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4.2 Description de la dynamique interne des bassins

4.2.2 Caractérisation de la dynamique des échanges matrice-conduit

de la matrice dans l’écoulement total à l’exutoire du système par des bilans de masse mensuels et annuels. Cela constitue une première approche pour caractériser la dynamique des échanges entre les structures de drainage rapide (conduits, fractures) et les structures de drainage lent (matrice).

La fonction d’autocorrélation du débit QM C présente un effet mémoire d’environ 1 jour

pour Aliou et Baget (Figure 4.8 - a). Cela témoigne d’une prédominance de la dynamique à court-terme pour les échange entre les réservoirs M et C. La fonction d’inter-corrélation signal pluie-QM C (Figure 4.8 - b) présente une forte anti-corrélation (proche de - 0.5) pour un délai

inférieur à 1 jour. Lors d’un événement de pluies, le niveau dans le réservoir C augmente plus rapidement que dans le réservoir M. Le flux QM Cdevient négatif (le flux se dirige du réservoir C

vers le réservoir M). Après environ 1 jour, les niveaux dans les réservoirs M et C s’équilibrent. Le réservoir C se vidange alors plus rapidement et le niveau d’eau devient plus haut dans le réservoir M. Le flux QM C change de sens : le réservoir M alimente le réservoir C. Ainsi, le

réservoir M contribue au débit à l’exutoire durant la décrue. La contribution du réservoir M dépend de l’intensité des pluies et des niveaux d’eau dans les différents réservoirs du modèle [Sivelle et al., 2019]. Il est à noter que l’interprétation de l’inter-corrélation entre le signal pluie et QM C intègre la dynamique des réservoirs M et C puisque, par construction du modèle

KarstMod, le signal pluie est réparti entre les réservoirs M et C via le réservoir E. Par ailleurs, l’analyse préliminaire des séries de débits au niveau de l’exutoire au pas horaire ont montré des effets mémoire de l’ordre de quelques jours (1 jour pour Aliou et 4 jours pour le Baget - Figure 4.2).

(a) Autocorrélation (b) Inter-corrélation

Figure 4.8 – ((a) Fonction d’autocorrélation de QM C et (b) fonction d’inter-corrélation pluie-

QM C

L’autocorrélation des flux M-C estimée au pas horaire montre que pour le Baget la dyna- mique des échanges M-C est plus rapide que la dynamique globale du système (1 jour pour QM C contre 5 jours pour Qexp) alors que pour Aliou les dynamiques sont équivalentes (environ

1 jour pour QM C et pour Qexp). Il apparait donc que les échanges M-C sont conditionnés, en

majeure partie, par la dynamique du réservoir C. Plus la charge dans C augmente rapidement après une pluie et plus le flux M-C présentera une anti-correlation forte avec le signal pluie à court terme. Aussi, la dynamique du réservoir M conditionnera la corrélation à moyen terme.

Plus la dynamique du réservoir M est lente plus le flux M-C sera corrélé au signal pluie et la décroissance de la fonction d’inter-corrélation sera faible.

Chapitre 5

Synthèse

Dans cette partie, une modélisation de la relation pluie débit sur les systèmes karstiques d’Aliou et du Baget a été réalisée avec un outil de modélisation dédié à l’étude de la dynamique des écoulements en domaine karstique : KarstMod. La calibration du modèle au pas horaire permet de décrire le fonctionnement général du bassin. Le modèle permet de reproduire la dy- namique interne du système et notamment les inversions de flux entre les structures de drainage principal (matérialisé par le réservoir C) et la matrice de la roche encaissante (matérialisé par le réservoir M). Un pic de crue est alors décomposé en trois étapes principales (1) sans apport extérieur d’eau, le conduit draine les réserves en eau de la matrice et assure la majeure partie du débit de base, (2) lorsque un événement de pluie se produit, le niveau d’eau dans le réservoir C augmente plus rapidement que dans le réservoir M, le gradient hydraulique s’inverse et le sur- plus de pression dans le réservoir C provoque une recharge du réservoir M, (3) après un temps de relax, le niveaux d’eau dans le réservoir C diminue plus rapidement que dans le réservoir M, le gradient reprend un sens qui part du réservoir M vers le réservoir C.

Le modèle est ensuite transposé au pas de temps journalier, sur une chronique suffisamment longue pour décrire la variabilité interanuelle et identifier une tendance à long terme. Ici, le mo- dèle est calibré sur 10 ans et validé sur 36 ans. Cela constitue l’une des plus longues chroniques de débits à l’exutoire d’un aquifère karstique. L’étude de l’évolution des niveaux d’eau dans les réservoirs du modèle KarstMod montre une diminution de 10 à 15% des réserves en eau au cours des 40 dernières années.

