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L’acquisition du langage oral est un des plus grands défis qui se présente à l’enfant en développement. Les compétences à acquérir dans ce domaine sont nombreuses, en allant du répertoire phonologique de la langue jusqu’à l’accord des verbes et des adjectifs. L’ordre des mots est également un facteur capital à fixer. La linéarité du langage, c’est-à-dire le fait que les mots s’organisent temporellement, les uns après les autres, est une des propriétés fondamentales de toutes les langues humaines, et l’enfant en développement doit donc certainement être sensible à cette linéarité (Lust & Wakayama, 1981). En effet, bien que, dans toutes les langues, les mots soient émis et reçus dans un ordre précis, chaque langue possède un ordre des mots propre. Cet ordre de base peut subir des mouvements ou des transformations selon le contexte d’utilisation. En français par exemple, on retrouve un ordre SoV lorsque le pronom clitique objet est utilisé (« Le chat la mange ») ou un ordre OSsoV lorsqu’est produite une topicalisation de l’objet, à l’oral, pour ajouter des effets d’emphase (« La souris, le chat, il la mange »). Néanmoins, on peut souvent attribuer un ordre canonique de base à chaque langue. Certaines langues supposent un ordre SVO, comme le français ou l’anglais par exemple, tandis que d’autres ont une construction habituelle SOV, comme le japonais ou le turc (Christophe, Nespor, Guasti & Van Ooyen, 2003).

Mais comment l’enfant en développement peut-il acquérir cette compétence syntaxique ? Pour ce faire, l’enfant doit être capable d’extraire une régularité d’un certain nombre de phrases pour en déduire une structure de base qui sera toujours valable dans sa langue. En comprenant « il ferme la porte », « le chat mange la souris », et ainsi de suite, on peut se rendre compte qu’en français, le verbe est avant son complément. Pour comprendre ces phrases, encore faut-il pouvoir segmenter la phrase en mots distincts et associer chaque mot à son sens : le verbe « fermer » doit représenter l’action de « fermer », et pas

« toucher/claquer/bouger/pousser » et le groupe nominal « la porte » doit correspondre à l’objet « porte » en question, et non la poignée, la fenêtre, etc. Or comment procéder à cette analyse si l’on n’a pas les compétences syntaxiques permettant de connaître les catégories syntaxiques des mots ? « Les enfants qui n’ont pas encore acquis la grammaire ne peuvent pas analyser une phrase dans le but d’acquérir la grammaire » (Mazuka, 1996). Les éléments nécessaires pour acquérir la syntaxe d’une langue sont en effet plus difficiles à acquérir en l’absence de connaissance de cette syntaxe. On peut décrire ce cercle vicieux comme un problème d’initialisation ou « bootstrapping problem » (Christophe et al., 2003).

Lesquelles des connaissances lexicales spécifiques ou des règles grammaticales abstraites viennent en premier ? Ce problème d’initialisation de l’ordre des mots peut être résolu de deux manières : soit l’enfant acquiert d’abord des connaissances lexicales et s’en sert pour construire par la suite la compétence syntaxique régissant l’ordre des mots, soit l’enfant détermine l’organisation syntaxique des phrases de sa langue sur la base de l’input, sans compréhension préalable nécessaire, et se base sur cette structure pour acquérir le sens des mots. Deux approches s’opposent donc quant à la résolution de ce problème. Pour la première, l’approche constructiviste ou lexicale, l’enfant acquiert tardivement une représentation abstraite de l’ordre des mots, en procédant par généralisation entre les structures lexicales spécifiques qu’il a déjà apprises (Matthews, Lieven, Theakston &

Tomasello, 2007). Pour la seconde, l’approche générativiste ou grammaticale, une représentation abstraite de l’ordre des mots s’acquiert rapidement, en extrayant les régularités d’organisation de sa langue et en faisant un choix parmi des possibilités restreintes et innées (Rizzi, 2007). Un des choix les plus importants à faire en ce qui concerne l’ordre des mots de sa langue est de décider si l’objet précède ou suit le verbe dans les phrases : c’est ce qu’on appelle le paramètre tête-complément.

L’approche constructiviste s’appuie principalement sur des études investiguant la production dans le paradigme de l’ordre des mots bizarre (Abbot-Smith, Lieven &

Tomasello, 2001 ; Akhtar & Tomasello, 1997 ; Akhtar, 1999 ; Matthews et al., 2005, 2007).

