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CONTRÔLE AU COURS DU TEMPS

5.1. INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

La cérébrolésion représente un coût important dans le domaine des soins de santé et s’avère de ce fait, être un réel problème de Santé publique. En effet, l’espérance de vie augmente, selon Statbel, en 2018, elle est estimée à 81.5 ans, et en parallèle les soins prodigués aussi, entrainant une hausse effective des coûts pour les systèmes de soins de santé (7,8).

Les TC et les AVC présentent un tableau clinique avec un pronostique critique au niveau neurologique. Les victimes passent pour la plupart par diverses étapes : l’hôpital (urgences, soins intensifs et séjour à l’hôpital), la revalidation ainsi que par les rendez-vous médicaux de contrôle. D’après l’étude de Raj et al. réalisée en Finlande (mais comparable avec une étude réalisée au Canada et en Angleterre (45)), entre 20 et 25% de ces patients ont une prise en charge aux soins intensifs, ce qui augmente notamment les coûts en matière de soins de santé. Les auteurs recensent également que les coûts peuvent être scindés en trois parties : les coûts à l’hôpital qui s’élèvent à 45%, ceux de la revalidation à 39% et enfin ceux de la sécurité sociale qui représentent 16% (45). Malgré ces frais, la revalidation apparait essentielle puisqu’elle permet la diminution des incapacités et l’accès à un plus haut degré d’indépendance physique, psychologique, social et financier (14). Une rééducation précoce est de surcroît recommandée car l’efficacité d’une thérapie quotidienne et rapide démontre d’excellents résultats au niveau de la récupération de mouvements fonctionnels chez les patients cérébrolésés (22).

Comme précédemment précisé, l’objectif principal de cette étude est donc de comparer l’efficacité d’une attelle expérimentale passive à celle d’une attelle placebo chez des patients cérébrolésés atteints de spasticité au niveau des membres supérieurs. Cette comparaison est réalisée au départ de la mesure de divers paramètres tels que la douleur, la spasticité au niveau du poignet et des doigts, ainsi que l’ouverture de la main. Cet essai contrôlé randomisé en simple aveugle comprenait 13 patients dont 17 membres spastiques, tous pris en charge dans le Centre Neurologique William Lennox d’Ottignies, à Louvain-la-Neuve. Ces patients atteints d’une

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cérébrolésion liée à un TC ou un AVC pouvaient être en état de conscience physiologique, ou pour certains, présenter des altérations de la conscience.

Par randomisation, 10 attelles expérimentales (56.3%) et 7 attelles contrôles (43.7%) ont été testées. Le nombre de cas inclus dans cette étude est similaire à celui de l’étude de Leung et al.

qui a recruté des patients sur deux années pour en avoir 10 au total dont 13 membres à analyser (46). Elle est également comparable à celle étudiée par Thibaut et al. qui s’est portée sur 17 patients également atteints de spasticité au membre supérieur et présentant des troubles de la conscience (3).

La moitié des sujets se trouvait en état de conscience physiologique et l’autre moitié en état de conscience altérée. Ces caractéristiques cliniques et sociodémographique n’étaient pas statistiquement significatives, les deux populations sont dites homogènes (tableau 1). A T0, l’ensemble d’analyses statistiques réalisées entre les deux groupes ne montrait aucune différence concernant les paramètres étudiés tels que la spasticité au niveau du poignet et des doigts, l’ouverture de la main et la douleur. L’attelle était l’unique différence entre le groupe expérimental et le groupe contrôle.

La spasticité est une séquelle qui s’accompagne de douleurs, de contractures musculaires et de rétractions tendineuses (3). La spasticité est évaluée dans le cadre de cette étude en complément des autres symptômes au travers de la mesure de la douleur et de l’ouverture de la main. La présence de ces symptômes pose des difficultés lors de la réalisation des AVJ comme l’hygiène, l’habillage, mais également lors d’interactions sociales (47).

