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PARTIE I: LES DEFIS URBAINS DES PAYS DU SUD ET DE L’EST DE LA

1. Introduction

Les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) ont connu, et connaîtront probablement, une très forte « révolution » urbaine. Celle-ci se mesure par la croissance de la population voulant habiter en ville, qui devrait se doubler d’ici 2050 pour atteindre 300 millions de personnes (Barthel et Zaki, 2011). Cette situation s’accompagne d’une faible structure administrative capable d’anticiper et de mettre en œuvre des solutions durables. Selon les travaux menés par le Plan bleu1, les PSEM ont d’autres raisons d’être une exception dans le monde en développement. En effet, la majorité des villes des PSEM ont une tradition urbaine qui compte parmi les plus anciennes du monde.

La croissance urbaine dans les PSEM n’est pas liée uniquement à l’accroissement naturel, puisque une décélération démographique est prévue pour cette région (Plan bleu, 2000). D’autres principales causes ont été identifiées, comme l’exode rural, qui est alimenté par l’attraction des bassins d’emploi, stimulent la poussée urbaine dans les PSEM, notamment en Syrie et au Maroc, alors que l’exode rural est en baisse en Tunisie et en Egypte (Barthel & Zaki, 2011). Il faut noter que les exodes causés par les guerres et les conflits, tant avant qu’après la période dite du « printemps arabe », jouent aussi un rôle important à l’expansion urbain, notamment en Syrie, au Liban, et en Tunisie. La plupart des immigrés s’installent dans ou autour des centres urbains.2

Le processus d'étalement urbain est important et préoccupant en Méditerranée et plus particulièrement dans les PSEM (Plan bleu, 2001). Les villes sont généralement étalées par l’urbanisation périphérique qui s’effectue, dans la plupart des cas, de façon anarchique sur des terres agricoles. Le manque de capacités administratives et techniques pour répondre aux besoins immenses en logements et en services urbains traduit l’apparition de quartiers spontanés ou informels (non-réglementés) (Figure1). Le phénomène a pris de l’ampleur à partir des années 70 et s’est généralisé depuis cette date. L’expansion de quartiers spontanés

1 Le Plan Bleu est un centre d’observation, d’analyse et de prospective qui a été mis en place dans le cadre du Plan d’Action pour la Méditerranée et de la convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée (Convention de Barcelone).

2 En Syrie, par exemple, les estimations varient entre 1.5 et 2 million de réfugiés iraquiens qui s’installaient en Syrie après la guerre d’Irak en 2003. Le même pays connaît actuellement une immigration inverse, 150000 réfugiés syriens sont enregistrés au Liban selon les estimations des Nations- Unis (Janvier 2013).

dans les villes des PSEM révèle une défaillance des politiques publiques d’aménagement du territoire dans ces pays (Plan bleu, 2000)

Figure 1 Le processus de la production des quartiers spontanés (non-réglementé). (Auteur, 2012)

Cependant, ces pays connaissent des dynamiques d’urbanisation fortes qui permettent de placer ses villes au cœur des processus de développement. Cela se manifestait à travers l’ouvrage de Yasser Elsheshtawy « the Evolving arab City », édité en 2008, qui reflète l’analyse des agendas des politiques publiques urbaines de huit métropoles arabes toutes saisies dans un contexte partagé de diffusion des mégaprojets. Cette tendance de projets s’inscrit dans un contexte de mondialisation, accélérée entre 2005 et 2008 avant la crise internationale), et avait souvent un caractère prestigieux (Barthel, 2011).

Les ouvrages et travaux de recherche sur les PSEM soulignent une forte dualité urbaine dans la plupart des villes de ces pays. Le centre-ville offre l’essentiel des opportunités économiques avec des quartiers résidentiels bien connectés, alors que les quartiers spontanés sont généralement mal desservis par les différents réseaux urbains (eau potable, assainissement, transports,..) (Barthel & Zaki, 2011). Cette dualité urbaine est également le résultat de certaines politiques d’aménagement urbain. A titre d’exemple, nous citons le cas du Caire, où à partir des années 1990, des quartiers fermés de haut et moyen niveau se multiplient. Ils juxtaposent les villes nouvelles résultant du schéma directeur de 1970 (Florin, 2012). Ces quartiers, connus en Egypte par « les compounds», proposent un environnement urbain et un mode de vie explicitement en rupture avec Le Caire (Barthel & Florin, 2010). En effet, les villes des PSEM se caractérisent, de plus en plus, par un puzzle de quartiers différents par leur habitat, leur architecture, leur composition sociale, leur mode de vie et leur vocation fonctionnelle.

Par ailleurs, le dysfonctionnement des services urbains de base constitue un des signes distinctifs majeurs des villes de ces pays par rapport à celles des pays développés (Verdeil, 2010). Les spécialistes du monde arabe ont indiqué que cette zone géographique est sous- représentée dans la littérature urbaine, par rapport à d’autres pays en développement, en ce qui concerne les réformes de services urbains (Verdeil, 2010) (Diab, 2013).

Dans ces villes, la capacité de résistance et de résilience face aux risques naturels et industriels est un énorme enjeu. La croissance urbaine et la multiplicité des causes possibles de défaillance technique des réseaux de services urbains sont au cœur de l’actualité. Cependant, nous avons observé des décalages par rapport à l’autre rive de la méditerranée, où le concept de la résilience a été largement discuté afin de valoriser la capacité d'un système urbain à absorber les perturbations potentielles (Toubin et al, 2012).

Les impacts des disfonctionnements des services urbains dans les villes PSEM se sont multipliés ces dernières années (inondations urbaines, pollutions du sol, etc. Figure 2). Et les bailleurs de fonds internationaux ont constaté la nécessité d’améliorer la résilience, et surtout la résilience climatique dans les PSEM. Nous citons ici le cas de la Banque Européenne

d’Investissement (BEI). Elle soutient des projets de développement durable innovants, urgents et qui visent à atténuer les impacts du réchauffement climatique dans les PSEM. Ces projets englobent les transports (maritimes, routiers, ferroviaires) et les infrastructures

environnementales (alimentation en eau, gestion des déchets, dépollution de la mer