• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Réévaluation de la survie et du coût du mélanome métastatique : estimation à partir

A. Introduction

Comme nous l’avons décrit auparavant, la prise en charge des patients atteints de mélanome métastatique (MM) a considérablement évolué ces 8 dernières années. Avant 2011, elle reposait essentiellement sur des traitements dits « palliatifs » incluant des thérapies cytotoxiques telles que la dacarbazine et la fotemusine ou encore les interférons pour lesquels la médiane de survie globale (SG) des patients ne dépassait pas 8 mois29, 89–91. Depuis 2011, l'arrivée séquentielle de huit molécules a grandement amélioré la prise en charge des patients : les premiers traitements anti-CTLA-4 (ipilimumab) et anti-BRAF (vémurafénib, dabrafenib) ont permis d'augmenter la médiane de la SG à 12 mois92–94. L’arrivée des associations d'anti-MEK et d'anti-BRAF (dabrafenib-trametinib, vemurafenib-cobimetinib) a encore augmenté la médiane de la SG à environ 23 mois23, et la médiane de la SG n'a à ce jour pas été atteinte lors des essais cliniques pour les anti-PD1 (nivolumab, pembrolizumab)27, 28, 95. Face à ce bénéfice clinique important, ces médicaments ont obtenu des prix élevés, jusqu'à 1 000 fois supérieurs aux traitements cytotoxiques existants. Il se pose donc la question de leur impact économique pour la société. Différentes études se sont intéressées au coût du MM à partir de données issues de bases médico-administratives ou de cohortes, au sein de différents pays32, 40–42, 44, 45, 96, 97. Ce coût a d’abord été estimé, sur différents horizons temporels, à 1 634 €/patient en France40, 3 456 €/patient en Italie41, 10 269 €/patient aux Etats-Unis42 ou 20 578 €/patient au Canada32 avant l'arrivée des nouveaux traitements, puis estimé à 81 484 €/patient aux Pays-Bas37 et 107 000 €/patient en France44 après l’arrivée de l'ipilimumab. Une seule étude, réalisée dans le contexte australien entre 2012 et 2014, a estimé un coût de 112 322 €/patient45 pour l'ensemble des nouveaux médicaments. Cependant, ce coût se limitait aux trois premières années de traitement.

Il est donc nécessaire de réévaluer, le coût de la prise en charge du MM, en vie réelle, en France, en raison de la disponibilité récente de ces nouveaux médicaments. Par ailleurs, l’estimation du coût à partir de données observationnelles soulève différentes problématiques méthodologiques.

Il est important de préciser que les coûts sont recueillis sur une période de temps prédéfinie. La HAS recommande un horizon temporel lifetime, ce qui signifie que les données de coût doivent être collectées tout au long de la vie du patient à partir du diagnostic de la maladie. Cependant, si le coût est total et définitif pour les patients décédés il est sous-estimé et censuré pour les patients vivants. Il est donc important d’extrapoler la survie et les coûts afin d’obtenir un coût total et définitif pour tous les patients. Il existe différentes méthodes d’extrapolation des coûts censurés : les méthodes tenant compte des coûts censurés jusqu’à la date du dernier suivi du patient (méthodes non-paramétriques) et les méthodes tenant compte des coûts censurés au-delà de la date du dernier suivi (méthodes paramétriques).

42 Méthodes non-paramétriques

Lin et al98. ont proposé une méthode par intervalle pour analyser les données de coûts censurés. Premièrement, la période de suivi est divisée en intervalles de temps. Puis, la probabilité que les participants soient vivants au début de chaque intervalle est calculée en utilisant la méthode de Kaplan-Meier (KM). Troisièmement, la moyenne du coût observé par patient par intervalle de temps est calculée. Ces coûts moyens par intervalle sont pondérés par la probabilité de survie dans leur intervalle. Enfin, les coûts pondérés par intervalle sont additionnés afin de calculer le coût moyen total par patient.

Bang et Tsiatis99 ont proposé une variante de la méthode précédente. Le temps de suivi est toujours divisé en intervalles mais, pour chaque intervalle, la probabilité que l’évènement soit observé (donc de ne pas être censuré) est calculée grâce à la méthode de KM inversé. Enfin, de la même manière, les coûts observés sont pondérés par l’inverse de la probabilité de présenter l’évènement dans l’intervalle. Les coûts ainsi pondérés sont additionnés puis divisés par le nombre de patients pour obtenir un coût moyen total par patient estimé en présence de censure.