La spasticité après un AVC demeure chez 35% de la population étudiée par Schinwelski et al. et perdure jusqu’à un an après les premières mesures (48). D’après l’étude de Malhotra et al., une prise en charge précoce après une cérébrolésion accompagnée d’un travail de prévention des contractures, permet d’avoir de meilleures réponses au niveau musculaire (49). L’étude menée par Thibaut et al. indique que la spasticité diminue lors d’une mobilisation passive ainsi qu’avec le port d’une attelle (3). Les attelles sont ainsi perçues comme premier traitement pour prévenir et lutter contre les contractures. Associées à des mobilisations passives réalisées lors des

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thérapies, nous faisons face à une des premières options de traitement qui vise à lutter contre la spasticité (50).

En ce qui concerne la comparaison de deux dispositifs dont un placebo, la littérature est assez pauvre. Selon Gooberman et al. qui ont pris en compte les avis des ergothérapeutes sur les caractéristiques essentielles que des attelles devraient posséder dans le cas d’une prescription pour un pouce arthrosique, une attelle placebo peut inclure une étude si elle répond à deux critères, celui de l’acceptation et de la crédibilité (51). Ensuite, il existe une autre étude, celle de Callinan et al., qui est intéressante car les attelles prescrites lors de cette pathologie ont un but similaire à celui des attelles anti-spastiques. En effet, elles luttent contre la douleur, protègent les articulations, réduisent les raideurs et préviennent les éventuelles déformations. La compliance du patient est évidemment un facteur favorisant dans le cadre du port d’une attelle. Différents points peuvent néanmoins s’opposer à cette compliance : la douleur, le manque de confort, la non-tolérance du produit, l’entourage du malade, les non-connaissances des bénéfices de l’attelle mais aussi la relation entre le thérapeute et le patient. Au terme de cette étude, il s’avérait que les attelles étaient efficaces dans l’atténuation de la douleur mais qu’il était plus commode de porter l’attelle souple par rapport à l’attelle rigide (52).

Au cours de notre étude, l’analyse univariée s’est orientée vers les différents paramètres – en trois temps distincts : à baseline (T0), à 3 semaines (T1) et à 12 semaines (T2) – afin d’analyser la question de recherche préalablement définie.

Premièrement, l’observation de la spasticité. Cette variable a été évaluée pour le poignet et les doigts. La spasticité, mesurée avec l’Échelle Modifiée d’Ashworth, et le port de l’attelle expérimentale passive dans le groupe expérimental, une évolution positive a été observée. En effet, les scores obtenus pour le poignet à T0 passaient de 3.00 (P25 – P75 : 2.00 – 4.00) à 1.50 (P25 – P75 : 1.00 – 3.00) au T2 et pour les doigts de 3.00 (P25 – P75 : 3.00 – 4.00) (T0) à 1.00 (P25 – P75 : 0.75 – 2.00) (T2). L’attelle placebo du groupe contrôle a permis, par rapport à ce paramètre de spasticité au niveau du poignet et des doigts, une légère diminution entre le début et la fin de l’étude (tableau 3). Par ailleurs, une augmentation du score de la spasticité s’observait à T1 avant

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de diminuer au T2. Dans l’étude de Thibaut et al., les attelles souples diminuent également la spasticité (3).

Deuxièmement, l’étude de l’ouverture de la main mesurée en centimètres. À l’initiale, les mesures étaient à 4.00 (P25 – P75 : 3.00 – 5.00) à T0 pour être à 6.50 (P25 – P75 : 4.50 – 9.50) au T2. Pendant le port de l’attelle, une observation quant au groupe de l’attelle placebo a été remarquée : l’ouverture de la main passait de 2.00 (P25-P75 : 2.00 – 3.00) au T0 à 6.00 (2.50 – 7.50) au T1, mais diminuait aussitôt lorsque l’attelle placebo n’était plus portée, c’est-à-dire à 3.00 (0.50 – 4.50) à T2. Cette amélioration de l’ouverture de la main dans le groupe contrôle entre T0 et T1 pourraient dès lors s’opposer à une idée souvent émise : la stimulation du « grasping reflex » (réflexe archaïque du nourrisson pouvant réapparaître lors de lésions cérébrales) avec le contact de l’attelle augmenterait la spasticité (6). Cette observation permettrait également d’envisager l’idée que l’attribution à la fois d’une attelle expérimentale et d’une attelle placebo, dans le cas d’une spasticité bilatérale, engendrerait une amélioration conjointe (54). Ces mécanismes pourraient ainsi expliquer l’augmentation de l’ouverture de la main entre T0 et T1 suite au port de l’attelle placebo(53).

