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2. Matériels et Méthodes

4.3 Interprétation des résultats

Nos résultats qui indiquent des altérations du mfERG très rapidement après l’administration d’hydroxychloroquine chez certains sujets et indépendamment de la dose journalière ou cumulée sont en concordance avec les publications antérieures qui ont rapporté des altérations du mfERG à 40% des sujets sous hydroxychloroquine pour une période inferieure à 5 ans [49], ou 67% des yeux

avec altérations dans les deux premières années du traitement [7]. Néanmoins, la dissociation entre altération des latences et des amplitudes n’a pas été rapportée auparavant. Bien que la prolongation des latences au kernel 1 a déjà été signalée [7], [9], [50] la plupart des études ne portent que sur l’amplitude du mfERG.

En ce qui concerne les amplitudes chez les sujets étudiés, on constate qu’à l’analyse par anneau seulement un patient sur 28 (4%) a présenté une diminution significative d’amplitude, c'est-à-dire diminution de plus que 2,5 déviations standards, à un anneau (figure 20). A l’analyse plus fine par hexagone, on constate que 2 sujets étudiés présentaient un hexagone et un patient deux hexagones avec une diminution significative (plus que 2,5 déviations standards) de l’amplitude (figure 21). Ainsi au total, à l’analyse par hexagone, 3 patients sur 28 (11%) présentaient une diminution de l’amplitude dans au moins un hexagone.

Les études antérieures montrent en général un pourcentage plus élevé de patients présentant une diminution des amplitudes au mfERG sous hydroxychloroquine. Cette différence peut être expliquée par le fait que les groupes des sujets étudiés sont restreints et présentent des différences constitutionnelles sur une série des paramètres telles que les pathologies de départ traitées par hydroxychloroquine, l’âge des patients, le rapport hommes-femmes, le dosage et la durée du traitement. De plus, certaines études incluent des patients sous chloroquine et hydroxychloroquine, tandis qu’il est connu que la dernière est beaucoup moins toxique pour la rétine que la première.

La plus faible diminution des amplitudes constatée dans notre étude par rapport aux études précédentes pourrait être expliquée par une différence constitutionnelle primordiale de notre groupe des sujets étudiés par rapport aux groupes des patients publiés antérieurement. Les sujets sous traitement d’hydroxychloroquine de notre étude ont été choisis scrupuleusement de façon à étudier exclusivement les sujets dont le reste du bilan ophtalmologique était normal. Ce choix a été effectué ainsi afin d’étudier la nature des anomalies mfERG ainsi que le moment de leur apparition, tandis que les autres examens sont normaux. Les altérations précoces du mfERG pourraient servir d’argument complémentaire pour ajouter le mfERG au bilan de base des patients sous Plaquenil®, même en absence des symptômes, afin d’optimiser la prévention de la rétinotoxicité. Si on prend en considération cette différence importante à la lecture des études antérieures, on constate que le pourcentage plus important de diminution de l’amplitude pourrait être expliqué par le fait que des patients qui présentent déjà des symptômes visuels ou des anomalies au bilan ophtalmologique sont inclus dans ces études.

Kellner et collaborateurs ont par exemple publié en 2006 un groupe de 25 patients avec 14 patients sur 25 (56%) présentant une diminution d’amplitude.

Néanmoins, si on analyse le groupe de sujets étudiés (table 1 page 3532-3533 de l’article) on s’aperçoit que le groupe est constitué de 19 patients sous chloroquine et de seulement 6 patients sous hydroxychloroquine. Parmi ces 6 patients, un patient sous hydroxychloroquine depuis 19 ans présente une diminution des amplitudes (16,7%).

Aucun des 5 sujets restants sous hydroxychloroquine pour une période allant de 1,3 à 9 ans ne présente une diminution de l’amplitude. Pour se servir d’un deuxième exemple, Maturi et collaborateurs ont publié en 2004 un groupe de 19 patients sous hydroxychloroquine dont 11 présentent une diminution de la densité des réponses des amplitudes (63%). Néanmoins, comme on peut constater au tableau 2 page 976, parmi les 11 patients avec diminution de l’amplitude les 10 présentent déjà soit une diminution de l’acuité visuelle, soit un champ visuel altéré, soit les deux. Il n’y a qu’un seul patient (N° 12) qui ne présente pas d’anomalies au reste du bilan ophtalmologique tandis qu’il présente une diminution de l’amplitude (5%). Ainsi, l’analyse précitée nous indique-t-elle que nos résultats sont en concordance avec les études antérieures si on prend en considération les différences constitutionnelles des groups étudiés.

En ce qui concerne les latences, notre étude est la première étude à mettre l’accent sur les latences du mfERG pour l’analyse des réponses des sujets sous hydroxychloroquine. La plupart des études antérieures ne donne pas d’information sur les latences et se contente de présenter les différences des amplitudes (plus importantes que dans notre groupe pour les raisons expliquées ci-dessus) ou alors elle présente très brièvement quelques résultats des latences. Par exemple, à l’étude susmentionnée de Kellner et collaborateurs de 2006, le tableau 2, page 3536, nous apprend que la latence a été augmentée chez les sujets étudiés de 18.6% à 23.3% selon l’anneau étudié, tandis que l’amplitude était diminuée de 26.7% à 57.8% selon l’anneau étudié.

