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De façon générale, ce travail s’intéresse au développement d’une maladie métabolique chronique, le diabète de type 2 (DT2). Cette maladie atteint des proportions épidémiques à travers le monde, puisqu’en 2014, 8% de la population mondiale est atteinte de DT2, ce qui en fait une préoccupation majeure de santé publique. Le DT2 est en grande partie le résultat d’une surcharge pondérale (obésité) et de sédentarité. Aussi appelé « diabète non insulino-dépendant », il résulte d’une résistance à l’insuline par l’organisme qui entraine une hyperglycémie (glycémie à jeun ≥ 7 mM). L’absence de régulation de la glycémie conduit avec le temps à des atteintes graves de nombreux systèmes organiques, et plus particulièrement des nerfs et des vaisseaux sanguins. Chaque année, le DT2 est la cause de plus d’un million de décès dans

le monde (OMS http://www.who.int/).

La stratégie de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la prévention du diabète, est d’inciter la population à adopter un régime alimentaire sain et à pratiquer un exercice physique régulier, dans le but de réduire la prévalence de l’obésité. Malgré cela, les chiffres concernant le DT2 ne cessent d’augmenter. Le but de la recherche scientifique est donc dans un premier temps de comprendre les mécanismes physiologiques impliqués dans la régulation du métabolisme énergétique, puis d’étudier les dérégulations qui se mettent en place lors du développement de la pathologie, afin d’élaborer à terme des programmes de prévention, de dépistages précoces et/ou des approches thérapeutiques efficaces.

Malgré la variabilité des apports et des dépenses énergétiques au cours d’une journée, ou même de la vie d’un individu, l’organisme maintient un statut énergétique relativement stable. On parle d’homéostasie énergétique. Ainsi, le corps possède la capacité de maintenir un état d’équilibre entre les apports d’énergie, représentés par la prise alimentaire (PA), et les dépenses d’énergie, représentées par le métabolisme de base, l’activité physique et la thermogenèse (Figure 1). Cet équilibre dynamique inclut le maintien de paramètres biologiques autour d’une valeur physiologique de référence (glycémie autour de 5 mM par exemple) et permet la conservation d’un poids corporel stable au cours de la vie de l’individu. C’est la notion de pondérostat.

28 En cas d’éloignement au-dessus ou en-dessous de cette valeur, un système de régulation est activé afin d’induire des réponses physiologiques adaptées dans le but de restaurer l’équilibre. En situation de déficit énergétique, la PA est stimulée et les réserves de substrats énergétiques sont mobilisées (glucides, puis lipides, puis protéines), alors que les dépenses sont freinées. Inversement, en cas d’excédent, la PA est inhibée, les substrats énergétiques sont stockés et les dépenses sont favorisées.

Au XIXe siècle, les travaux de Claude Bernard évoquent pour la première fois l’implication du système nerveux central (SNC) dans le contrôle du métabolisme énergétique. En effet, suite à la stimulation du plancher du 4e ventricule, le physiologiste a observé l’apparition d’une hyperglycémie, concluant que cette zone cérébrale contrôle la production hépatique de glucose. Bien que controversés par la suite, ses travaux ont incité d’autres neurophysiologistes à poursuivre l’étude de l’implication du cerveau dans le contrôle de l’homéostasie énergétique. Ainsi, un grand intérêt s’est porté sur l’hypothalamus. En effet, il a été montré que la lésion de l’hypothalamus médio-basal (MBH), formé de l’hypothalamus ventro-médian (VMN) et du noyau arqué (NA), entrainait une hyperphagie conduisant à l’obésité, définissant cette région comme le « centre de la satiété » (Kennedy, 1950). A l’inverse, la lésion bilatérale de l’aire latérale de l’hypothalamus (LH) entrainait l’arrêt de la PA jusqu’à la mort de l’animal, définissant cette région comme le « centre de la faim » (Anand and Brobeck, 1951). Quelques années plus tard, Jean Mayer a énoncé la « théorie glucostatique » en montrant que les variations de la glycémie modulent en conséquence la PA, et conclut sur l’existence de gluco-récepteurs dans le « centre de la faim » de l’hypothalamus, capables de détecter la quantité de glucose disponible dans le sang qui reflète le statut physiologique des tissus (Mayer, 1953). L’ensemble de ces études historiques démontrent donc le rôle crucial du SNC, et plus particulièrement de l’hypothalamus, dans la détection et l’intégration des signaux énergétiques et son implication dans la régulation du métabolisme énergétique.

Ainsi, le cerveau est informé en permanence du statut énergétique de l’organisme, en détectant directement les taux circulants de nutriments (glucose et acides gras principalement) et d’hormones (insuline, leptine, ghréline, …), ou en recevant des informations nerveuses, principalement via le système nerveux autonome (SNA) provenant des organes périphériques (pancréas, foie, tissus adipeux, …) (Abizaid and Horvath, 2008; Berthoud, 2002; Gao and Horvath, 2008) (Figure 2). Le cerveau reçoit

Figure 2 : Contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique

Le cerveau est informé du statut énergétique de l’individu par des signaux métaboliques et hormonaux. En réponse, il régule le métabolisme énergétique en agissant sur les capacités sécrétrices ou directement sur l’activité métabolique de certains tissus ou organes (d'après Pénicaud, 2003).

30 aussi des afférences nerveuses qui viennent de senseurs métaboliques périphériques, comme le système porte, le tractus intestinal et les corps carotidiens, capables de détecter les variations plasmatiques de nombreux paramètres métaboliques (Breen et al., 2013; Gao et al., 2014; Seyer et al., 2013). L’intégration centrale de ces informations va ainsi permettre au cerveau de contrôler en retour l’activité sécrétoire ou métabolique de différents tissus ou organes qu’il innerve via le SNA, en modulant par exemple la sécrétion d’insuline par le pancréas ou de l’adrénaline par les glandes surrénales, l’activité métabolique du foie et des tissus adipeux ou encore la thermogénèse

(Figure 2) (Atef et al., 1997; Le Feuvre et al., 1991; Pocai et al., 2005).

Dans ce contexte, mon travail s’est intéressé aux mécanismes moléculaires impliqués dans la détection hypothalamique du glucose, dans un modèle de rat nourri avec un régime gras enrichi en saccharose, mimant ainsi les deux apports caloriques principalement en excès dans nos sociétés occidentales. Je me suis plus particulièrement focalisée sur l’importance du métabolisme mitochondrial et de la signalisation induite par la mitochondrie via la production d’espèces actives de l’oxygène (ROS) en réponse à l’hyperglycémie. Récemment, notre équipe a montré que ces éléments étaient altérés dans un modèle animal génétiquement obèse et diabétique. De nombreuses études montrent l’existence de dysfonctionnements mitochondriaux au niveau hypothalamique dans les maladies comme l’obésité et le DT2, et dernièrement l’importance de la morphologie des mitochondries dans la régulation de l’homéostasie énergétique commence à émerger.

Figure 3 : Représentation schématique des connexions entre l’hypothalamus, le tronc cérébral, les principales voies nerveuses du système nerveux autonome et leurs tissus ou organes cibles

Amb : Noyau ambigu ; DMH : Hypothalamus dorso-médian ; IML : Colonne intermédio-latérale ; LH : Hypothalamus latéral ; NTS : Noyau du tractus solitaire ; PVN : Noyau para-ventriculaire ; RET : Formation réticulée ; SGC : Substancia grisea centralis ; VMH : Hypothalamus ventro-médian ; 10 : Noyau moteur du vague (d’après Pénicaud et al., 2006).

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Chapitre I : Re gulation nerveuse de