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Introduction : région et méthode d'étude

1.1. Présentation de la zone d'étude : le sud-ouest du

district de Phongsaly

1.1.1. Raisons du choix de la zone d'étude

Avec la diversité des agricultures d'abattis-brûlis évoquée en première partie, entreprendre une étude exhaustive des relations entre les Etats et les paysans essarteurs sur tous les continents serait une gageure. Nous nous sommes concentrés sur le Laos, pour les deux raisons suivantes :

• La forêt couvre près de la moitié du pays, 51 % d'après le Ministère de l'agriculture et des forêts (MAF 2000), et sa préservation est un thème important de la politique gouvernementale, appuyée par l'aide internationale. • L'agriculture d'abattis-brûlis est un sujet d'actualité, largement débattu au Laos.

Elle emploie près d'un tiers des familles du pays1, mais le gouvernement programme son élimination progressive d'ici à 2010 (MAE 2004).

1

280 000 familles en 1998 (MAF 1999a), alors que le pays compte 881 600 foyers en 2002 (MAE 2004), dont 81 % vivent de l'agriculture en zone rurale (Sisouphanthong et Taillard 2000).

Figure 11 : Carte de la République Démocratique Populaire Lao

Plus précisément, l'étude de terrain s'est concentrée sur le sud-ouest du district de Phongsaly, dans la province éponyme, au nord de la République Démocratique Populaire Lao (RDP Lao, Cf. Figure 11, page 60). Le choix de la région a été motivé par plusieurs raisons :

• L'abattis-brûlis est la première activité économique dans la province de Phongsaly, montagneuse et sans alternative évidente de développement.

• La connaissance du milieu et des pratiques socio-économiques acquises entre 1995 et 2002 lors de l'étude de faisabilité et de la mise en œuvre du Projet de Développement rural du District de Phongsaly (PDDP, Cf. page 462) fut une base importante de la présente recherche.

1.1.2. Limites de la zone d'étude

En complément de l'expérience accumulée, le PDDP a permis l'étude en fournissant le cadre et le support logistique à l'étude, ce qui a implicitement limitées les recherches de terrain au district de Phongsaly pour des raisons d'autorisations administratives.

Figure 12 : Carte de la province de Phongsaly

Plus que l'opportunité, la sélection de cette région nous a semblé pertinente par la diversité des pratiques paysannes d'abattis-brûlis rencontrée sur une superficie restreinte (Cf. page 243), tandis que les pouvoirs publics ont une approche beaucoup plus monolithique de cette agriculture, avec des politiques uniformément appliquées dans le pays (Cf. page 393). Le district de Phongsaly est un exemple archétypal pour

notre problématique ; nous pourrons, avec cependant une attention particulière aux spécificités locales, extrapoler les conclusions tirées.

Plus précisément, les enquêtes se sont concentrées dans le sud-ouest du district, dans une zone délimitée par la rivière Nam Ngay1 au nord, la Nam Ou à l'est, la Nam Lèng au sud et la chaîne de montagne marquant la limite du district à l'ouest.

Figure 13 : Carte du district de Phongsaly et de la zone d'étude

(zone d'étude en jaune)

1

Sur 960 km², la région retenue compte trente-neuf des quatre-vingt quatre villages ruraux du district1, soit 51 % des foyers paysans du district de Phongsaly (Cf. annexe 5).

Les limites de la zone d'étude ont été décidées d'après deux critères :

• Une cohérence dans les pratiques agricoles, appréciée d'après l'expérience acquise lors des six années d'activités dans le district de Phongsaly avec le PDDP (Cf. page 462).

• Une surface et un nombre de villages relativement limités pour permettre d'accéder régulièrement aux villages enquêtés, bien que le réseau de communication soit réduit, ce qui implique des déplacements à pied important dans une région accidentée. Les villages les plus éloignés sont à moins de douze heures de marche.

1.2. Méthodologie de l'étude

1.2.1. Pourquoi une approche systémique ?

Nous avons constaté précédemment la diversité des pratiques et des milieux pour les agricultures d'abattis-brûlis, qui peut s'expliquer par la multitude des acteurs (Cf. page 22). Chaque exploitation agricole est originale, avec ses moyens, ses contraintes, son histoire et les priorités de la famille (Sébillotte 1990). Les conditions naturelles sont également très diversifiées, tout comme les environnements socio- économiques et l'histoire des sociétés paysannes qui pratiquent l'abattis-brûlis.

