• Aucun résultat trouvé

Interface quantique basée sur de l’optique non-linéaire intégrée

4.2 Source hybride de photons uniques annoncés aux longueurs d’onde

4.2.2 Interface quantique basée sur de l’optique non-linéaire intégrée

Afin de convertir les photons Stokes émis par la source atomique vers les lon- gueurs d’onde télécoms, il est possible d’utiliser une interface quantique basée sur un processus non-linéaire de génération de différence de fréquence (DFG, pour "Dif- ference frequency generation") dans un cristal non-linéaire [Sutherland, 1996]. Ce processus permet de convertir les photons à 795 nm en photons de plus basse énergie en les couplant dans le cristal avec un champ de pompe [Fernandez-Gonzalvo et al., 2013,Albrecht et al., 2014]. Afin de rendre cette conversion efficace, la technique du quasi-accord de phase (QAP) [Armstrong et al., 1962] est employée dans un guide d’onde intégré sur un substrat de niobate de lithium, dont la polarisation est inversée périodiquement (PPLN, HC Photonics). Le processus de conversion d’un photon "1" en photon "DFG" via un photon de pompe "p" est alors régi par les lois de conservation de l’énergie et de l’impulsion :



ω1− ωp = ωDFG

k1− kp = kDFG+

Λu,

(4.9) où Λ représente la période d’inversion du cristal et u un vecteur unitaire maté- rialisant la direction de propagation. Le guide, de longueur 3, 8 cm, est de type-0, permettant la génération d’un photon de polarisation verticale à partir de deux photons de polarisation verticale également :

|Vi1⊗ |Vip 7→ |ViDFG. (4.10)

Dans notre cas, nous souhaitons convertir les photons vers la longueur d’onde de 1560 nm de manière à pouvoir les combiner aux photons générés par la source de photons intriqués décrite en section 4.1.2. D’après l’équation de conservation (4.9), la longueur d’onde des photons de pompe doit donc être fixée à 1621 nm. Un schéma de l’interface et de la conversion en longueur d’onde qu’elle permet de réaliser est représenté en Fig.4.4.

Figure4.4 : Représentation schématique de l’interface. Un guide d’onde PPLN de période d’inversion Λ permet de convertir la longueur d’onde des photons à 795 nm issus de l’ensemble atomique vers la longueur d’onde télécom de 1560 nm, via un processus de génération de différence de fréquence. La longueur d’onde du champ de pompe employé est fixée à 1621 nm.

Afin de caractériser cette interface, un laser continu à 795 nm (Toptica DL Pro) est utilisé pour simuler les photons uniques de la mémoire atomique. Il est asservi par spectroscopie d’absorption saturée sur une transition atomique du rubidium de manière à stabiliser sa fréquence. Quant au champ de pompe, il est généré par un

4.2. Source hybride de photons uniques annoncés télécoms laser continu à 1621 nm (Toptica DL 100 pro design), combiné à un amplificateur à fibre dopé erbium, afin d’obtenir un faisceau intense. Sa stabilité en fréquence est très bonne puisqu’il dérive de seulement 1 MHz/5h. Son asservissement en fréquence n’est donc pas crucial à l’échelle de quelques heures. Les deux faisceaux sont ensuite superposés à l’aide d’un miroir dichroïque (DM) et couplés dans le guide d’onde PPLN. La puissance du faisceau à 795 nm est de quelques mW alors que celle du faisceau de pompe est de l’ordre de 100-500 mW. Le dispositif expérimental est représenté en Fig.4.5.

Figure 4.5 : Dispositif expérimental de caractérisation de l’interface. Un laser atténué à 795 nm et un laser de pompe à 1621 nm sont envoyés dans le guide d’onde PPLN. Les photons à 795 nm sont convertis par génération de différence de fréquence en photons à 1560 nm. Le bruit photonique additionnel est fortement réduit par le biais d’un filtre de Bragg de 540 MHz alors que les photons de pompe à 1621 nm sont filtrés au moyen d’un démultiplexeur en longueur d’onde (WDM).

Efficacité du processus de DFG

Le premier paramètre à caractériser est l’efficacité de conversion de l’interface, qui est donnée par [Zaske et al., 2011] :

ηint(Pp) = sin2(L

p

ηnorPp), (4.11)

avec PP la puissance de la pompe, L la longueur du guide d’onde, et ηnor l’efficacité

normalisée par PP et L. Afin de la mesurer, le laser à 795 nm est couplé dans le

guide d’onde avec une efficacité de 75%, et les photons à 1560 nm issus du processus de DFG sont récoltés en sortie du guide d’onde par une fibre avec une efficacité de 75% également. La température du cristal est ensuite ajustée à 70◦C de manière à

maximiser le nombre de photons récoltés à 1560 nm, et ainsi optimiser l’accord de phase du processus de DFG. L’efficacité interne du processus de DFG en fonction de la puissance de pompe est tracée en Fig. 4.6 (en rouge). Nous pouvons voir que les points expérimentaux s’ajustent parfaitement sur la loi de l’équation (4.11). L’efficacité interne atteint l’unité lorsque toute la lumière à 795 nm est convertie, et ce pour une puissance de pompe de l’ordre de 450 mW.