Toutefois, l’utilisation d’une telle approche de modélisation suppose les hypothèses sui- vantes :

1. le système est stationnaire : le contenu statistique des chroniques pluie-débit reste inva- riant au cours du temps. Le modèle décrit alors cette relation par une relation dont les paramètres sont constants au cours du temps (il n’y a pas de variations temporelles de la dynamique des réservoirs). Or, les chroniques de débits à l’exutoire des systèmes kars- tiques sont souvent caractérisées par une non-stationnarité et les chroniques de pluies peuvent présenter une forte variabilité interannuelle.

2. la calibration du modèle se base sur des critères numériques qui n’intègrent pas la dé- pendance d’échelle. Les critères numériques tels que le N SE, BE, KGE constituent

des critères à fort potentiel de lissage puisqu’ils sont basés sur une erreur moyenne rela- tive calculée sur l’ensemble des données. La calibration sur une longue période, pouvant contenir des processus non-stationnaires, peut alors constituer un biais dans l’interpré- tation des résultats.

Une analyse complémentaire des flux obtenus avec le modèle KarstMod a été réalisée afin de tenir compte des élements précédemment évoqués. Les analyses corrélatoires ont montré une perte d’information du débit simulé au delà de 5 à 10 jours. La composante annuelle est correctement reproduite sur la phase de calibration contrairement à la phase de validation. Les corrélogrammes croisés pluies-débits montrent que le modèle est plus sensible au signal d’en- trée pour les délais inférieurs à 5 jours. Cela montre que la transformation du signal par le modèle est moins importante que celle opérée par le système réel pour les petites échelles. Cela se confirme par l’analyse des spectres de Fourier, sur lesquels on observe un écart prononcé sur les données simulées à hautes fréquences. La variabilité à petite échelle dans les chroniques simulées est moins importante que celle sur les chroniques mesurées. Cela peut provenir d’un effet de lissage du modèle, notamment sur les pics de crue, qui sont souvent sous estimés. En- fin, la décomposition en ondelettes orthogonales permet une décomposition multi-échelle des débits à l’exutoire. Il en ressort que toutes les échelles ne sont pas reproduites correctement. Les échelles les mieux reproduites (pour lesquelles le critère N SE est le plus élevé) sont com- prises entre 32 et 256 fois la période d’échantillonnage, soit les échelles dyadiques 25 et 216.

Cela traduit la mauvaise restitution d’une part des hautes fréquences et d’autre part des com- posantes annuelles. Il s’agit là de la conséquence de l’hypothèse de stationnarité sous-jacente à l’utilisation d’une telle approche pour la modélisation des relations pluie-débit en domaine karstique.

Par ailleurs, l’étude des flux internes au modèle a permis de décomposer les réponses im- pulsionnelles (ou hydrogrammes unitaires) des bassins d’Aliou et du Baget et d’identifier la dynamique des différents compartiments du système (épikarst E, matrice M et conduit C). Les systèmes d’Aliou et du Baget présentent des dynamiques internes très rapides. La répar- tition de la pluie dans les différents réservoirs s’effectue en moins d’un jour, d’où la nécessité d’un monitoring avec une période d’échantillonnage infra-journalière. Par ailleurs, les échanges matrice-conduit présentent aussi une dynamique très rapide avec un pic de corrélation croisée pluie-QM C à environ -0.5 en moins d’un jour et un second pic entre 2 et 5 jours. Cela témoigne

Troisième partie

Étude des processus de transport dissous

en domaine karstique à partir de traçages

Chapitre 1

Introduction

Des opérations de traçage artificiel sont couramment mises en œuvre en hydrologie karstique pour mettre en évidence le déplacement des masses d’eau souterraine. L’interprétation de ces opérations permet d’obtenir des informations sur les processus de transfert de masse entre un point d’entrée (injection de traçeur) et un point de sortie (restitution du traçeur). Mangin [1975] propose alors l’expression "système traçage" pour définir l’ensemble des volumes d’eau solli- cités pour le transport du traceur en souterrain. Cela constitue une sous partie du bassin versant. Aussi, le transfert de masse concerne les éléments solides en suspension (transport particulaire) et les éléments dissous dans l’eau (transport dissous). Dans le cadre de cette thèse, seul le cas spécifique du transport dissous non réactif sera étudié.

L’une des méthodes les plus couramment utilisée pour interpréter les traçages artificiels en domaine karstique se base sur l’équation d’advection-dispersion (frequemment notée ADE : Advection-Dispersion Equation) introduite par Wang et al. [1987]. La paramétrisation des mo- dèles ADE repose sur l’utilisation de nombres adimensionnels tel que le nombre de Péclet. Il correspond au produit de la longueur d’écoulement et de la vitesse moyenne divisé par la diffu- sivité. Cela correspond alors approximativement au nombre de Reynolds mais pour un milieu poreux.