Ces études montrent que le jeune enfant tend à reproduire les modèles de phrases agrammaticales, en particulier pour les verbes de basse fréquence, soutenant une acquisition graduelle de l’ordre des mots qui se base tout d’abord sur les verbes connus. Mais on peut relever des failles méthodologiques, telles que l’exclusion abusive de sujets ou de non réponses et l’interprétation des résultats est contestable, par exemple, l’effet de fréquence présent chez l’enfant plus âgé est ignoré (Franck & Lassotta, en préparation). Il est alors important de se pencher sur d’autres types d’études, qui se concentrent sur le versant réceptif et mettent en évidence des compétences abstraites précoces. Nous détaillerons la sensibilité des tout jeunes enfants aux indices prosodiques (Christophe et al., 2003) et leur préférence pour un ordre relatif des mots fréquents et peu fréquents reflétant l’ordre des mots de leur langue (Gervain, Nespor, Mazuka, Horie & Mehler, 2008). Nous parlerons ensuite des études utilisant le paradigme du regard préférentiel intermodal (Gertner, Fisher, Eisengart, 2006), initié par Hirsh-Pasek et Golinkoff (1996) qui étudient l’interprétation précoce des phrases.

Notre étude s’inscrit dans le cadre de l’approche générativiste et explore la manière dont les

enfants francophones de 19 mois interprètent des verbes inconnus, dans des phrases grammaticalement correctes ou agrammaticales, en utilisant le paradigme de regard préférentiel intermodal.

III. REVUE DE LITTERATURE

1. L’approche constructiviste ou lexicale

Cette théorie postule que les énoncés de plusieurs mots produits par les jeunes enfants s’appuient tout d’abord non pas sur une représentation syntaxique abstraite mais sur une représentation lexicale concrète (Tomasello & Abbot-Smith, 2002). L’enfant acquiert des

« îlots verbaux », c’est-à-dire des verbes qu’il comprend et qu’il est capable d’utiliser dans des phrases en suivant des règles spécifiques à ces verbes.

(1) Jean pousse Marie.

(2) Jean embrasse Marie.

Ainsi, dans les phrases (1) et (2), l’enfant interprète la position de Jean et Marie par rapport aux mots « pousse » et « embrasse » et non pas par rapport à un concept abstrait de

« verbe ». La compréhension de l’enfant est d’abord spécifique à chaque phrase entendue, puis il généralise la construction de la phrase de manière spécifique à chaque verbe. L’enfant sait que le nom précédant « pousser » est celui qui pousse, soit l’agent de l’action, et que le nom suivant « pousser » est celui qui est poussé, soit le patient de l’action. On pourrait résumer cette représentation sémantique de l’enfant, spécifique aux verbes, à « Agent Pousse Patient », « Agent Embrasse Patient », et ainsi de suite, pour chaque verbe qu’il connaît. La représentation « Sujet Verbe Objet » n’apparaît que tardivement, une fois que l’enfant possède suffisamment d’îlots verbaux pour en déduire, par analogie entre des verbes qui apparaissent dans des phrases similaires et qui ont des sens similaires, l’ordre des mots de sa langue de manière abstraite. (Matthews et al., 2007).

1.1. Le paradigme de l’ordre des mots bizarre (Weird Word Order)

Pour soutenir l’approche lexicale, de nombreuses études utilisent le paradigme de l’ordre des mots bizarre, ou « Weird Word Order » (Abbot-Smith et al., 2001 ; Akhtar &

Tomasello, 1997 ; Akhtar, 1999 ; Matthews et al., 2005, 2007). Ce type d’études présente généralement aux enfants des vidéos où deux personnages sont impliqués dans une action causative (un personnage actif réalisant une action sur l’autre, passif). Un expérimentateur

modèle alors, avec plusieurs vidéos, une construction agrammaticale décrivant l'action, par exemple « Oh ! Regarde : (...) Renard Canard pousse ! », puis demande à l'enfant de décrire à son tour la vidéo. Les auteurs utilisent trois variables indépendantes : l'âge des enfants (un groupe jeune vs un autre plus âgé), la fréquence des verbes présentés (haute vs basse ou pseudo-verbe) et l'ordre des mots modelé (selon les études, SOV, VSO et SVO par exemple).

