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PARTIE I: LES DEFIS URBAINS DES PAYS DU SUD ET DE L’EST DE LA

4. Les éco quartiers dans les PSEM

De plus en plus, les chercheurs et les spécialistes de l’urbanisme de la Méditerranée analysent l’apparition des projets urbains affichés comme des « «éco- quartiers » ou « quartiers durables » dans les pays des rives Sud et Est de la méditerranée et plus largement dans le monde arabe en allant de l’Atlantique aux pays du Golfe.

Ces projets annoncent une intégration des enjeux du développement durable et s’inspirent largement des projets urbains de l’Europe (Souami, 2011), alors que les contextes territoriaux, socioculturels et politiques dans lesquelles se situent ces projets sont différents (Barthel, 2011).

Lors de notre recherche sur les projets d’éco-quartiers dans les PSEM, nous avons observé, dans la plupart des cas, une approche d’internationalisation, puisque la participation des acteurs étrangers est très visible dans la conception, la mise en œuvre et même au financement de ces projet. Nous citons par exemple l’atelier Philippemadec7 pour différents projets au Maroc (Bab Drâa, Sindibad et Tinfit), l’urbaniste français Yves Lion pour les études de planification conjointement avec d’autres consultants français spécialistes d’éco ingénierie (Transola, Setec, Sol Paysage), pour le projet de la ville verte de Benguérir à côté de Marrakech et l’implication des experts étrangers dans le montage du projet W30 à Damas8. Ce dernier est le seul éco-quartier identifié en Syrie. Il sera analysé en détail dans le paragraphe 5.6 de la thèse. Ce contexte est le fait que les acteurs locaux maitrisent mal le montage et la mise en œuvre de ce nouveau type de projets urbains qui exigent certains savoir-faire en matière des techniques et des procédés intégrés à la conception. Au-delà de ces exigences, la conception d’éco-quartiers dans les PSEM se trouve face à un certain nombre de difficultés liées au contexte local. Habib Debes9, un des experts de la conception urbaine durable dans cette région, indique que l’absence des réglementations incitatives pour maîtriser les impacts sur l’environnement à l’échelle du quartier10 présente une difficulté, alors que le cahier des charges élaboré pour un projet urbain représente souvent le seul outil susceptible d’imposer certaines mesures qui peuvent venir contraindre les prometteurs (Debs, 2011).

7 Un bureau d’étude d’architecture et d’urbanisme fondé par Philippe MADEC : Architecte et urbaniste. Voir le site : http://www.atelierphilippemadec.com/home.html

8 Le projet d’étude de la zone d’extension de l’ouest de la rue 30 (W30) présente un projet du programme de Modernisation de l’Administration Municipale (MAM). Celui-ci a été établi dans le cadre d’une convention entre le gouvernement syrien et l’Union Européenne.

9 Directeur de l’Agence URBI à Beyrouth.

10 Généralement, les réglementations urbaines sont définies à l’échelle de la métropole ou de sa région.

4.1. Caractéristiques diversifiées pour les projets d’éco-quartiers dans les PSEM Afin de comprendre comment ces premiers projets d’éco-quartiers ont été conçus, nous avons cherché les projets urbains faisant référence à ce terme. Nous avons ainsi relevé les grands projets urbains qui font partie de l’action urbaine durable dans les PSEM. Nous avons établi une carte montrant la localisation des principaux projets, ceux-ci sont classés selon les pays (Figure 4).

Nous avons également observé une diversité de caractéristiques concernant les principes, les processus de la conception, les acteurs impliqués et même les modes de financement de ces projets. Cette diversité est mise en évidence à travers trois études de cas réalisées par Pierre-Arnaud Barthel, dans son article sur les premières expériences de cette génération de projets urbains élaborés dans une période de relative indétermination liées aux incertitudes (Barthel, 2011). Nous avons établi un tableau contenant les points spécifiques de chaque projet saisi, notamment au niveau de la prise de l’initiative, d’approches et d’acteurs, en remarquant que les politiques dites de « développement durable » sont loin d’être stabilisées.