Du fait de cette diversité des conditions et du grand nombre d'acteurs, les agricultures d'abattis-brûlis présente une multiplicité "d'objets réels de connaissance" (Mazoyer et Roudart 1997a, p. 41), ce qui complique son étude et sa compréhension pour l'observateur scientifique.

Les monographies traitant du thème de l'abattis-brûlis ont été multipliées dans les cinquante dernières années. Fujisaka, Hurtado et Uribe ont repéré 103 publications

1

présentant 136 exemples différents d'agricultures d'abattis-brûlis dans le monde (Fujisaka et al. 1996). Ces monographies décrivent avec plus ou moins de détails, l'environnement naturel, les conditions socio-économiques et les pratiques agricoles dans une petite région ; les conclusions ont trait à des situations très locales, valables à un instant donné pour une zone donnée, difficilement généralisables et même difficiles à comparer entre-elles, du fait de la diversité des méthodes déployées (Escobar et Fujisaka 1997 ; Fujisaka et al. 1996).

Les chercheurs en sciences physiques de l'agriculture se sont également intéressés à l'abattis-brûlis. Les études des sols sont nombreuses : nous avons identifiés 95 publications (Cf. annexe 3) depuis l'étude fondatrice de Nye et Greenland (1960) sur les sols soumis à l'abattis-brûlis, sans prétendre à l'exhaustivité. Un peu moins fréquemment, la friche a été l'objet d'études botaniques1, avec notamment les travaux de Vidal (Vidal 1958, 1960, 1972) et la thèse de Svengsuksa au Laos (2003). Ces études centrées sur des phénomènes physiques ou biologiques apportent un éclairage certain pour la compréhension des agricultures d'abattis-brûlis, mais sont trop spécialisées pour appréhender la rationalité des pratiques paysannes.

L'abattis-brûlis, comme l'agriculture en général, recoupe les champs d'étude de multiples disciplines scientifiques. Sa compréhension, c'est-à-dire la constitution par l'observateur d'un "objet théorique de connaissance" (Mazoyer et Roudart 1997a, p. 41), appelle une approche pluridisciplinaire qui ne saurait se contenter de juxtaposer des connaissances sectorielles indépendantes, telles des chapitres de climatologie, pédologie, botanique, agronomie, sociologie et économie disjoints dans un livre à vocation encyclopédique. Les agricultures d'abattis-brûlis sont trop diversifiées et complexes pour qu'un tel réductionnisme permette son entendement. La complexité et la diversité posant problème, nous contournerons la difficulté en adoptant une démarche simplifiant et ordonnant nos observations : une modélisation, "mise en équation d'un phénomène complexe permettant d'en prévoir les

évolutions"2. Nous rechercherons à créer des modèles de l'objet réel de connaissance

1

20 références identifiées.

2

qu'est l'abattis-brûlis à plusieurs échelles, et à articuler ces modèles de manière systémique1 pour restituer la dynamique des interactions.

1.2.2. Le concept utilisé : le système agraire et ses

composantes

¸ Les systèmes de culture

Au niveau de la parcelle cultivée, nous considérerons le système de culture, définit par Sébillotte comme :

L'ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles traitées de manière identique. Chaque système de culture se définit par (i) la nature des cultures et leur ordre de succession ; (ii) les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés pour les cultures retenues (Sébillotte 1990, p. 166).

Sébillotte caractérise l'itinéraire technique comme "la suite logique et ordonnée

d'opérations culturales appliquées à une espèce végétale cultivée", permettant de

"faire la part, vis-à-vis d'un rendement, de ce qui provient des techniques et de ce qui

résulte du milieu et de ses interactions avec les techniques" (Sébillotte 1978).

Avec ces deux concepts, il est possible d'étudier la conduite de la parcelle non plus comme une succession d'actes isolés et indépendants, mais comme un ensemble raisonné par l'agriculteur d'interventions synergiques avec le milieu pour conduire au rendement final. Ces interventions peuvent être prévues de longue date ou, au contraire, décidées en réaction à l'état observé de l'environnement ou de la culture, tenant ainsi compte de l'effet précédent, de l'effet cumulatif et de la sensibilité au

suivant2.

1

Système : "ensemble organisé d'éléments intellectuels" (ibid.). 2

Effet précédent : "pour une parcelle, la variation d'état du milieu (caractères biologiques, chimiques et

physiques) entre le début et la fin de la culture considérée, sous l'influence combinée du peuplement végétal et des techniques qui lui sont appliquées, l'ensemble étant soumis aux influences climatiques" (Sébillotte

1990, p. 167)

Effet cumulatif : "résultante, sur plusieurs années, des effets précédents" (Ibid.)

