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Le bitume est un produit d’origine naturelle, issu de la distillation du pétrole. Dans le domaine des infrastructures de transport, il est utilisé afin d’assurer la cohésion de granulats, et d’ainsi former des matériaux enrobés.

Les couches supérieures des chaussées sont généralement constituées de ces matériaux, communément appelés enrobés bitumineux. Ils sont en majorité fabriqués à partir d’un bitume chauffé à des températures comprises entre 160 °C et 180 °C : ce sont des enrobés dits « à chaud ». Depuis plusieurs années, de nouvelles techniques d’enrobage sont encouragées, dans le but d’économiser l’énergie, mais également les matières premières :

- fabrication d’enrobés dits « tièdes », pour lesquels un additif est ajouté au bitume afin de fluidifier le mélange granulaire et ainsi d’abaisser les températures d’enrobage d’au moins 25 °C par rapport à un enrobé à chaud ;

- fabrication d’enrobés dits « à froid », pour lesquels le bitume est utilisé en émulsion dans une phase aqueuse. Ces émulsions se présentent donc sous forme liquide aux températures d’usage, permettant un enrobage des granulats à froid. En 2008, en France, près de trois millions de tonnes de bitume ont été utilisées dans l’industrie routière. Plus de 30% d’entre elles ont été formulées sous forme d’émulsions de bitume ; [1]

- fabrication d’enrobés recyclés : ce mode de fabrication permet d’économiser des matières premières, par recyclage des granulats et des liants bitumineux issus de chaussées en fin de vie. En 2008, près de 78% des 9,3 millions de tonnes de déchets d’enrobés bitumineux ont été recyclées. [2]

Néanmoins, si ces techniques permettent d’abaisser le coût environnemental de production des enrobés bitumineux, et de diminuer la consommation en matières premières, il n’en reste pas moins que le pétrole est une ressource fossile, dont la raréfaction n’est plus à démontrer. Ainsi, afin de participer à une transition vers une économie basée sur une filière biosourcée, la recherche de nouvelles sources de matériaux routiers est donc primordiale.

C’est dans ce contexte que le projet « Post-Oil Pavement » a été développé au sein de l’IFSTTAR, Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux. Ce projet présente deux objectifs principaux : d’une part identifier et caractériser des matériaux viscoélastiques capables de se substituer aux liants bitumineux (caractérisation de liants végétaux actuellement commercialisés, mais également

évaluation du potentiel de nouvelles biomasses), et d’autre part identifier des solutions à empreinte carbone réduite dans le domaine des matériaux hydrauliques.

De nombreux liants végétaux sont d’ores et déjà actuellement commercialisés et mis en œuvre sur divers chantiers (Végécol® de Colas, [3] Biophalt® d’Eiffage, [4] ou encore Floraphalt® de Shell [5]). Ceux-ci sont généralement composés d’une résine végétale naturelle ou modifiée, additionnée d’une huile végétale (e.g. huile de colza). Néanmoins, le fait qu’une huile alimentaire entre comme élément majoritaire dans la composition du liant limite fortement l’impact positif apporté par l’utilisation de ressources non fossiles.

C’est pourquoi il est intéressant d’identifier de nouvelles ressources pouvant permettre d’obtenir un liant routier, tout en n’entrant pas en concurrence avec des usages plus nobles de la biomasse, comme la nutrition humaine ou l’énergie.

Dans ce cadre, les microalgues semblent constituer une biomasse d’avenir. Très étudiée actuellement dans le domaine des biocarburants dits de troisième génération, que ce soit pour produire du biodiesel, du bioéthanol, ou encore du biogaz, [6], [7], [8], [9] leur utilisation n’entre pas en compétition avec un usage alimentaire puisqu’elles peuvent être cultivées sur des terres non arables.

Cependant, le coût de production des biocarburants algaux reste à l’heure actuelle trop élevé, et le potentiel énergétique trop faible par rapport aux coûts énergétiques de production et de récolte de la biomasse. [10] A elle seule, la voie énergétique de valorisation des microalgues ne semble pas être rentable. Une voie de valorisation des fractions non utilisables dans le domaine énergétique demande a être identifiée.

C’est pourquoi une « algo-raffinerie » pourrait constituer une réponse crédible à la problématique de valorisation globale des microalgues.