Le bipôle Westtown/Eastown dans le

grand Caire (Egypte)

La ville verte de Benguérir (Maroc) « Quartier durable » à Kélibia (Tunisie) A ct eu

rs Acteurs privés (holdings d’aménagement,

privatisation,…)

Acteur public-privé

(état central et/ou leurs

instances locales)

Société civile locale

C o n te x te

Une privatisation de l’éco urbanisme

Un projet fondé sur un

partenariat public privé Une initiative venant de la société civile locale

 Projet dirigé par l’égyptien

SODIC et Solidere ;11

 Deux sites à 50 km de distance l’un de l’autre, situés de chaque côté de la zone hyper –centrale du Caire

 Fondés sur des principes : haute densité, usage mixte,

compacité, mixité

fonctionnelle, des espaces publics valorisant les piétons.

 Planification bioclimatique :

la minimisation de

l’exposition au soleil, ombrage, contrôle du vent.

 Le recours aux énergies renouvelables utilisées dans les normes internationales comme l’intégration des panneaux solaires.

 Un bâtiment à énergie positive à Westown conçu

par Wilkinson Eyre

(Architect, Royaume-Uni)

 Gestion des eaux usées : des

systèmes complexes

d’irrigation développés

 Projet pilote « laboratoire du développement urbain durable », situé à 72 Km de Marrakech.

 Localisation du site autour de l’office chérifien des phosphates (OCP)12, leader mondial de la production de phosphates.

 Acteurs impliqués : La fondation Rehamna pour le développement durable et la caisse de dépôt et de gestion. 13

 Certification «LEED- ND».

 Une continuité avec la ville existante de Ben guérir par un corridor vert

 Programmation intégrée

avec une nouvelle

université et des

programmes résidentiels (23000 logements)

 Un quartier existant se situe à l’est de Tunis, et qui est l’initiative de l’Association pour l’environnement de Kélibia (AEK).

 financement assuré par le

Fonds pour

l’Environnement Mondial (FEM).

 4 actions principales ont été retenues dans le dossier de financement par le FEM: généralisation des lampes à

basse consommation

données gratuitement aux familles. augmenter le nombre de ménages optant pour l’utilisation de chauffe-eau solaire au moyen de subventions et pour la séparation des déchets et le compostage des déchets verts et, finalement, améliorer la biodiversité locale par la plantation de bigaradiers et d’oliviers.

 L’association comme un lieu clé se situe au cœur du quartier

Tableau 1 Analyse des projets urbains durables dans les pays arabes. (Auteur, Barthel, 2011)

11 Solidere : développeur libanais coté en bourse, connu par son grand projet de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth.

12 Il possède 450 ha de terres sur lesquelles le projet devra être construit.

13 La caisse de dépôt et de gestion est affiliée à CDG Développement qui représente la plus puissante holding marocaine privée marocaine, créée en 2004.

4.2. Les projets actuels d’éco-quartiers dans les PSEM: un positionnement spontané pour le développement urbain durable

Les projets urbains durables observés dans les PSEM sont initiés et mobilisés par des acteurs divers dans une période relativement spontanée (Barthel & Zaki, 2011B). Cette période est caractérisée par l’absence du référentiel de la durabilité et de ses applications dans les politiques publiques. De ce fait, les principes et les objectifs de ces projets sont également variés et divers. Mais, dans la plupart des cas, le pilier d’économie est dominant, car les développeurs privés tentent d’innover leurs propres méthodologies pour les projets urbains. Les projets sont perçus souvent comme un luxe pour les PSEM (Barthel & Zaki, 2011B). Nous avons observé ce constat à travers plusieurs projets, élaborés dans un contexte d’urbanisation couteuse basée sur les écotechnologies (panneaux solaires, chauffe-eau solaires, éoliennes). Quelques projets ont un caractère touristique, notamment au Maroc, comme le projet du quartier durable de Sindibad, à Casablanca, qui est un secteur du parc d’attraction. Nous avons trouvé que ces premiers projets urbains restent dans l’indétermination entre « un projet d’investissement » ou « un projet du développement » qui s’inscrit dans le cadre de l’action publique. Cette indétermination entraîne une période de redéfinition des priorités du développent durable dans les PSEM alors que plusieurs pays (Algérie, Tunisie, Syrie, Maroc…) ont lancé, dans la même période, leurs premières opérations durables de l’habitation sociale éco-performante, du renouvellement et du relogement d’habitant de quartiers insalubres et informels (Berra, 2011) (Mansouri, 2011).