Sensibilité au suivant : "se définit par l'ampleur des réactions de la culture de rang n+1 (le suivant) à la

diversité des états du milieu créés par la culture de rang n (le précédent cultural), sous un climat donnée et compte tenu des techniques culturales utilisées sur le suivant" (Ibid.)

Même si ces concepts s'appliquent par définition à la parcelle cultivée, ils sont souvent étendus à un ensemble de parcelles menées de manière identique, ou pour le moins similaires.

Si notre recherche porte bien sur l'agriculture d'abattis-brûlis, nous ne nous limiterons pas pour autant à l'étude du système de culture. Les paysans pratiquent l'abattis-brûlis parmi d'autres activités contribuant à l'économie de leurs familles, qui interagissent, notamment en fonction des compromis et des priorités dans l'affectation des ressources rares de l'exploitation (Cochet 2005).

¸ Les systèmes d'élevage

L'étude systémique de l'élevage a été construite symétriquement à celui de système de culture, en s'inspirant des travaux de Sébillotte (Landais et al. 1987). Le système

d'élevage se définit comme :

L'étude des relations qui s'établissent entre un peuplement d'animaux domestiques et son milieu, considérés comme un ensemble soumis à l’action de l’homme, en vue d'établir les lois de fonctionnement de ce peuplement (Landais et al. 1987).

La combinaison des ressources, des espèces animales et des techniques et pratiques mises en œuvre par une communauté ou par un éleveur, pour satisfaire ses besoins en valorisant des ressources naturelles par des animaux (Lhoste 2001).

Un système d'élevage est caractérisé par les interactions entre l'éleveur, l'animal et le milieu, qui sont étudiées à différentes échelles spatiales et temporelles.

Figure 14 : Les composantes d'un système d'élevage

A l'instar de l'utilisation du concept de système de culture, nous utilisons celui de système d'élevage à plusieurs échelles : troupeau, exploitation et ensemble de troupeaux menés de manière similaire dans des exploitations comparables.

¸ Le système de production agricole

Aux systèmes de culture et d'élevage identifiés dans une exploitation agricole, il convient d'ajouter l'étude des autres activités économiques de la famille : association culture/élevage, transformation et commercialisation des produits agricoles, etc. La prise en compte de ces paramètres et résultats se fait dans un cadre global au niveau de l'unité de production : le système de production. Nous reprenons la définition qu'en donne Dufumier (1996a, p. 79) :

A l'échelle d'une exploitation, le système de production agricole peut être défini comme la combinaison (dans l'espace et dans le temps) des ressources disponibles et des productions elles-mêmes : végétales et animales. Il peut être aussi conçu comme une combinaison plus ou moins cohérente de divers sous- systèmes productifs :

– les systèmes de culture, définis au niveau des parcelles ou groupes de

parcelles traités de façon homogène, avec les mêmes itinéraires techniques et successions culturales ;

– les systèmes d'élevage définis au niveau des troupeaux ou fragments

de troupeaux ;

– les systèmes de première transformation des produits agricoles "à la ferme" (décorticage des céréales, fabrication de bière de bananes, élaboration de beurre et fromages fermiers, etc.).

Analyser un système de production à l'échelle d'une exploitation agricole ne consiste pas tant à s'intéresser à chacun de ses éléments constitutifs qu'à examiner avec soin les interactions et les interférences qui s'établissent entre eux :

– les relations de concurrence entre espèces végétales et animales pour

l'utilisation des divers constituants de l'écosystème aménagé (eau, lumière, éléments minéraux, matières organiques, etc.) ;

– les relations éventuelles de synergie (effets symbiotiques) ou de complémentarité dans l'utilisation des ressources ;

– l'affectation de la force de travail et des moyens de production (et leur

répartition dans le temps et dans l'espace) entre les différents sous- systèmes de culture et d'élevage : itinéraires techniques, successions et rotations culturales, assolements, calendriers fourragers, déplacements de troupeaux, etc.

Comme pour les sous-systèmes précédemment évoqués, la définition et l'usage du concept de système de production agricole sont étendus de l'exploitation agricole à l'ensemble des unités de production similaires.

