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Chapitre II. L’infertilité masculine : contexte actuel et prise en charge médicale

1- Introduction

Sur le plan nosologique, la fertilité correspond à la capacité d’obtenir un enfant. Le terme d’infertilité caractérise l’échec d’obtention d’une grossesse chez les couples en âge de procréer (femme âgée de 18 à 45 ans) au bout de 12 mois de rapports sexuels réguliers non protégés. L’infertilité est actuellement considérée comme une préoccupation majeure par l’organisation mondiale de la santé (OMS). Elle affecte approximativement 10-15% des couples et parfois jusqu’à 30% dans certaines régions du monde (32).

Dans les pays occidentaux, la majorité des couples infertiles ont recours aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) pour obtenir une grossesse. On compte actuellement environ cinq millions de personnes devant leur existence à ces techniques. En Europe et aux USA, les techniques d’AMP sont responsables de 1-3% des naissances. En France en 2006, on a recensé 119 000 cas de recours aux techniques d’AMP comprenant les inséminations, les FIV (fécondation in vitro), les ICSI (micro-injection intracytoplasmique de spermatozoïdes) et les transferts d’embryons congelés.

Une étude française a évalué les étiologies d’infertilité parmi 1 686 couples (33). Le facteur féminin était à l’origine de l’infertilité de couple dans 33% des cas, le facteur masculin dans 20% des cas et une origine mixte dans 39% des cas. Dans 8% des cas l’infertilité était inexpliquée.

Bien que le facteur masculin soit souvent impliqué dans l’infertilité, l’évaluation de la santé reproductive de l’homme a été pendant longtemps négligée lors de la prise en charge des couples infertiles. Une des principales raisons est le progrès considérable des techniques

d’AMP notamment l’ICSI qui permet d’obtenir une grossesse lorsque les spermatozoïdes sont peu nombreux, immatures ou anormaux. Actuellement, on assiste à un développement rapide des connaissances sur l’infertilité masculine surtout en ce qui concerne le champ de la pathogénie génétique.

2-

Moyens d’exploration

2.1-

Examen clinique

L’interrogatoire présente le temps principal d’une consultation d’andrologie. Il s’attache à rechercher les facteurs pouvant perturber la fonction testiculaire et les antécédents personnels et familiaux d’infertilité et de maladies génétiques. Le deuxième temps de consultation est consacré à l’examen physique avec la recherche d’éventuels signes d’hypoandrisme témoignant de l’altération de la fonction endocrine du testicule puis l’examen de l’appareil génital dans sa globalité (hypo ou hypertrophie testiculaire, dilatation épididymaire, absence des déférents et/ou des vésicules séminales, varicocèle, hypospadias,...).

2.2-

Analyse du sperme

2.2.1- Le spermogramme

En 1951, Mac Léod étudia la relation qui pourrait exister entre la fertilité masculine et les caractéristiques du sperme de deux groupes d’hommes, féconds et inféconds. Depuis, l’analyse du sperme constitue la première investigation à envisager pour explorer l’infertilité masculine. Cet examen devrait être réalisé selon les dernières recommandations de l’OMS

(World Health Organization. WHO Laboratory Manual for the Examination and Processing of Human Semen, in 5th edn. 2010) (34). Il doit être interprété en tenant compte des données cliniques du patient (tableau 1).

Tableau 1. Limites inférieures de référence des paramètres du sperme humain (OMS, 2010).

Paramètre Limite basse de référence

Volume du sperme (mL) 1,5 (1,4-1,7)*

Nombre total de spermatozoïdes (106 par éjaculat) 39 (33-46)* Concentration de spermatozoïdes (106/ml) 15 (12-16)*

Mobilité totale (Pr + NP, %) 40 (38-42)*

Mobilité progressive (Pr, %) 32 (31-34)*

Vitalité (spermatozoïdes vivants, %) 58 (55-63)*

Morphologie (formes normales, %) 4 (3,0-4,0)*

*5e percentile (et intervalle de confiance à 95%). Pr = Spermatozoïdes progressifs, NP = Spermatozoïdes non progressifs.

Des facteurs prénanalytiques peuvent biaiser l’interprétation du spermogramme. La collection doit concerner la totalité de l’éjaculat après une période d’abstinence de 2-7 jours. L’acheminement de l’échantillon au laboratoire est réalisé à température ambiante. Au laboratoire, le sperme est liquéfié avant d’être analysé, Tout aspect anormal est noté telle qu’une hémospermie ou une forte viscosité.

Le volume traduit essentiellement les capacités sécrétoires des glandes annexes, le volume des spermatozoïdes dans l’éjaculat ne représente que 10-15% du volume total. Un volume spermatique faible inférieur à 1.5 mL (hypospermie) traduit une atteinte des glandes annexes (prostatite, vésiculite, agénésie des glandes séminales) ou un trouble éjaculatoire. Le diagnostic d’éjaculation rétrograde est confirmé par l’absence d’éjaculat visible avec l’observation de spermatozoïdes dans un échantillon d’urine post-éjaculatoire.

Le pH normal du sperme est compris entre 7.4 et 8. Des valeurs plus basses

orientent vers un défaut de sécrétion des vésicules séminales (normalement alcaline) alors que des valeurs alcalines orientent plutôt vers un défaut de sécrétion de la prostate (normalement acide).

La numération des spermatozoïdes est exprimée en concentration (millions/mL).

