l’observation des concentrations supérieures à la limite de détection permettent d’estimer les paramètres des deux lois normales composant le mélange. Le modèle a une forme hiérarchique permettant la décomposition de la variance totale des log-concentrations en la variance inter-études et la variance intra-études. Ainsi la structure hiérarchique du modèle et l’estimation par inférence bayésienne facilitent la prise en compte de la variabilité de la contamination microbiologique et de l’incertitude sur l’estimation des paramètres.

Ce chapitre est organisé de la manière suivante. Une première partie est consacrée à la présentation de la méthode dite "du nombre le plus probable" (NPP) permettant de quanti…er le nombre de micro-organismes à partir de prévalences lors de dilutions en série. Dans une deuxième partie, la structure des données de contamination microbiologique est présentée et l’utilisation de la méthode du NPP pour évaluer la concentration des aliments est explicitée. Le modèle de mélange et sa formalisation bayésienne sont présentés dans une troisième partie. La méthode permettant de générer des valeurs de log-concentration est également expliquée dans cette section. En…n, la dernière partie est consacrée à l’application du modèle à la contamination des produits végétaux par Listeria monocytogenes. Pour plus de clarté, la présentation est faite pour Listeria monocytogenes dans les produits végétaux mais la méthodologie proposée s’adapte à toutes les espèces bactériennes pour lesquelles les données disponibles ont les mêmes caractéristiques (principalement des données de prévalence et peu de données de concentration). Précisons que dans ce chapitre la contamination est

estimée pour l’ensemble des légumes transformés (de IVeme gamme) et non transformés et

que la distinction serait faite uniquement à partir du chapitre 4.

2.2

La méthode du "nombre le plus probable" dans le