¸ Le système agraire

Nous avons conduit l'étude à l'échelle de la petite région de Phongsaly en resituant les systèmes de production agricole analysés dans leur environnement : localisation des différents systèmes de production en fonction du milieu naturel ou socio- économique (infrastructures et marchés notamment), relations entre les différentes catégories d'exploitations agricoles identifiées, relations entre les agriculteurs et les autres acteurs économiques du monde rural (administration locale, commerçants, artisans, employeurs potentiels, etc.), etc.

Pour cela, nous nous sommes appuyés sur le concept de système agraire et la théorie de leur différenciation développés par Mazoyer1 :

Un système agraire, c'est d'abord un mode d'exploitation du milieu historiquement constitué et durable, un système de forces de production (un système technique), adapté aux conditions bioclimatiques d'un espace donné et répondant aux conditions et aux besoins sociaux du moment. (Mazoyer 1987). Analyser et concevoir en termes de système agraire l'agriculture pratiquée à un moment et en un lieu donnés consiste à la décomposer en deux sous-systèmes principaux, l'écosystème cultivé et le système social productif, à étudier l'organisation et le fonctionnement de chacun de ces sous-systèmes, et à étudier leurs interrelations. (Mazoyer et Roudart 1997a, p. 42).

On pourrait donc définir un système agraire comme une combinaison caractéristique de variables essentielles, à savoir :

– le milieu cultivé : milieu originel et transformations historiquement acquises ;

– les instruments de production : outils, machines et matériels

biologiques (plantes cultivées, animaux domestiques), et de la force de travail sociale (physique et intellectuelle) qui les met en œuvre ;

– le mode d'artificialisation du milieu qui en résulte (reproduction et exploitation de l'écosystème cultivé) ;

– la division sociale du travail entre agriculture, artisanat et industrie qui

permet la reproduction des instruments de travail, et par conséquent ;

– le surplus agricole, qui au-delà des besoins des producteurs agricoles,

permet de satisfaire les besoins des autres groupes sociaux ;

– les rapports d'échange entre ces branches associées, les rapports de

propriété et les rapports de force qui règlent la répartition des produits du travail, des biens de la production et des biens de consommation et les rapports d'échange entre systèmes (la concurrence) ;

1

La théorie des systèmes agraires fut constituée dans les années soixante-dix et quatre-vingt, alors que la recherche agronomique utilisait le développement de la théorie des systèmes (Le Moigne 2003) et multipliait les approches systémiques, en France comme à l'étranger (Pillot 1992). Ainsi, le système de

culture peut être comparé au cropping pattern, le système de production au farming system et le système agraire à l'agricultural system, même si ces concepts présentent des différences non négligeables de

– enfin, l'ensemble des idées et des institutions qui permettent d'assurer

la reproduction sociale : production, rapports de production et

d'échange, répartition du produit... (Mazoyer 1987).

1.2.3. Du concept à la pratique : l'analyse-diagnostic

Avec ce corpus théorique, nous avons opté pour une approche méthodologique : l'analyse-diagnostic des situations agraires. La méthode a été développée par l'équipe de recherche de l'Unité de Recherche "Systèmes agraires et développement rural" de l'INA P-G, Paris (Cochet et Devienne 2004 ; Dufumier 1995 ; Trébuil et Dufumier 1993). Elle a été employée au Laos depuis 1990 à l'occasion d'études de faisabilité de projets de développement rural (Ducourtieux 1991 ; Kousonsavath et Lemaître 1999 ; Laffort 1998 ; Laffort et Jouanneau 1998), de la mise en œuvre de projets (J.-L. Alexandre et Eberhardt 1998 ; Babin 1999 ; Baudran 2000 ; Grimeaud et Meaux 1999 ; Pasquet 2002 ; Pelliard 1998), ou de recherches académiques (Sacklokham 2003 ; Sacklokham et Degoul 2001).

L'objectif de l'analyse-diagnostic est de caractériser la diversité observée de la réalité agricole en la modélisant en un nombre limité de types, à différentes échelles :