La méthode de régression développée par Carides et al.100 se fonde sur l’hypothèse que les coûts totaux des patients sont liés au temps de survie. Tout d’abord, il est réalisé un modèle de régression dans lequel le coût total par patient est expliqué par le délai de l’inclusion jusqu’au décès. Ensuite, la durée de suivi est divisée en intervalles, les coûts prédits pour chaque intervalle sont déterminés par un modèle de régression à partir des coûts cumulés par patient. Comme pour les méthodes précédentes, les coûts par intervalle ainsi obtenus sont multipliés par la probabilité de survie issue de la courbe de KM pour chaque intervalle de temps correspondant. Enfin, le coût total est obtenu par addition des coûts pondérés de chaque intervalle.

Un nouveau modèle a été proposé par Lin et al101. Permettant de prédire les coûts en fonction des caractéristiques cliniques des patients. La pondération est effectuée par l’inverse de la probabilité d’être observé (méthode de Kaplan-Meier inversé) dans l’intervalle. Le modèle est appliqué à tous les patients afin d’obtenir un coût prédit par patient permettant de calculer un coût moyen.

Toutes ces différentes méthodes permettent d’extrapoler les coûts jusqu’à la date de dernière nouvelle du patient ayant le plus long suivi (=suivimax). En limitant l’extrapolation au suivimax, on limite l’incertitude portant sur la consommation de soins au-delà de cette période. Cependant, les auteurs recommandent de ne pas utiliser ces méthodes en présence d’un taux de censure important (>45% de patients censurés)102. Or, dans la cohorte MelBase et dans le cadre de ce travail, 53% des patients sont censurés à la date de point. De plus, afin d’estimer un coût total et définitif pour tous les patients et d’obtenir un horizon

lifetime, il est nécessaire d’extrapoler au-delà du suivi maximal. Méthodes paramétriques

Le 2ème type de méthodologie d’extrapolation repose sur des techniques de modélisation qui sont utilisées dans la plupart des analyses coût-efficacité en oncologie.

Chapitre 2. Réévaluation de la survie et du coût du mélanome métastatique : estimation à partir de la cohorte MelBase

43

oncologie, essentiellement les courbes de survie globale et de survie sans progression ou de survie sans rechute) sont extrapolées en utilisant des distributions paramétriques jusqu’à l’horizon temporel souhaité. Ce modèle permet d’estimer à chaque temps la proportion de patients présents dans chaque état. Par la suite, le temps moyen passé dans chaque état est calculé grâce à la méthode de l’AUC (Area Under the

Curve). La méthode de l’AUC calcule l’aire sous les courbes de survie extrapolées. La région sous la

courbe est divisée en différents intervalles de temps (respectant le cycle choisi), puis, à l'aide de la méthode des trapèzes, les temps moyen passés dans chaque état sont estimés.

L’analyse est réalisée sur l’ensemble de la population sans ajustement sur les différents facteurs de risque des patients avec des probabilités de transition entre les états constantes au cours du temps (puisque les modèles de Markov respectent l’hypothèse d’absence de mémoire).

Enfin, les modèles de Markov présentés dans le chapitre 1 de cette thèse, permettent également d’extrapoler les coûts de manière paramétrique.

Ainsi, si ces 2 techniques permettent une extrapolation au-delà du suivimax, elles présentent l’inconvénient d’analyser la cohorte dans sa globalité, sans prendre en compte le risque individuel et la variabilité des réponses au traitement des patients. De plus, ces méthodes ne prennent pas en compte les antécédents des patients et notamment le temps passé dans les états précédents, ce sont des modèles dits « sans mémoire ».

Afin de tenir compte de l’hétérogénéité des patients tant d’un point de vue des réponses aux traitements que de leurs caractéristiques cliniques, il semble intéressant de développer un modèle individu centré pour extrapoler les coûts et la survie des patients.

Avec l’arrivée de 8 nouvelles thérapies en 5 ans qui ont obtenu des prix 1 000 fois supérieurs au traitement de référence, il était important de réaliser une étude de coût sur le mélanome métastatique afin de comprendre les différentes dépenses induites par cette pathologie.

L'objectif de ce travail était d'estimer la survie et le coût moyen de la prise en charge d’un patient atteint de MM en pratique clinique courante depuis l’arrivée des immunothérapies et des thérapies ciblées, de leur diagnostic au stade métastatique et pendant 5 ans.

L’objectif secondaire de ce travail était une réflexion méthodologique concernant l’extrapolation de données observationnelles. Ce travail a été réalisé en utilisant les données individuelles de patients

44

Documents relatifs