C’est dans ce contexte qu’est né le projet Algoroute, dans lequel cette thèse s’inscrit. Le but de ce projet est d’obtenir, à partir de sous-produits de l’industrie des microalgues, un liant présentant des propriétés physicochimiques spécifiques :

- une viscosité faible aux températures de mise en œuvre, afin d’assurer un enrobage optimal des granulats ;

- une rigidité suffisamment élevée aux températures d’usage afin d’assurer la cohésion de l’enrobé ;

- des propriétés viscoélastiques telles que les contraintes de dilatation et de contraction engendrées au passage des véhicules lourds puissent être relaxées.

La démarche adoptée dans le projet Algoroute est donc la suivante : - caractérisation de la biomasse ;

- évaluation de méthodes d’obtention d’un matériau viscoélastique ; - caractérisation chimique et rhéologique des différents liants obtenus ;

- fabrication et caractérisation mécanique de matériaux enrobés conçus à partir de ces liants.

Ce manuscrit va s’articuler plus précisément autour des trois premiers points. Après quelques rappels bibliographiques relatifs au bitume et aux microalgues dans un premier chapitre, le deuxième chapitre sera consacré à la caractérisation de l’espèce de microalgues étudiée, ainsi qu’au potentiel rhéologique de sa fraction lipidique. Dans un troisième chapitre seront présentés les résultats relatifs à la transformation thermochimique de la biomasse. Enfin, le quatrième chapitre sera consacré à l’évaluation de l’intérêt d’un traitement acide sur les microalgues en amont des procédés d’obtention des liants.

Bibliographie

[1] International Bitumen Emulsion Federation, Site internet consulté le 05.08.13 et disponible à l’adresse : http://www.ibef.net/fr, 2013.

[2] Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, 254 millions de tonnes de déchets produits par l’activité de construction en France en 2008, Site internet consulté le 05.08.13 et disponible à l’adresse : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Chiffres-et-statistiques,13117.html.

[3] Colas, Liant de nature végétale pour la réalisation de matériaux pour le bâtiment et/ou les travaux publics, EP1466878(A1), 2004.

[4] Eiffage, Composition comprenant une fraction organique pour la réalisation d’une couche et/ou d’un revêtement de voie ou de bâtiment, FR2915204(A1), 2007.

[5] Shell, Binder composition and asphalt mixture, WO2010128105 (A1), 2010.

[6] S. S. Oncel. Microalgae for a macroenergy world. Renewable and Sustainable Energy Reviews 2013, 26, 241 – 264.

[7] A. Ahmad, N. M. Yasin, C. Derek, J. Lim. Microalgae as a sustainable energy source for biodiesel production: A review. Renewable and Sustainable Energy Reviews 2011, 15, 584 – 593.

[8] R. P. John, G. Anisha, K. M. Nampoothiri, A. Pandey. Micro and macroalgal biomass: A renewable source for bioethanol. Bioresource Technology 2011, 102, 186 – 193.

[9] D. Beneroso, J. Bermudez, A. Arenillas, J. Menéndez. Microwave pyrolysis of microalgae for high syngas production. Bioresource Technology 2013, doi : http://dx.doi.org/10.1016/j.biortech.2013.06.102.

[10] L. F. Razon, R. R. Tan. Net energy analysis of the production of biodiesel and biogas from the microalgae: Haematococcus pluvialis and Nannochloropsis. Applied Energy 2011, 88, 3507 – 3514.

Chapitre 1

État de l’art

Introduction

L’objectif de ce premier chapitre est d’apporter quelques éléments bibliographiques permettant de mieux appréhender la problématique des liants routiers alternatifs. Pour ce faire, la première partie traite des bitumes issus de la pétrochimie, de leurs compositions chimiques et de leurs propriétés mécaniques. Une étude exhaustive des matériaux alternatifs aux liants bitumineux est présentée, mettant en avant la nécessité de trouver de nouveaux liants biosourcés pouvant se substituer aux bitumes. Dans ce domaine, la biomasse de troisième génération que constituent les microalgues pourraient présenter un attrait tout particulier. La deuxième partie est donc constituée d’une étude bibliographique approfondie sur cette biomasse, notamment concernant sa composition et ses différentes applications. Cette étude doit permettre d’identifier les différentes fractions d’intérêt, mais aussi d’évaluer les sources de conflits possibles entre les différentes utilisations. Enfin, étant donnée la nécessité, pour l’application visée, d’obtenir un matériau thermosusceptible et hydrophobe, les deux dernières parties sont consacrées à une étude bibliographique de deux voies permettant d’accéder à une huile à partir de microalgues : l’extraction lipidique et la liquéfaction hydrothermale.