Bien entendu, sur 25 patients, 6 étaient sous hydroxychloroquine et 19 sous chloroquine. L’article ne mentionne pas si les patients avec les altérations des

latences présentaient tous également des altérations des amplitudes ou bien s’ils étaient sous chloroquine ou hydroxychloroquine. De plus, deux systèmes différents de mfERG ont été utilisés. En effet, certains sujets ont été étudiés par le système VERIS EDI, San Mateo, California et d’autres par le système RetiScan Roland Consult, Brandenburg, Germany. Ces deux systèmes présentent des différences quant à la mesure de l’amplitude et de la latence qui ne permettent pas la comparaison entre les deux sous-groupes.

Dans la publication de Maturi et collaborateurs de 2004, 3 patients sur 19 (16%) présentent une prolongation des latences. Tous les trois présentent également une diminution des amplitudes ainsi qu’une diminution de l’acuité visuelle et du champ visuel pour un des 3 patients. Deux patients (N°13 et N°18) recevaient une dose journalière supérieure à 6.5mgr/Kgr/j. La durée du traitement était de 7.5 et 17 ans respectivement. Le troisième patient (N° 15) recevait 3.8 mgr/kgr/j pour une période de 10.5 ans et présentait des latences ainsi que des amplitudes du mfERG altérées ; le reste du bilan ophtalmologique étant normal.

Parmi les 8 patients restants qui présentent une diminution des amplitudes sans prolongation des latences, 7 présentent déjà des altérations au niveau du fond d’œil et/ou de l’acuité visuelle et/ou du champ visuel (tableau 1 et 2 page 975 et 976). Seul le patient N° 12 présente une diminution fovéolaire unilatérale des amplitudes au mfERG sans prolongation des latences et avec le reste du bilan normal. On constate que la composition de ce groupe diffère du groupe de sujets traités de notre étude et que la comparaison risque d’être biaisée par plusieurs paramètres. Le nombre limité de sujets étudiés ne permet pas de conclusions définitives. L’hypothèse de plusieurs mécanismes parallèles ou successifs avec lesquels le médicament agit sur la rétine ne peut pas être

écartée. Le fait qu’on trouve parfois l’amplitude plus altérée que la latence et dans notre étude la latence plus altérée que l’amplitude et souvent les deux paramètres altérées pourrait également être expliqué par une atteinte rétinienne qui s’exprime par étapes et/ou de façon différente à chaque individu. Nos résultats varient donc probablement selon le « timing» des analyses, la composition du groupe étudié ou bien selon la susceptibilité individuelle variable des sujets traités.

Par ailleurs, Hood et collaborateurs, en étudiant en 1998 des patients avec rétinite pigmentaire, ont constaté la présence des différents types d’atteinte du mfERG [74]. Ils ont notamment trouvé que certains patients avec perte de sensitivité au champ visuel présentaient au mfERG une diminution importante des amplitudes accompagné par une prolongation modérée des latences, tandis que d’autres patients, également avec pertes au niveau du champ visuel, présentaient inversement au mfERG une prolongation importante des latences associées à une diminution modérée des amplitudes. L’hypothèse des différents mécanismes de dysfonctionnement rétinien associés aux différents types d’atteinte du mfERG a été soutenue. De plus, dans cette étude, la latence a présenté une meilleure association avec la perte de sensitivité au champ visuel que l’amplitude. La prolongation de latence a été reconnue comme un indicateur précoce de dysfonctionnement rétinien local.

Il faudrait également mentionner la difficulté technique impliquée à l’évaluation des latences qui pourrait être une des raisons de la différence constatée. En effet, le programme VERIS™ a la possibilité de placer des marqueurs sur le tracé enregistré pour chaque hexagone et calculer par la suite les latences par

superposition des tracés et calcul de leur différence de phase. Notre informaticien (CM) a dû très souvent reposer les marqueurs manuellement sur les tracés, afin de corriger les erreurs induites de l’adaptation automatique des marqueurs par le programme.

Une autre explication pourrait être qu’il y a en effet une petite « fenêtre » dans le temps, au long des altérations rétiniennes associées au traitement d’hydroxychloroquine, que la prolongation des latences survenue soit plus importante que la diminution des amplitudes. Le petit nombre des sujets inclus dans les groupes des patients rapportés ainsi que la grande diversité des pathologies de départ pourraient également être une raison expliquant pourquoi cette dissociation n’a pas été signalée auparavant. La durée du traitement au moment de l’examen, la composition du groupe du point de vue rapport hommes/femmes, ou de l’âge moyen, pourraient être considérés comme d’autres facteurs de diversité des résultats.

Enfin, il a déjà été publié que des facteurs génétiques peuvent être la cause d’une prédisposition de départ différente pour chaque individu face aux effets rétiniens nocifs du médicament et expliquer ainsi pourquoi les résultats du mfERG chez des sujets avec les mêmes paramètres du traitement peuvent être différents [75].

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