L'analyse-diagnostic des réalités agraires a pour objectif principal d'identifier et de hiérarchiser les éléments de toutes natures (agro-écologiques, techniques, socio-économiques…) qui conditionnent le plus l'évolution des systèmes de production agricole et de comprendre comment ils interfèrent concrètement sur les transformations de l'agriculture. […] L'essentiel est de pouvoir caractériser les pratiques techniques, économiques et sociales des agriculteurs, et de bien comprendre ce qui préside à leur évolution, en relation avec celles des autres catégories socio-professionnelles. La question est en effet de savoir ce que font les agriculteurs et de connaître les raisons pour lesquelles ils sont conduits à pratiquer leurs systèmes de production actuels. […] L'analyse-diagnostic doit permettre de rendre intelligible des situations agraires souvent très complexes dans lesquelles interviennent des phénomènes d'ordre écologique, technique, socio-économique, culturel et politique. L'important n'est pas tant d'étudier en détail chacun des faits correspondants que de comprendre les multiples interactions qui ne manquent pas de se manifester entre tous ces phénomènes. […] L'essentiel est de pouvoir repérer les cohérences ou contradictions qui apparaissent dans l'évolution conjointe des variables écologiques, techniques et socio-économiques, sans oublier non plus leurs relations avec les changements politiques et culturels. (Dufumier 1996a, p. 54-55).

Les résultats de la modélisation doivent être comparables avec les observations passées (caractère explicatif du modèle), mais doivent également nous permettre de prévoir l'évolution des exploitations agricoles dans leur diversité (caractère prédictif du modèle).

Afin d'éviter l'accumulation d'informations inutiles car non pertinentes, nous avons procédé par étape, du général vers le particulier, en cherchant à repérer à chaque échelle les ensembles cohérents, c'est-à-dire disjoints (intersection vide) et comprenant des éléments homogènes par rapport aux critères d'évaluation retenus.

¸ Le zonage : caractériser et segmenter l'espace

Dans un premier temps, nous avons effectué un zonage. La question était de savoir si la région d'étude retenue (Cf. page 61) était homogène ou, au contraire, si des zones géographiques contrastées étaient identifiables par rapport aux critères d'observation suivants :

• localisation des ensembles physiques comme les plaines, les montagnes, le réseau hydrologique, les vallées, etc. (topographie),

• nature du sous-sol (géologie),

• caractéristiques physico-chimiques des sols (pédologie), • espèces vivantes spontanées ou domestiques (écologie),

• occupation humaine, comme la répartition de l'habitat et des exploitations agricoles (géographie humaine),

• anthropisation du milieu à travers les systèmes de culture, d'élevage, les aménagements d'infrastructures, etc. (géographie économique).

Notre zonage s'est appuyé sur la documentation existante, notamment cartographique, et sur la lecture des paysages lors des parcours de transects dans la région d'étude.

¸ La typologie : identification et caractérisation des différents systèmes de production

agricole

Au sein de chaque zone identifiée dans la région d'étude, nous avons étudié les pratiques des agriculteurs, en s'attachant particulièrement à leurs différences.

Dans un premier temps, nous n'avons pas recherché une représentativité statistique (Aubry 2002 ; Gomez et Gomez 1984), avec un tirage aléatoire d'un échantillon d'exploitations cherchant à être représentatif de la réalité. Nous nous sommes

intéressés aux diverses situations que nous avons cherchées à recenser, avant de les étudier en détail et d'évaluer leur importance relative.

Nous avons cherché à identifier et caractériser les différents systèmes de production (Cf. page 67) et leurs sous-systèmes techniques (Cf. page 65). Nous avons posé comme hypothèse que la paysannerie n'est pas un groupe social homogène ; les agriculteurs, en fonction notamment de leurs moyens humains, de leurs moyens techniques et financiers, de leur histoire, de leur accès au foncier et de leur accès au marché, ont des objectifs et des pratiques économiques différentes, conformes à leurs intérêts et donc rationnels dans leur environnement socio-économique (Dufumier 1995). Ces différents groupes interagissent entre eux, ainsi qu'avec les autres agents économiques et le milieu naturel, dans une dynamique de transformation de l'agroécosystème (Suan Pheng Kam et al. 2002 ; Trébuil et al. 2003). L'analyse- diagnostic nous a permis d'établir une typologie des exploitations dans la zone d'étude, c'est-à-dire un classement des agriculteurs en catégories homogènes et disjointes en fonction des critères issus de l'analyse du système agraire (Cf. page 68). L'identification des systèmes de production agricole a été fondée sur l'observation des paysages agricoles lors du parcours de transects, mais surtout sur les informations extraites des enquêtes réalisées auprès de témoins privilégiés, côtoyant depuis des années les différentes familles de la zone : des paysans âgés. Dans les différentes zones, nous avons interrogé des anciens, réunis par quatre ou cinq dans chaque village, sur l'agriculture de leur région, les changements qu'ils avaient constatés et les principaux faits historiques les ayant marqués. Il n'y avait pas de

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