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Le 15 septembre 2021, un nouveau partenariat de sécurité – Aukus – a été annoncé par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie. Bien que la raison de cette initiative soit un intérêt commun à limiter le rôle de la Chine dans l’Indo-Pacifique, les réactions ont été

particulièrement fortes en France (Lasserre, 2021, 16 septembre, 09h15). La raison en est que l’Australie aura désormais accès à la technologie américaine des sous-marins à propulsion nucléaire et a donc décidé de rompre un contrat avec le constructeur français de sous-marins Naval Group. L’accord portait sur 12 sous-marins conventionnels et avait une valeur initiale de jusqu’à 32 milliards d’euros. (Thiérot, 2021, 17 septembre) Au moment de sa conclusion, en 2016, il avait été annoncé comme le « contrat du siècle » (Alonso, 2021, 16 septembre) par le président François Hollande. Au-delà des pertes commerciales, il y a aussi des

conséquences diplomatiques. Les tensions avec la Chine avaient poussé le président actuel Emmanuel Macron à déclarer que la France devait devenir une « puissance indo-pacifique » (Thiérot, 2021, 17 septembre) afin de défendre ses territoires de Nouvelle-Calédonie et Polynésie. Jusqu’ici, une coopération militaire étroite avec l’Australie avait été un pilier principal de cette stratégie. (Thiérot, 2021, 17 septembre)

Alors qu’au cours des premiers jours, les médias font état du contrat perdu et du nouveau partenariat de sécurité en tant que tel, l’attention se tourne désormais vers la politique et les réactions du Macron sur la situation (Sapin, 2021, 22 octobre). A gauche comme à droite, la presse fait diffusion des mots comme « crise des sous-marins » (Autran, 2021, 22 septembre), alternativement « naufrage » (Lasserre, 2021, 16 septembre, 19h25) et « affaire » (Quatremer, 2021, 23 septembre) ou même « un coup dans le dos » (Lasserre, 2021, 16 septembre, 09h15) et « trahison du siècle » (Lasserre, 2021, 21 septembre). Quels que soient les termes utilisés, dans la perspective des élections présidentielles d’avril 2022, pour Macron le timing est malheureux.

Macron est un objet intéressant mais pour cette analyse ce n’est pas à cause de sa propre rhétorique, aussi fascinante soit-elle, puisque son mouvement semble être « une dynamique avant d’être thématique » (Mayaffre, 2021, p 58). Notre intérêt émane de la présentation de sa

Ce sont les discours sur la « crise des sous-marins » que nous voulons pénétrer, représentés ici à travers des journaux. Sur quels thématiques se focalisent-ils ? On pourrait y avoir des discours qui sont soit similaires, soit divergents les uns des autres. Notre hypothèse est que les médias de droite seront surtout mécontents de ce que le nouveau partenariat signifie pour le rôle de la France et de ses alliances dans le monde. Les médias du centre-gauche, en revanche, pourraient attirer l’attention sur les opportunités d’emploi perdues en France ou bien adopter une approche pacifiste et surtout critiquer qu’Aukus risque d’aggraver les conflits

internationaux.

Ce qui est un discours de droite versus celui de gauche est un autre sujet à part entière, mais il existe des preuves scientifiques que certains mots ont tendance à être surreprésentés d’un côté ou de l’autre. (Guaresi et Mayaffre, 2021, p. 141-162) Puisque nous n’entendons qu’analyser les discours tels qu’ils évoluent dans une courte période de temps, nous n’avons pas besoin d’évaluer comment les concepts peuvent évoluer à travers les couches de temps. Nous n’avons pas non plus à considérer la complexité qui se produit lorsque des discours sont comparés entre différentes langues et cultures (Kurunmäki et Marjanen, 2018, p. 180, 191-192) puisque nos deux sources proviennent de la France métropolitaine.