Une numération normale compte 15-200 millions de spermatozoïdes par millilitre. En dessous de 40 millions par éjaculat, on parlera d’oligozoospermie. Devant l’absence de spermatozoïdes, il est important de rechercher leur présence dans le culot de centrifugation (3 000 g pendant 15 min) avant de conclure à une azoospermie.

La mobilité des spermatozoïdes est d’abord appréciée au microscope optique puis

peut être analysée par vidéomicrographie assistée par ordinateur (system CASA, Computer- Assisted Sperm Analysis). Ce système permet une mesure automatisée de la trajectoire de la tête du spermatozoïde qui est un bon reflet de l’activité du flagelle. Devant une mobilité abaissée, un test de vitalité par coloration à l’éosine-nigrosine (teste de Williams) s’avère nécessaire pour différentier la mort cellulaire de l’asthénozoospermie. Ce test consiste à évaluer le pourcentage des spermatozoïdes morts qui prennent la coloration rose-orangé sur fond noir et le pourcentage des spermatozoïdes vivants incolores.

Les cellules rondes doivent être comptées et leur nature appréciée. Il peut s’agir de

cellules épithéliales provenant des voies urogénitales, de cellules germinales immatures ou de leucocytes.

2.2.2- Le spermocytogramme

Cet examen vient compléter les données du spermogramme en quantifiant les anomalies morphologiques des spermatozoïdes en microscopie optique après coloration de Harris Shorr ou de Papanicolaou modifiée (les plus utilisées). L’observation est faite sur cent spermatozoïdes. Les anomalies morphologiques sont décrites selon la classification de David modifiée par Auger et Eustache (la plus utilisée). Cette classification répertorie sept anomalies

(angulée, grêle, présence de restes cytoplasmiques) et cinq anomalies de la pièce principale (absente, écourtée, de calibre irrégulier, enroulée, multiple). En dessous de 15% de formes typiques on parle de tératozoospermie. L’existence d’anomalies morphologiques multiples doit faire calculer l’index d’anomalies multiples, IAM (nombre d’anomalies observées / nombre total de spermatozoïdes atypiques) qui doit être inférieur à 1,6.

Si le spermogramme-spermocytogramme est normal, il n’est pas nécessaire de le contrôler. Cependant si une anomalie a été observée, il faudrait le répéter sur un autre recueil à au moins un mois d’intervalle après le précédent en raison de la grande fluctuation physiologique des paramètres spermatiques.

2.2.3- Dosage des biomarqueurs séminaux

Le liquide séminal est produit principalement par l’épididyme et les glandes annexes. Le dosage des marqueurs biochimiques séminaux est réalisé en cas d’anomalies du spermogramme ou d’une suspicion d’infection génitale. La L-carnitine et l’α-glucosidase sont deux marqueurs caractéristiques de l’épididyme, le fructose est caractéristique des vésicules séminales et l’acide citrique, les phosphatases acides et le zinc sont caractéristiques de la prostate.

Dans le cadre de l’azoospermie, les résultats de ces dosages apportent des renseignements précieux et permettent de distinguer une azoospermie sécrétoire (testiculaire) d’une azoospermie excrétoire (obstructive) et de préciser le niveau d’obstruction dans ce dernier cas.

2.3-

Exploration hormonale de l’axe gonadotrope

Les testicules ont deux compartiments fonctionnels distincts qui servent à la fois à la production d’androgènes et à la spermatogenèse. Ces deux compartiments sont sous contrôle

hormonal interconnecté. La LH (luteinising hormone) régule la production de la testostérone par les cellules de Leydig et la FSH (follicle stimulating hormone) agit sur la cellule de Sertoli qui soutient les cellules germinales en développement. La spermatogenèse est dépendante de la testostérone intratesticulaire sécrétée par les cellules de Leydig. En effet, Les taux intra- testiculaires de testostérone sont environ 100 fois supérieurs aux taux sériques (35). De ce fait, les états physiopathologiques qui entrainent une diminution de la testostérone causent aussi une altération de la spermatogenèse.

Lorsqu’un bilan hormonal est indiqué, il consiste à doser en première intention la FSH et éventuellement l’inhibine B pour évaluer la spermatogenèse et la testostérone totale pour évaluer l’androgenèse. Si la testostéronémie est basse, il convient de contrôler le résultat sur un nouveau prélèvement et lui associer le dosage de la LH et de la prolactine.

2.4-

Investigations génétiques

Il est recommandé chez les patients présentant une oligozoospermie (numération < 5 millions/mL) ou une azoospermie non obstructive de réaliser un caryotype et une recherche de microdélétions du chromosome Y. Les aneuploïdies gonosomiques et les microdélétions du chromosome Y sont retrouvés respectivement dans 2-17% et 14% des cas d’azoospermie non obstructive (ANO) et d’oligozoospermie sévère (OS).

La présence d’une absence bilatérale des canaux déférents (ABCD) doit indiquer une étude moléculaire du gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator) chez le patient. Le CFTR est trouvé muté dans 60-90% des cas d’ABCD. Suite à un diagnostic positif, la partenaire doit être génotypée avant toute biopsie testiculaire et ICSI compte tenu du risque de transmission de la mucoviscidose à la descendance.

La prédiction de l’existence d’une forte composante génétique liée aux troubles de la spermatogenèse nous laisse penser que la majorité des cas étiquetés actuellement comme idiopathiques sont en réalité dus à des mutations ou des polymorphismes sur ces gènes. L’utilisation actuelle de nouvelles approches analytiques permet d’identifier de nouveaux gènes candidats et améliorer la prise en charge diagnostique des patients infertiles.

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