En ce qui concerne la douleur, l’échantillon a été scindé en deux sous-parties dans le but de distinguer les états de conscience. En effet, les patients en état de conscience physiologique relataient leur douleur sur l’échelle visuelle analogique, en citant un chiffre de 0 à 10, tandis que les personnes en état de conscience altérée se voyaient évaluer leur douleur grâce à des observations avec l’échelle NCS-R. Au cours de cette étude, les patients du groupe expérimental qui portaient l’attelle expérimentale passive obtenaient des scores décroissants tout au long de l’expérimentation. L’EVA inscrivait 4.00 (P25-P75 : 0.00 – 5.00) à T0, 2.00 (P25-P75 : 0.00 – 3.00) à T1 et 1.00 (P25-P75 : 0.00 – 2.50) à T2. C’est ce que relatent Callinan & Mathiowetz, qui ont conclu dans leur étude que les attelles souples agissaient contre la douleur. Toutefois, au sujet des patients en état de conscience altérée, les scores perçus par la NCS-R ne cessaient d’augmenter, allant de 0.00 (P25-P75 : 0.00 – 0.00) à T0, en passant à 2.00 (P25-P75 : 2.00 – 2.00) au T1 pour enfin terminer au T2 à 4.00 (P25-P75 : 2.00 – 4.00). D’après Chatelle et al., un score supérieur ou égal à 4 obtenu à cette évaluation lors des soins pourrait être une indication à une douleur potentiellement présente et amorcerait dès lors le démarrage d’un traitement

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analgésique (30). En ce qui concerne l’attelle placebo, au niveau de la EVA, chez les patients en état de conscience physiologique, les scores médians étaient de 0.00 (P25-P75 : 0.00 – 5.00) à T1, puis ils augmentaient à 5.00 (P25-P75 : 2.50 – 6.00) à T1 pour décroître par la suite au T2 à 0.00 (P25-P75 : 0.00 – 3.50). Au niveau de la NCS-R, un seul et unique patient se trouvant dans cette catégorie « attelle placebo et altération de la conscience », les chiffres ne pouvaient être représentatifs ; une analyse statistique n’a pas pu être établie. La douleur chez ce participant a augmenté au T1 (P25-P75 : 2.00 – 2.00), lors du port de l’attelle, avant de reprendre sa valeur initiale.

Cette étude ne permet pas d’attester de l’efficacité de l’attelle expérimentale passive en termes de spasticité au niveau du poignet et des doigts, de douleur et d’ouverture de la main étant donné que les résultats ne sont pas statistiquement significatifs.

5.2. FORCES ET FAIBLESSES DE L’ÉTUDE 5.2.1. LES LIMITES

Des études complémentaires sont nécessaires afin d’évaluer l’efficacité de l’attelle expérimentale pour cette population. En effet, le nombre de membres spastiques évalués est faible (n = 17), apportant ainsi peu de précision aux tests statistiques. Les deux groupes, expérimental et contrôle, étaient homogène à T0, ce qui permet d’assurer leur comparabilité.

Un biais de sélection peut être présent dans cette étude puisque la méthode d’échantillonnage est de « commodité » car les patients repris dans ce projet sont ceux qui étaient présents au Centre Neurologique William Lennox au moment des critères d’inclusion. Un biais d’admission est réel car il dépend de la probabilité d’admission des patients exposés au sujet de l’étude.

5.2.2. LES FORCES

La force de cette étude est son design. En effet, l’essai contrôlé randomisé dispose du plus haut niveau de preuve. L’existence d’un groupe contrôle permet de contrôler les facteurs confondants et ainsi de tester la réelle efficacité de l’attelle. L’homogénéité des deux groupes en ce qui concerne les paramètres cliniques et sociodémographiques, à T0 a permis d’assurer la

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comparabilité des deux groupes. Pour terminer, le caractère « simple aveugle » de cette expérimentation permet de limiter les éventuels biais liés à l’évaluateur. En effet, ce dernier n’a pu influencer la mesure des paramètres puisqu’il ne disposait d’aucune indication concernant les attelles attribuées à chaque patient.

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