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5 Chapitre : Discussion

5.2 Interprétation des résultats

5.2.1 Mesure de l’usage des médicaments à 30 et à 365 jours après la sortie de l’hôpital

Nos résultats suggèrent une faible diminution (4,5 %) de l’usage approprié des médicaments recommandés à la suite d’un premier IAM entre 30 et 365 jours après la sortie de l’hôpital chez les personnes âgées. Cependant, autant à 30 et 365 jours suivant la sortie de l’hôpital, l’usage inapproprié des médicaments recommandés augmente avec l’âge, le nombre des comorbidités, et lorsque le patient n’a pas eu d’intervention coronarienne au cours de l’hospitalisation. En Allemagne, Al-khadra et

al. ont obtenu des résultats similaires. Dans leur étude réalisée chez les personnes

âgées de 65 ans ou plus, 74 % des patients étaient exposés à un usage approprié des médicaments recommandés dans les 30 jours suivant la sortie de l’hôpital à la suite d’un IAM (combinaison d’antiagrégant plaquettaire, de bétabloquant, de statine et

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d’IECA/ARA) contre 37,8 % à 365 jours (78), ce qui correspond à une diminution absolue de 36,2 %. Ho et al. ont aussi obtenu des résultats similaires dans leur étude réalisée aux États Unis. À 30 jours après la sortie de l’hôpital, 66,3 % des patients de leur cohorte étaient exposés à un usage approprié des médicaments recommandés (combinaison d’aspirine, de bétabloquant et de statine) et à 365 jours après la sortie de l’hôpital, cette proportion diminuait à environ 50 % (64). La diminution beaucoup plus importante observée chez les auteurs cités précédemment comparativement à ce que nous avons observé dans notre étude peut être attribuée à des différences méthodologiques. En effet, la méthode de mesure de l’usage des médicaments recommandés à la suite d’un IAM et le nombre de médicaments recommandés diffèrent. Dans les deux études citées, les informations sur la médication prescrite à la sortie de l’hôpital ont été recueillies à partir des prescriptions des médecins tandis que les informations sur la persistance au traitement ont été obtenues grâce à des entrevues téléphoniques ou en face-à-face avec les patients. Comme Al-khadra et al., nous pensons que la diminution de l’usage des médicaments recommandés au fil du temps serait attribuable à l’ajustement spécifique de la pharmacothérapie en fonction de la situation particulière de chaque patient. Par exemple, il peut être approprié de cesser des traitements préventifs chez les patients en fin de vie ou de réduire la polypharmacie due à l’émergence de comorbidités, surtout chez les personnes âgées (78). En plus du comportement des professionnels de la santé face à l’état de santé des patients, la diminution de l’usage des médicaments recommandés pourrait aussi être associée à un problème d’adhésion des patients (64). Les personnes âgées utilisent beaucoup de médicaments (médicaments prescrits et en vente libre) (48). L’émergence des effets indésirables liés à l’usage de plusieurs médicaments ainsi que le grand nombre de médicaments utilisé pourraient également expliquer cette diminution de l’usage (64). Selon Al-khadra et al., l’âge avancé et un grand nombre de visites chez le médecin seraient associés à la non persistance au traitement (78). Notons que le fait de recueillir les informations sur l’usage des médicaments auprès des patients par des entrevues pourrait entrainer un biais de rappel, ce qui pourrait potentiellement expliquer la plus grande diminution observée dans l’usage approprié des médicaments dans ces études.

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5.2.2 Évaluation de l’association entre l’usage des médicaments recommandés et l’indice de défavorisation

Nos résultats montrent que l’usage des médicaments recommandés à la suite d’un premier IAM n’est ni associé à la composante sociale ni à la composante matérielle de l’indice de défavorisation. Le SSÉ, mesuré à l’aide de l’indice de défavorisation n’influence pas l’usage des médicaments recommandés à la suite d’un premier IAM chez les personnes âgées au Québec.

Au Québec, le système d’assurance médicaments est mixte, à la fois privé et public et la majorité des personnes âgées de 65 ans ou plus sont couvertes par le régime public (environ 90 % en 2011-2012 dans le SISMACQ, c’est-à-dire pour les personnes potentiellement atteintes de maladies chroniques (59)). Le régime public offre une accessibilité économique facilitée moyennant une contribution financière du bénéficiaire. La contribution est fonction du revenu familial net du bénéficiaire et est réduite pour les personnes démunies (75). L’un des objectifs de la mise en place du régime d’assurance médicaments au Québec est de permettre un accès raisonnable et équitable aux médicaments exigés par l’état de santé des personnes (79).