Le type de réponses de l’enfant est alors analysé : les proportions des phrases reprenant l’ordre modelé et celles le corrigeant sont prises comme variables dépendantes. Deux prédictions principales découlent de l’approche lexicale : premièrement, les jeunes enfants, n’ayant pas de représentation abstraite de l’ordre des mots tendront à reproduire le modèle agrammatical plus que les enfants plus âgés, deuxièmement, les jeunes enfants reproduiront moins l’ordre agrammatical avec les verbes de haute fréquence que de basse fréquence (puisqu’ils ont une connaissance lexicale spécifique aux verbes connus). Pour résumer les résultats de ces études, nous pouvons relever que les auteurs trouvent généralement que, premièrement, les jeunes enfants corrigent moins et reprennent plus l’ordre bizarre modelé que les enfants plus âgés, et, deuxièmement, les jeunes enfants sont plus soumis à l’effet de fréquence (c’est-à-dire qu’ils reprennent plus l’ordre agrammatical pour les verbes de basse fréquence que pour les verbes de haute fréquence) que le groupe plus âgé.

Matthews et al. (2007) ont utilisé ce paradigme avec des enfants francophones de 2;10 et 3;9 ans. Les phrases modelées par l’expérimentateur sont soit SOV, par exemple « Renard Canard pousse ! », soit VSO, et la fréquence des verbes présentés est soit haute soit basse.

Un des buts de l’étude est de montrer que les enfants francophones reproduiront plus l’ordre des mots bizarre lorsque le verbe est de basse fréquence que s’il est de haute fréquence.

L’autre but se rapporte à une particularité de la langue française. En effet, en français, la position de l’objet par rapport au sujet et au verbe varie beaucoup selon le type de phrases : l’utilisation du groupe nominal ou du pronom clitique (« le chat mange la souris » ou « le chat la mange »), la possibilité de topicalisation de l’objet (« la souris, le chat, il la mange »), la création de proposition relative objet (« la souris que le chat mange ») ou encore la formulation de question (« la mange-t-il ? »). Etant donnée la variabilité de la position de l’objet en français, une approche constructiviste prédit donc une plus grande difficulté des enfants français à généraliser, par analogie, des constructions lexicales spécifiques vers une forme transitive abstraite. Les enfants francophones devraient avoir plus de difficultés à généraliser l’objet de manière abstraite et devraient donc l’utiliser avec moins de réussite que les enfants anglais (pour qui l’objet a une position beaucoup plus régulière).

En mesurant la proportion de corrections (c’est-à-dire quand l’enfant produit une réponse qui modifie l’ordre modelé, le plus souvent pour transformer sa production en phrase correcte) et de conservations (c’est-à-dire quand l’enfant reprend le modèle de l’expérimentateur) par rapport au total des réponses, Matthews et al. ont trouvé un effet de fréquence : l’ordre des mots de phrases avec un verbe de basse fréquence est plus conservé et moins corrigé que l’ordre des mots de phrases avec un verbe de haute fréquence. Cela soutient la théorie d’un apprentissage graduel de l’ordre des mots, qui s’appuie sur une représentation de l'ordre des mots spécifique à chaque verbe connu, qui s’étendra par la suite à tous les verbes, de manière abstraite. Les auteurs comparent leurs résultats à ceux de l’étude équivalente réalisée avec des enfants anglophones (Matthews et al., 2005). Ils relèvent que les enfants francophones utilisent beaucoup moins d’objets lexicaux et pronominaux que les enfants anglophones. Cette différence dans l’utilisation de l’objet soutient l’hypothèse que le manque de recouvrement entre l’objet lexical et l’objet pronominal clitique en français ralentit l’acquisition de cette fonction.