La paramétrisation d’un modèle ADE suppose que la vitesse d’écoulement et la dispersi- vité sont constantes dans le système traçage. Il s’agit d’une condition rarement observée dans les aquifères karstiques qui sont des hydrosystèmes complexes dans lesquels les champs de conductivité hydraulique sont très hétérogènes. Il existe un fort contraste de vitesses entre les écoulements lents dans la matrice rocheuse et les écoulements rapides dans les fractures, les failles et les conduits. La dynamique du transport dissous peut donc être significativement in- fluencée par des variations locales de la vitesse d’écoulement [Ender et al., 2018], par des va- riations temporelles de conditions aux limites [Duran et al., 2016; Ender et al., 2018] ou encore par des discontinuités dans le réseau de drainage [Hauns et al., 2001; Field and Leij, 2012]. Une paramétrisation correcte d’un modèle ADE suppose alors une bonne connaissance de la structuration des écoulements.

est sensé représenter des écoulements en milieux hétérogènes (tels que des massifs karstifiés). Aussi, dans les systèmes où le réseau souterrain n’est pas accessible (investigation spéléolo- gique), il est difficile de fixer correctement la géométrie des écoulements (longueur et section). Cependant, le sens physique des paramètres d’un modèle ADE peut être largement amélioré lorsque le système traçage est divisé en sous-structures (fréquemment appelées REACH) où la vitesse et la dispersivité peuvent être considérées comme constantes [Dewaide et al., 2017; En- der et al., 2018; Lauber et al., 2014]. Dans la plupart des cas, ces interprétations sont contraintes par une connaissance de la structure du réseau de drainage mais cela n’est pas forcément le cas pour tous les systèmes.

Dans les cas d’étude où les écoulements souterrains ne peuvent pas être suffisamment contraints par des données de terrains (observations spéléologiques ou données géophysiques), il peut être préférable de s’affranchir des contraintes de calibration d’un modèle physique et privilégier une approche systémique. Ainsi, le système traçage est décrit à partir de ses fonctions d’entrée et de sortie et ne nécessite pas une description de la structuration des axes de drainage. Dans ce cadre précis, une approche fonction de transfert est développée et permet de répondre à deux objectifs principaux :

1. fournir un outil d’interprétation de traçages artificiels permettant de déconvoluer le trans- port de masse en soluté et partitionner la dynamique des écoulements en s’affranchissant des biais liés au manque d’information sur la structuration interne des massifs kars- tiques ;

2. étudier l’influence des conditions aux limites sur le transport de masse en soluté dans les systèmes karstiques.

Cette partie abordera, dans un premier temps, le développement méthodologique d’une ap- proche fonction de transfert dédiée à l’interprétation de traçages artificiels en domaine karstique. Ensuite, plusieurs applications de cette approche fonction de transfert seront présentées, notam- ment pour l’étude de l’influence des variations des conditions aux limites sur le transport de masse en soluté.

Chapitre 2

Développement méthodologique d’une ap-

proche fonction de transfert

Sommaire

2.1 Etat de l’art de l’interprétation des traçages en hydrologie karstique . . . 93 2.1.1 Définitions et éléments de théorie . . . 93 2.1.2 Les traceurs artificiels . . . 94 2.1.3 Procédure d’injection . . . 96 2.1.4 Sites d’échantillonnage et méthodes d’échantillonnage . . . 96 2.1.5 Interprétation des opérations de traçage en hydrologie . . . 97 2.2 État de l’art des traçages en génie des procédés . . . 101 2.2.1 Définitions et éléments de théorie . . . 101 2.2.2 Fonction de transfert . . . 102 2.2.3 Modèles de réacteurs chimiques et fonction de transfert associée . . . 104 2.3 Interprétation de traçages artificiels en domaine karstique par l’utilisa-

tion d’une fonction de transfert . . . 106 2.3.1 Modèles conceptuels et fonctions de transfert associées . . . 107 2.3.2 Comparaison avec une approche physique . . . 109

2.1

Etat de l’art de l’interprétation des traçages en hydrolo-

gie karstique

Une opération de traçage a pour objectif de mettre en évidence le mouvement de masses d’eaux souterraines en observant l’évolution d’un (ou plusieurs) caractère(s) spécifique(s) de l’eau, appelé traceur(s). Il peut s’agir de propriétés physiques (température, conductivité, etc.) ou chimiques (pH, concentration en éléments dissous, signature isotopique, etc.). Ce caractère spécifique permet alors d’identifier les masses d’eau et de quantifier leurs mouvements entre une source et un (ou plusieurs) point(s) d’observation dans l’aquifère. La source peut être ar- tificielle ou naturelle, selon que l’acquisition du (ou des) caractère(s) spécifique(s) observé(s) nécessite ou non une action humaine. C’est sur ce point que se différencient deux grands types de traçages : les traçages naturels et les traçages artificiels.