Les discours sont souvent analysés qualitativement. Cependant, avec le développement de la capacité de traitement statistique, les logiciels jouent un rôle de plus en plus important comme support, notamment pour les corpus très grands. Outre le traitement des données en soi, un avantage supplémentaire avec des analyses à base de logiciels est que des possibles préférences subjectives des chercheurs quant aux thèmes qu’ils souhaitent trouver dans un discours peuvent être contrastées avec des données du même corpus générées statistiquement et automatiquement.

1.1. Objectifs de l’étude

L’objectif méthodologique de cette étude est de créer des corpus d’articles du Figaro et de Libération, liés au contrat perdu des sous-marins et ensuite de lui appliquer des analyses statistiques quantitatives par logiciel afin de voir si ainsi nous y pouvons identifier des différences dans le choix des thématiques dans les deux discours.

L’objectif empirique de notre analyse contrastive des discours est de parvenir à une interprétation fondée des possibles différences entre Le Figaro et Libération pour mieux

comprendre ce que celles-ci pourraient nous dire sur les discours politiques à droite et au centre-gauche de la politique française et comment les deux journaux sélectionnés les lient au rôle de Macron.

1.2. Méthode

Au sein de la linguistique, l’analyse du discours est une branche sous la pragmatique (Maingueneau, 2009, p. 129), ce qui indique que la principale préoccupation n’est pas la langue en tant que telle, mais plutôt comment la langue est utilisée pour la communication dans un contexte précis. Puisque notre objectif est de faire une analyse des discours à contenu politique, et non une analyse politique du discours, au début du cadre théorique plus avant, nous positionnerons notre point de départ par rapport à l’analyse critique du discours. Ensuite, nous présenterons quelques théories pertinentes sur l’analyse statistique de corpus.

Pour notre étude quantitative nous appliquerons des étapes d’analyse similaires à celles utilisées par Moreno et al (2017) dans leur article « Le traitement de la crise économique par les agences de presse : une comparaison France/Espagne ». En nous inspirant d’eux, nous avons choisi le logiciel Iramuteq d’analyse textométrique car il s’est avéré utile pour aider les chercheurs à identifier, entre autres, les thématiques dans un corpus ainsi qu’à contraster et comparer ses différentes parties. (Moreno et al, 2017, p. 54) Il existe, bien sûr, plusieurs autres logiciels disponibles pour les études linguistiques en français avec des caractéristiques différentes, par exemple Hyperbase, Lexico ou Le Trameur (Poudat et Landragin, 2017, p 32), la plupart d’entre eux disponibles pour téléchargement gratuit. Cependant, notre objectif se limite à utiliser un logiciel, pas du tout à opposer différents logiciels, les uns aux autres.

Inspirés par Moreno et al, nous analysons d’abord les données statistiques des corpus, ensuite les niveaux macrostructuraux et microstructuraux et enfin la dynamique diachronique.

(Moreno et al, 2017, p. 54-60) Selon le même modèle, nous présenterons ces termes et les fonctions que nous utilisons directement dans le chapitre de l’analyse puisque les descriptions sont assez techniques et donc difficiles à comprendre sans exemples concrets.

Cependant, avant d’arriver à l’analyse, dans un chapitre séparé nous devons commenter la

1.3. Limites de l’étude

Le matériau de l’étude sont des corpus d’articles publiés dans Libération et Le Figaro du 15 septembre au 24 novembre, tous téléchargés depuis Pressreader.com. Alors que notre premier mot clé – sous-marins – est facilement défendable comme sujet du travail, le second –

Macron – a été choisi pour générer un discours avec un angle politique puisque nous trouvons intéressant le lien avec la prochaine campagne présidentielle. Des combinaisons alternatives de mots clés auraient, bien sûr, pu être sous-marin et politique ou bien sous-marin et France / français. Ici, nous avons dû prendre une décision et nous avons pensé que notre sélection permettrait d’éviter les articles qui se concentrent uniquement sur la politique australienne ou d’autres pays.