1.2. La compréhension de l’ordre des mots et des marqueurs de cas

Dittmar, Abbot-Smith, Lieven et Tomasello (2008) ont mené une étude auprès d’enfants allemands pour investiguer la manière dont ils traitent l’ordre des mots et le cas des noms dans des phrases transitives. La langue allemande admet un ordre des mots plus variable que le français : l’ordre du verbe et du complément diffère selon le type de phrase (Christophe et al., 2006). De plus, trois genres (masculin, féminin et neutre) subissent quatre déclinaisons (nominatif, accusatif, datif et génitif). Ces deux indices fournissent des informations à propos de la structure syntaxique et sémantique de la phrase, c’est-à-dire où est le sujet, l’objet et qui est l’agent, le patient. Mais la disponibilité et la fiabilité de ces indices varient : c’est ce qu’ont tenté de synthétiser Dittmar et al. (2008) dans leur première étude, une analyse de corpus de la base de données CHILDES (langage spontané de six mères s’adressant à leurs enfants de 1;8 à 2;5 ans). Il en ressort que l’ordre des mots est toujours accessible dans la phrase, mais pas entièrement fiable (74% des phrases transitives ont une forme SVO mais 26% des phrases ont une forme OVS), tandis que les informations fournies par les cas ne sont pas toujours disponibles (11% des phrases contiennent des cas ambigus, c’est-à-dire pouvant correspondre à plusieurs genres ou déclinaisons) mais sont toujours fiables lorsqu’elles sont présentes.

Dans une autre étude, les auteurs ont proposé à des enfants de 2;7, 4;10 et 7;3 ans des phrases grammaticales de type NVN et leur ont demandé de pointer l’image correspondant à

ce qu’ils comprennent. Les trois conditions expérimentales utilisaient des pseudo-verbes. Une des conditions utilisait des phrases prototypiques : le premier nom, dont le cas marquait de manière claire le nominatif, correspondait au sujet de la phrase et à l’agent de l’action et le deuxième nom, dont le cas marquait clairement l’accusatif, correspondait à l’objet de la phrase et au patient de l’action. Dans la deuxième condition, seul l’ordre des mots permettait de connaître le patient et l’agent de l’action, les cas (nominatif et accusatif du féminin et du neutre) étant marqués de manière identique. Enfin la dernière condition présentait des phrases dont l’ordre des mots et les marques de cas étaient en conflit : la phrase possédait des marques de cas visibles et fiables mais un ordre des mots atypique en allemand, bien que correct (c’est-à-dire une phrase dont le sujet et l’objet étaient inversés pour donner une forme OVS). Les résultats montrent que les enfants de 2;7 ans ne répondent correctement que pour les phrases prototypiques (dont les indices de l’ordre des mots et des cas sont redondants) et échouent aux deux autres types de phrases, y compris lorsque l’ordre des mots donne un indice fiable. Les enfants de 4;10 ans réussissent à choisir le bon agent pour les phrases prototypiques et les phrases donnant pour seule information utilisable l’ordre des mots, échouant aux phrases dont les deux types d’indices sont en conflit. Les enfants de 7;3 ans comprennent tous les types de phrases, y compris celles qui fournissent les marques de cas comme seul indice (inversion de l’objet et du sujet). Ces résultats montrent que seuls les enfants allemands de plus de 4 ans sont capables d’utiliser l’ordre des mots uniquement pour comprendre des phrases contenant des pseudo-verbes et seuls les enfants de plus de 7 ans se comportent comme les adultes allemands et savent interpréter une phrase contenant un pseudo-verbe sur la base seule des marqueurs de cas. De plus, on observe, chez les enfants de 4;10 ans et dans la condition « indices en conflit », une corrélation entre la performance à la tâche expérimentale et le niveau lexico-morphologique (mesuré à partir d’une adaptation allemande du « MacArthur Communicative Development Inventory »). Ces données montrent l’influence des compétences spécifiques lexicales sur la compréhension syntaxique d’une phrase et vont dans le sens d’une acquisition tardive et graduelle de la grammaire adulte, fondée sur le développement lexical.

1.3. Les failles et critiques des arguments de l’approche lexicale

Ces deux articles sont des exemples des arguments soutenant l’approche constructiviste, présents dans la littérature. Mais la méthodologie et l’interprétation des résultats sont critiquées, notamment par Fisher (2002) et Franck & Lassotta (en préparation).

Parmi les nombreuses critiques que l’on peut faire aux études utilisant le paradigme du Weird

Word Order (WWO), nous allons détailler le problème des compétences mises en œuvre dans cette tâche, l’exclusion abusive des non-réponses et son influence sur l’effet de fréquence, la question de l’innovation et du conservatisme et la mise en évidence d’un effet d’amorçage syntaxique. Comme critique à l’article de Dittmar et al. (2008), on peut se poser la question de la pertinence de la condition « indices conflictuels » et relever des éléments soulignant la présence de représentation abstraite au sein même des résultats.

