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4.2 Description de la dynamique interne des bassins

2.1.5 Interprétation des opérations de traçage en hydrologie

Une opération de traçage artificiel permet d’analyser le temps de transit d’un traceur artificiel dans un système karstique entre un point d’injection et un (ou plusieurs) point(s) de restitution. Cela consiste à injecter une quantité connue de traceur et à analyser la courbe de restitution du traceur, au niveau du (ou des) point(s) instrumenté(s).

Propriété physique Définition

Convection Transport de matière lors du déplacement d’un fluide.

Dispersion cinématique L’eau circulant à des vitesses différentes suivant les points de l’aquifère, la matière va se disperser dans la masse d’eau. C’est le nombre de Péclet qui permet de rendre compte de ce phénomène. Diffusion moléculaire L’agitation moléculaire tend à équilibrer les concentrations dans

l’eau en fonction des gradients de concentration (Loi de Fick) Adsorption La matière est retenue sur des éléments solides.

Tableau 2.3 – Phénomènes physiques régissant le transport dissous dans un aquifère

Le transfert de traceur dans un système est régi par plusieurs phénomènes détaillés dans le tableau 2.3. Dans un aquifère karstique, il n’est pas chose aisée d’identifier la contribution relative de chacun de ces phénomènes. Les aquifères karstiques sont fortement hétérogènes : les champs de perméabilité sont très contrastés entre les porosités matricielle, fissurale et de conduite. Cela conduit à de fortes variations dans les modalités de transport : des écoulements lents dans une matrice rocheuse ne sont pas régis par la même physique que des écoulements turbulents confinés ou à surface libre dans le système de drainage principal. La structure de drainage sollicitée par le transport du traceur est assimilée à un système qui est étudié via les fonctions d’entrée et de sortie, communément appelé "système traçage" [Mangin, 1975]. Il représente uniquement les structures par lesquelles le traceur à transité, et n’est pas représentatif de la totalité de l’aquifère.

2.1.5.1 Courbe de restitution

Si une masse de traceur est injectée instantanément à l’entrée du système traçage, toutes les particules de traceur ne vont pas atteindre le point de sortie en même temps. En pratique, les temps de transit sont déterminés à partir de la courbe de restitution du traceur. Si une masse de traceur, notée M , est introduite dans le système à instant t = 0, alors la concentration à la sortie va être une fonction du temps, notée Csortie. Après un temps infini et en raison de la

conservation des masses on obtient :

M = Z t=∞

t=0

Csortie(t).Q(t).dt (2.1)

Avec C(t) la concentration en fonction du temps à la sortie du système [g/m3], M la masse

de traceur injectée [g] et Q(t) le débit à l’exutoire du système étudié [m3/s].

La courbe de restitution permet d’obtenir certaines informations sur le transport du traceur dans le système traçage (tableau 2.4). Le calcul des vitesses se base sur la distance linéaire la plus probable, notée L. Cette longueur intègre de nombreux critères structuraux et énergé- tiques [Collon et al., 2017; Jouves et al., 2017]. Le taux de restitution permet d’identifier de potentielles "pertes" de traceur dans le système. Un taux de restitution bas peut témoigner d’un piégeage de traceur dans une zone d’eau morte ou bien l’existence de multiples chemins de drai- nage. Au contraire, un fort taux de restitution témoigne généralement d’une bonne connexion hydrologique entre le point d’injection et le point de restitution. Cela est assez souvent observé pour des traçages réalisés dans des systèmes hautement karstifiés sur des distances assez courtes (de l’ordre du kilomètre) [Massei et al., 2006b; Labat and Mangin, 2015; Duran et al., 2016].

2.1.5.2 Distribution des temps de séjour

L’évolution dans le temps de la concentration permet de construire la Distribution des Temps de Séjour (DTS). Elle décrit le transit du traceur dans le système traçage et correspond à la densité de probabilité du temps de transit des particules. En d’autres termes, la DTS permet de quantifier la probabilité pour une particule de rester dans le système traçage pendant un temps donné. La DTS correspond à la normalisation à 1 de la courbe de concentration Csortie(t).

En l’absence de zone morte dans le système traçage, la DTS, notée E(t), est définie par :

E(t) = C(t).Q(t) Rt=∞ t=0 C(t).Q(t).dt avec Z t=∞ t=0 E(t).dt = 1 (2.2)

A noter que le changement de variable opéré ici consiste à transformer une concentration exprimée en [g/m3] en une nouvelle variable E exprimée un inverse du temps (figure 2.1).

Paramètres Equations Temps de transit

t1 = t(Csortie> 0)

Volume apparent du système traçage

Vapp= Z t1 t0 Q(t).dt Vitesse de transit v = L/t1 Temps de disparition t2 = t(Csortie= 0) Durée de la restitution tr = t2− t1 Temps modal

tm = t[Csortie = max(Csortie)]

Concentration moyenne Cmoy = Z t2 t1 Csortie(t).dt tr Masse restituée Mr = Z t2 t1 Q(t).Csortie.dt Taux de restitution R = Mrestitue Minjecte ∗ 100

E(t) = C M/Qm = g/m 3 g/(m3/s) = [s −1 ] (2.3)

Avec C la concentration en [g/m3], M la masse de traceur restituée [g] et Q

mle débit moyen

en cours de restitution du traceur [m3/s].

Figure 2.1 – Transformation d’une courbe de restitution expérimentale en DTS [Levenspiel, 2012]

Si le traceur est injecté instantanément, alors la DTS correspond à la réponse impulsionnelle du système traçage (figure 2.2). Le signal d’entrée correspond alors à un signal de Dirac. La réponse impulsionnelle est aussi appelée « fonction de transfert ».

Figure 2.2 – Approche systémique des traçages artificiels [Dörfliger et al., 2010b]

Lorsque le débit est constant tout au long de la restitution du traceur la DTS, notée E(t), peut être définie par :

E(t) = C(t)

Rt=∞

t=0 C(t).dt

(2.4)

La DTS apporte des informations complémentaires sur les modalités de transport dans un système traçage (tableau 2.5).

Paramètre Equation Temps de séjour moyen

tmoyen =

Z y=∞

t=0

t.E(t).dt

Vitesse moyenne de transit

Vmoyenne = L ∗

Z t=∞ t=0

.E(t).dt

Vitesse apparente de transit

Vapparente = L/tmoyen

Tableau 2.5 – Paramètres calculés à partir de la DTS

La vitesse moyenne de transit Vmoyenne prend en compte tous les phénomènes physiques

pouvant impacter le transport du traceur au cours de son parcours dans le système traçage : diffusion, dispersion, turbulence, adsorption-désorption. Par opposition, la vitesse apparente Vapparentene prend en compte que le phénomène d’advection puisqu’elle correspond à la vitesse

de déplacement du nuage de traceur, sans tenir compte de la répartition statistique des particules de traceur.