D’après nos premières constatations, des articles du Figaro et Libération contenant tous les deux mots-clés – sous-marins ainsi que Macron – n’apparaissent à PressReader qu’à partir du 17 octobre, mais après cette date il y en a plusieurs. Tel que nous l’interprétons, cela indique que pendant les premières heures de la « crise », l’accent des journaux était mis sur

l’information en elle-même, mais après la discussion est entrée dans le débat politique où des demandes d’actions et de décisions sont attendues. (Fairclough et Fairclough, 2012, p. 1) Nous avons limité le nombre de journaux à deux afin de restreindre le temps consacré à la constitution du corpus. Le Figaro a été sélectionné car il se présente comme un journal de la droite gaulliste, libérale et conservatrice tandis que Libération est considérée du centre-gauche. Aux archives d’articles de ces deux journaux, nous avons un accès gratuit via PressReader.com, ce qui n’est pas le cas avec, par exemple, Le Monde.

Nous devons souligner que nous n’avons utilisé que des articles de PressReader.com. En effectuant des recherches sur Internet, sous le titre de Vox Monde au Figaro nous avons découvert un certain nombre d’autres articles qui peuvent être liés à notre sujet. Ces articles sont réservés aux abonnés et, par conséquent, ils n’ont pas été inclus dans notre corpus de ce journal.

Dès le début, nous avons dû nous préparer au fait que le sous-corpus d’un des deux journaux pourrait être plus grand que celui de l’autre, ce qui influencerait nos résultats. Une telle situation est malheureuse mais elle est une conséquence de l’objectif méthodologique

expérimental de ce travail. Après tout, nous admettons que c’est la première fois que nous nous donnons le but de créer un corpus et y appliquer une analyse quantitative.

L’inclusion d’autres journaux ou d’autres médias – en particulier ceux qui sont considérés comme moins courants – pourrait évidemment élargir la perspective des discours existants.

Notre choix de ne pas les analyser implique évidemment des limites à l’étude. Cependant, saisir toute la diversité des discours liés au contrat perdu des sous-marins dépasse largement la portée prévue pour ce travail et nous jugeons que les deux journaux sélectionnés suffiront aux objectifs que nous nous sommes fixés.

1.4. Réflexions sur notre méthode

Une méthode quantitative a beaucoup de faiblesses intrinsèques qu’il faut considérer dès la création du corpus, en passant par l’analyse et jusqu’aux conclusions. De plus, le fait que nous étudions des discours politiques impose des exigences supplémentaires au chercheur qui souhaite en faire une interprétation. Beaucoup de ces défis sont identifiés et seront présentés dans notre cadre théorique. Avec des données concrètes de nos propres corpus, nous voulons cependant mettre en évidence d’autres détails.

Bien qu’Iramuteq soit un logiciel bien adapté à la langue française, il présente des limites.

Pour notre analyse, les dites « formes actives lemmatisées » sont cruciales, tandis que les

« formes supplémentaires » sont exclues. Cela pose des complications aux formes qui

appartiennent aux deux catégories, par exemple pouvoir et devoir, qui peuvent être les formes infinitives des verbes mais aussi des noms. Dans Iramuteq, ils sont classés comme formes supplémentaires, ce qui peut provoquer des erreurs, pas seulement lorsque précisément « des discours de pouvoir » sont étudiés. En prenant notre corpus du Figaro comme exemple, pouvoir compte 57 occurrences. En se référant aux exemples de texte dans Iramuteq (la fonction « concordancier »), nous pouvons déterminer que la classification comme supplémentaire est généralement correcte (annexe 1), selon laquelle seulement 2 des 19 exemples sont des formes actives.

Le nom de ville Paris est également intéressant, car Iramuteq ne considère pas les majuscules et le traite donc comme le pluriel de pari. Toujours avec des exemples du Figaro, nous

d’Iramuteq, nous pouvons déterminer que Paris renvoie tantôt à un lieu géographique, tantôt à la capitale en tant qu’acteur politique impersonnel (voir l’annexe 2).

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