1.3.1. Le manque de transparence de la tâche « Weird Word Order »

Une des premières critiques que l’on peut faire sur l’utilisation du paradigme du

« Weird Word Order » est son « impureté » au niveau des compétences qu’il requiert chez l’enfant. En effet, les compétences linguistiques ne sont de loin pas les seules mises en jeu dans la réalisation de la tâche. Dittmar et al. (2008) soulignent dans leur article les importantes ressources cognitives, en termes de mémoire de travail et de fonctions exécutives, nécessaires pour accomplir une tâche de mime de type « act-out » (mimer à l’aide de marionnettes l’action comprise dans une phrase présentée) : la tâche requise dans le paradigme du WWO est encore plus gourmande en ressources cognitives ! Elle demande en effet d’utiliser un verbe inconnu, présenté quelques minutes ou secondes auparavant, dans une nouvelle phrase dont la structure est inconnue de l’enfant. La grande quantité d’informations à maintenir en mémoire et la difficulté de la planification s’ajoutent à la difficulté d’inhiber un ordre des mots que l’expérimentateur vient de modeler. Chan, Meints, Lieven et Tomasello (2010) ont testé des enfants anglophones de 2 à 3;5 ans et trouvent en effet des différences de performance entre une tâche de compréhension (regard préférentiel intermodal) et une tâche de type « act out ». Comme le souligne Rizzi (2007), « il est plausible que le système de production, qui demande l’activation de programmes moteurs complexes pour l’articulation et l’adaptation fine entre ces systèmes périphériques et les représentations mentales abstraites des expressions linguistiques, soit donc en retard par rapport au développement de la connaissance linguistique abstraite ». Ainsi, même si l’enfant a les compétences syntaxiques permettant de résoudre une tâche de production, ses ressources cognitives et ses capacités motrices pourraient entraver sa performance alors qu’il réussirait peut-être une tâche de compréhension mettant en jeu les mêmes compétences syntaxiques.

Une autre compétence nécessaire à la réussite d’une tâche de WWO est la composante pragmatique (Franck & Lassotta, en préparation). L’enfant doit en effet inférer, sur la base de sa théorie de l’esprit, quel est le comportement qui est attendu de lui. Doit-il corriger la phrase modelée pour montrer à l’expérimentateur qu’il est capable de parler ou doit-il

reproduire le modèle de l’expérimentateur ? Un adulte, dont les compétences syntaxiques sont évidentes, ne « réussirait » peut-être pas cette tâche, en inférant que le but de la tâche est d’imiter l’expérimentateur ! De plus, les enfants sont régulièrement en situation d’apprenant, et doivent se référer aux modèles de l’adulte, que ce soit à l’école, à la maison, dans un contexte social,… Il est donc plus « programmé » pour apprendre par imitation que pour contredire les adultes. Chang, Kobayashi et Amano (2009) ont repris et modifié la tâche de WWO pour explorer l’influence de facteurs sociaux sur les productions des enfants. Dans leur étude, des enfants japonais devaient guider un robot ne comprenant que des phrases ayant un ordre des mots bizarre. Les auteurs ont fait varier l’âge des enfants (3 vs 4 ans) et les verbes utilisés (pseudo-verbes vs verbes connus). Les résultats montrent que l’utilisation d’un ordre des mots bizarre dans ce paradigme augmente avec l’âge ! Il n’y a pas d’effet de fréquence des verbes. On peut supposer que cette augmentation de la production d’ordre agrammatical est due à une meilleure compréhension des attentes sociales chez les enfants plus âgés. Cette étude montre bien que les performances des enfants dans une tâche de WWO varient selon le contexte social et donc les attentes des interlocuteurs.

1.3.2. Le problème des données manquantes et l’effet de fréquence

La tâche de WWO est donc difficile et implique de nombreux processus cognitifs et sociaux, ce qui explique sûrement en partie l’important taux de non-réponses : Franck &

Lassotta (en préparation) relèvent que 20 à 30% des enfants ne produisent aucun verbe dans

Lassotta (en préparation) relèvent que 20 à 30% des enfants ne produisent aucun verbe dans

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