Les résultats des autres auteurs, notamment de Kirchmayer et al. et Ohlsson et al., suggèrent aussi qu’il n’y a pas d’association entre le SSÉ et le risque d’usage inapproprié des médicaments à la suite d’un IAM. L’étude de Kirchmayer et al. est une étude de cohorte rétrospective réalisée en Italie, à Rome plus précisément, chez 3 920 patients ayant subi un IAM (diagnostic primaire ou secondaire) entre le 1er

janvier 2006 et le 30 juin 2007. Les auteurs ont considéré la première admission pour IAM lorsque le patient présentait plusieurs admissions. L’indice de défavorisation que ces auteurs ont utilisé est un peu différent du nôtre et a été défini à partir des indicateurs suivants : éducation, emploi, nombre de personnes composant un ménage, nationalité et logement (propriétaire ou locataire). Après ajustement pour l’âge, le sexe, la procédure de revascularisation et les comorbidités, les résultats de cette étude ont montré que les personnes qui ont un SSÉ faible ne sont pas plus à risque d’être exposées à un usage inapproprié des médicaments recommandés (combinaison de quatre classes de médicaments) comparativement aux personnes ayant un SSÉ élevé RC = 1,04; IC à 95 % : 0,85–1,30). Ohlsson et al., ont pour leur part, réalisé une

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étude de cohorte rétrospective chez 1 061 résidents de la province de Skåne en Suède inscrits au registre suédois RIKS-HIA (Register of Information and Knowledge about Swedish Heart Intensive care Admissions). Les patients étaient âgés de 17 à 79 ans et avaient subi un IAM entre le 1er janvier et le 30 septembre 2006. Les auteurs ont

inclus uniquement le premier IAM. Après ajustement pour l’âge, le sexe et l’usage antérieur d’hypolipémiant et d’IECA, ils n’ont pas trouvé d’association entre l’usage des hypolipémiants et le SSÉ (Risque relatif revenu élevé vs revenu faible= 1,15; IC à 95 % :

0,98–1,36) ni entre l’usage des IECA et le SSÉ (Risque relatif revenu élevé vs revenu faible=

1,04; IC à 95 % : 0,86–1,26). Des similitudes ainsi que des différences méthodologiques sont à noter entre notre étude et les deux études citées plus haut. Parmi les similitudes méthodologiques, nous pouvons citer le type d’étude effectuée et les variables qui ont été mesurées. Les deux études étaient des cohortes rétrospectives tout comme la nôtre. De plus, l’usage approprié des médicaments a été mesuré comme nous l’avons fait dans notre étude, c’est-à-dire à partir des données médico-administratives. Concernant les différences méthodologiques, il y a la méthode utilisée pour mesurer l’usage des médicaments recommandés à la suite d’un IAM, l’indicateur du SSÉ utilisé et le nombre de médicaments mesuré. Nous avons mesuré l’usage des médicaments à 30 et à 365 jours après la sortie de l’hôpital et avons considéré le patient comme étant exposé à un usage approprié des médicaments lorsque la durée de l’ordonnance des trois classes de médicaments (antiagrégant plaquettaire, bétabloquant et hypolipémiant) coïncidait avec notre temps de mesure (30ème et 365ème jours). Pour leur part, Kirchmayer et al. ont utilisé le nombre de

réclamation dans l’année (6 réclamations pour chaque classe de médicaments au cours des 365 jours suivant la sortie de l’hôpital) tandis qu’Ohlosson et al. ont utilisé la présence ou non d’une réclamation de deux classes de médicaments (hypolipémiant et IECA) dans les 90 jours suivants la sortie de l’hôpital. Nous avons utilisé un indicateur écologique du SSÉ comme Kirchmayer et al. mais légèrement différent au niveau des indicateurs utilisés. Ohlosson et al., pour leur part, ont utilisé un indicateur individuel du SSÉ, le revenu moyen par individu. Il existe certaines similitudes dans les systèmes d’assurance médicaments du Québec, de l’Italie et de la Suède qui facilitent plus ou moins l’accès aux médicaments (73, 74). En effet, en Italie, les

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médicaments figurant au répertoire des spécialités pharmaceutiques sont gratuits en cas de pathologies invalidantes et chroniques pour les résidents (73). En Suède par contre, le patient paie les frais des médicaments jusqu’à un plafond d’environ 185 $ canadiens par année. Une fois ce plafond atteint, une franchise dégressive est appliquée. Finalement, les médicaments sont gratuits pour les personnes vivant de l’aide sociale (74).