Afin de connaître l’efficacité totale de conversion, il faut tenir compte des dif- férentes pertes induites par le montage. Outre les pertes de couplage aux entrée et sortie du guide d’onde de 75% chacune (traitements anti-reflets), le guide d’onde induit lui-même des pertes de l’ordre de 0,1 dB/cm. Étant donné que le guide fait 3,8 cm de long, et que les photons sont convertis, en moyenne, au milieu du cristal, les pertes dans le guide d’onde sont donc d’environ 0,2 dB. Enfin, un démultiplexeur en longueur d’onde ainsi qu’un filtre de Bragg sont utilisés pour filtrer le bruit de l’interface (voir section suivante), et induisent respectivement 1 dB et 2,4 dB de pertes. Ainsi, lorsque l’efficacité interne de conversion vaut 1, cela correspond à une efficacité totale de conversion de l’ordre de 25%.

Figure 4.6 : Efficacité de conversion interne du processus de DFG et probabilité de bruit dans la gamme de longueurs d’onde 1500-1565 nm, en fonction de la puissance de pompe. Les ajustements de données correspondent à la loi (4.11) pour l’efficacité (courbe rouge), et à une loi quadratique pour la probabilité de bruit (courbe bleue). Les barres d’erreur pour la courbe d’efficacité, ainsi que les barres d’erreur horizontale pour la courbe de bruit, correspondent à une incertitude de mesure de 5% du puissance mètre. Les barres verticales pour la courbe de bruit sont en revanche liées à la distribution poissonienne de la détection de photons.

Bruit Raman et filtrage

Le bruit est également un paramètre à caractériser dans ce type d’expérience de conversion de longueur d’onde. En effet, le but de l’interface est de convertir la longueur d’onde de photons uniques de 795 nm vers 1560 nm. Si l’interface génère elle-même du bruit photonique à 1560 nm, cela signifie que les photons uniques seront "noyés" dans un flux de photons additionnels.

Afin de quantifier le bruit, le laser à 795 nm en amont de l’interface est coupé ; seul le faisceau de pompe à 1621 nm est couplé dans le guide. La lumière résiduelle à 1560 nm provenant notamment de l’émission spontanée amplifiée du laser (ASE), est filtrée à l’aide de filtres optiques passe-bande (PB). La lumière en sortie de l’interface est ensuite fortement atténuée afin de pouvoir l’envoyer vers un monochromateur, connecté à un détecteur de photons uniques indium-gallium-arsenic (APD InGaAs). La Fig. 4.6 (en bleu) présente le taux de bruit photonique dans la gamme de longueurs d’onde situées entre 1500 nm et 1565 nm, en fonction de la puissance de pompe. Nous pouvons observer une augmentation quadratique du bruit, atteignant

4.2. Source hybride de photons uniques annoncés télécoms une valeur de l’ordre de 10−4 photons/ns pour une efficacité de conversion de 100%.

Comme pour les travaux portés en référence [Pelc et al., 2011], ce bruit est induit par la diffusion Raman du champ de pompe à 1621 nm dans les fibres employées avant et après le guide d’onde (2 m de fibre SMF-28), ainsi que dans le guide d’onde lui-même. En effet, on peut observer une forte dépendance de ce bruit avec la température. En plongeant par exemple les fibres optiques dans de l’azote liquide, ce bruit est fortement réduit, ce qui est une signature de la présence d’un effet Raman dans les fibres.

Le spectre de bruit Raman, décalé vers les courtes longueurs d’onde, est tracé en Fig. 4.7, pour 2 m de fibre optique, ainsi que pour le guide d’onde à deux puis- sances de pompes différentes. Nous pouvons remarquer une contribution Raman couvrant plus de 100 nm, dont une partie importante se situe autour de 1560 nm. Ces contributions Raman sont à l’origine du taux de bruit élevé présenté en Fig.4.6, et nécessitent d’être filtrées. Pour cela, trois solutions sont employées :

• Afin de s’affranchir du bruit Raman généré dans la fibre optique située en amont du guide d’onde, des filtres passe-bande (PB) centrés sur (1621 ± 5) nm sont utilisés. Le faisceau de pompe est ensuite couplé dans le guide d’onde en espace libre.

• Le bruit Raman induit par la fibre de récolte en sortie du guide d’onde est mi- nimisé en employant une fibre très courte (< 2 cm), suivie d’un démultiplexeur en longueur d’onde (WDM) permettant de séparer les photons à 1560 nm de ceux à 1621 nm.

• Enfin, de manière à réduire le bruit Raman induit par le guide d’onde, les photons convertis sont filtrés par un filtre de Bragg de 540 MHz, centré sur 1560 nm.

Ceci permet de réduire la probabilité de bruit photonique à environ 10−6photons/ns,

c’est à dire en dessous du bruit des détecteurs employés (2 × 10−6 cps/ns). Figure 4.7 : Spectre de bruit Raman, décalé vers les courtes lon- gueurs d’onde. Les trois spectres sont ceux obtenus avec 2 mètres de fibre optique et avec un guide d’onde de 3,8 cm de long, pour deux puissances de pompes différentes.

4.3

Expérience préliminaire de téléportation

Dans cette section, nous décrivons la réalisation d’une expérience de téléporta- tion utilisant des paires de photons intriqués à 1560 nm émis sur une faible largeur spectrale (25 MHz), ainsi que des photons uniques à 795 nm provenant d’un la- ser atténué. L’interface quantique présentée et caractérisée en section 4.2.2 sert à convertir ces photons à 795 nm vers la longueur d’onde télécom de 1560 nm afin de les pouvoir les faire interférer avec un des photons intriqués. La largeur spectrale des photons considérés est de 25 MHz, ce qui est proche des largeurs spectrales des pho- tons émis par des mémoires quantiques basées sur des ensembles d’atomes froids ou sur des cristaux dopés aux ions terres-rares. Dans un premier temps, nous décrivons la source de qubits utilisée, puis le dispositif expérimental utilisé pour le protocole de téléportation, et enfin les résultats obtenus2

.

Documents relatifs