5.2.3 Évaluation de l’association entre l’usage des médicaments recommandés et le sexe

Notre étude a montré que les femmes ont environ 5 % plus de risque d’être exposées à un usage inapproprié des médicaments recommandés uniquement à 30 jours après la sortie de l’hôpital, après ajustement pour les variables potentiellement confondantes (l’âge, le nombre de comorbidités, la zone géographique de résidence, le volume de l’hôpital, l’indice de défavorisation, la spécialité du médecin traitant, le niveau de soins cardiaques disponibles à l’hôpital et l’usage antérieur de médicaments cardiovasculaires). Les résultats des différents auteurs sont discordants en ce qui concerne l’association entre le sexe et le risque d’usage inapproprié des médicaments après un IAM. Jackevicius et al. ainsi qu’Hamood et al., n’ont pas trouvé d’association significative entre le risque d’usage inapproprié des médicaments après un IAM et le sexe (58, 80). Jackevicius et al. ont réalisé une étude de cohorte rétrospective en Ontario chez 4 591 patients âgés de 66 ans ou plus ayant subi un premier IAM entre 1999 et 2001. La réclamation de tous les médicaments (antiplaquettaire excepté l’aspirine, bétabloquant, IECA, hypolipémiant) recommandés à la suite d’un IAM était considérée comme une exposition à un usage approprié. Après ajustement pour les variables potentiellement confondantes (l’âge, le SSÉ, les comorbidités, la spécialité du médecin, les soins cardiaques disponible à l’hôpital, etc.), les femmes n’étaient pas plus à risque d’usage inapproprié des médicaments recommandés dans les 120 jours suivant la sortie de l’hôpital (RC = 0,83; IC à 95 % : 0,66 – 1,05) (80). Hamood et al. pour leur part, ont réalisé une étude de cohorte rétrospective chez 4 655 patients âgés de 50 ans ou plus ayant eu un premier IAM en Israël entre 2005 et 2010. Une PDC supérieure ou égale à 80 % pour

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les quatre classes de médicaments recommandés à la suite d’un IAM a été défini comme une exposition à un usage approprié. Les résultats de cette étude ont montré que les femmes n’étaient pas plus à risque d’usage inapproprié des médicaments recommandés dans l’année suivant l’IAM comparativement aux hommes (RC = 1,10; IC à 95 % : 0,79 – 1,52) (58).

Par contre, Hanratty et al. en Angleterre ainsi que Lauffenburger et al. aux États- Unis, ont montré que les femmes étaient plus à risque d’être exposées à un usage inapproprié des médicaments recommandés à la suite d’un IAM comparativement aux hommes après ajustement pour les variables potentiellement confondantes (l’âge pour Hanratty et al. et l’âge, la race, les comorbidités, le SSÉ, etc. pour Lauffenburger et al.) (23, 24). Ces derniers auteurs ont attribué ces différences observées dans l’usage des médicaments recommandés à la suite d’un IAM au fait que les femmes aient leurs IAM à un âge plus avancé, aient beaucoup plus de contre- indications aux médicaments et présenteraient beaucoup plus de comorbidités que les hommes (23, 24). Dans notre étude, après ajustement pour ces facteurs (âge, comorbidités), il y avait toujours un risque d’exposition à un usage inapproprié chez les femmes à 30 jours après la sortie de l’hôpital. Le risque d’usage inapproprié des médicaments recommandés à la suite d’un IAM chez les femmes pourrait être attribuable soit à un problème de qualité de prescription (les femmes seraient traitées moins agressivement que les hommes par les professionnels de la santé), soit à un problème d’adhésion au traitement chez les femmes en lien avec l’émergence des effets indésirables (78).

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