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Chapitre 3 : Caractérisation électrocinétique tangentielle de fibres creuses

I. Potentiel d’écoulement et courant d’écoulement

I.1. Interface membrane-solution

Lorsqu’une membrane est mise en contact avec un liquide polaire, une double couche électrique se développe à l’interface membrane-solution. Cette double couche électrique joue un rôle important dans les membranes. Elle est à l’origine notamment des phénomènes électrocinétiques.

I.1.1. Origine de la charge de surface

La plupart des matériaux membranaires, organiques ou inorganiques, acquièrent une charge de surface lorsqu’ils sont immergés dans un milieu polaire tel qu’une solution aqueuse. Dans le cas des membranes organiques, l’origine de cette charge de surface est liée au caractère acide (groupements carboxyle, sulfone…) ou basique (groupements amine) des groupements de surface (Figure III- 1), et dans le cas des membranes céramiques (oxydes métalliques), aux propriétés amphotères des fonctions hydroxyle de surface (Figure III- 2). L’adsorption d’espèces chargées (ions, polyélectrolytes, surfactants ioniques) à la surface du matériau membranaire peut également contribuer à la charge superficielle. La charge de surface d’une membrane dépend donc non seulement de la nature chimique du matériau membranaire mais également de son environnement physico-chimique (pH, nature et concentration des espèces chargées en solution) [Les Cahiers du CFM n°4].

Figure III- 1 : Exemples de polymère entrant dans la composition des membranes organiques [Les cahiers du CFM n°4].

Figure III- 2 : Comportement amphotère d’un oxyde métallique : hydratation et formation de la charge électrique en fonction du pH du milieu extérieur [Les cahiers du CFM n°4].

I.1.2. Modèle de la double couche électrique

La création de charges à la surface d’une membrane va influencer la distribution spatiale des ions et des molécules d’eau au voisinage de celle-ci. Les forces électrostatiques exercées par la charge de surface attirent les espèces de charge opposée (contre-ions) et repoussent celles de même charge (co-ions). Le potentiel électrostatique dû à la charge de surface varie progressivement au sein d’une zone appelée double couche électrique (DCE). Bien qu’il existe plusieurs modèles pour décrire la structure de la DCE, le modèle de Gouy-Chapman-Stern-Graham (modèle GCSG) est le plus couramment utilisé. Celui-ci considère

deux zones distinctes : la couche compacte (CC) et la couche diffuse (CD) (Figure III- 3). a) Couche compacte

Par effet électrostatique, des contre-ions s’accumulent près de la surface à l’intérieur d’une fine couche dite couche compacte dont l’épaisseur est voisine de 0,5 nm [Sasidhar et Ruckenstein, 1982 ; Hunter, 1996]). Selon la nature de l’interaction ion-surface, les ions sont susceptibles de s’approcher plus ou moins près de la surface. Lorsque l’interaction entre la surface et les contre-ions est purement électrostatique, les ions sont qualifiés d’ions indifférents [Hunter, 1981]. Dans ce cas, les ions conservent leur sphère d’hydratation et se positionnent dans un plan fictif parallèle à la surface, appelé plan de Helmhotz externe (PHE). Ainsi, le PHE représente la distance minimale d’approche du centre d’un ion solvaté attiré par la surface sous l’effet de la force d’interaction électrostatique. En revanche, quand les interactions ion-surface ne sont pas de nature purement électrostatique, les ions s’adsorbent spontanément même si la surface du matériau n’est pas chargé [Hunter, 1981]. Dans ce cas, les ions peuvent se débarrasser totalement ou en partie de leur sphère d’hydratation et donc se rapprocher d’avantage de la surface. Ces ions sont qualifiés d’ions "adsorbés spécifiquement" et pénètrent par conséquent en deçà du PHE (c’est-à-dire entre la surface et le PHE) et se positionne dans un plan fictif appelé plan de Helmoltz interne (PHI) (Figure III- 3).

b) Couche diffuse

La zone située au-delà du plan d’Helmholtz externe (PHE) dans laquelle les contre-ions (en excès par rapport à la solution de cœur) et les co-contre-ions (déficitaires par rapport à la solution de cœur) se répartissent suivant un gradient de concentration jusqu’à atteindre les caractéristiques de la solution de cœur est appelée couche diffuse. L’épaisseur de cette couche peut être estimée par la relation (III-1) [Lyklema, 1995] :

𝜅−1= (𝜀2𝐹2

0𝜀𝑟𝑅𝑇𝐼)

1 2

(III- 1)

où κ-1 désigne la longueur de Debye, F la constante de Faraday, ε0 la permittivité du vide, εr la constante diélectrique du solvant, R la constante des gaz parfaits, T la température et I la force ionique de la solution donnée par :

𝐼 = 2∑ 𝑐𝑖 𝑖𝑧𝑖 (III- 2) avec ci et zi la concentration et le nombre de charge de l’ion i, respectivement.

La longueur de Debye est un paramètre très utile pour estimer la portée des interactions électrostatiques. Un autre paramètre lié à la longueur de Debye qui est souvent utilisé est le rayon électrocinétique. Celui-ci désigne le rapport entre le rayon de pore moyen d’une membrane sur la longueur de Debye. Il permet d’estimer la part du pore occupée par les doubles couches électriques par rapport à celle occupée par la solution de cœur (solution électriquement neutre).

La relation (III-1) montre que l’augmentation de la force ionique de la solution entraine une diminution de l’épaisseur de la couche diffuse. Ce phénomène est appelé "compression de DCE".

c) Potentiel zêta et point isoélectrique

Lorsque la phase liquide est mise en mouvement tangentiel par rapport à la phase solide (membrane), la couche compacte reste solidaire du solide alors que la couche diffuse est entrainée par le liquide. La couche diffuse glisse donc par rapport à la couche compacte. Le plan de glissement entre les deux couches est appelé "plan de cisaillement". Par définition, le potentiel zêta (ζ) représente la valeur du potentiel électrostatique au niveau de ce plan de cisaillement. Il est généralement admis que le plan de cisaillement est presque confondu avec le PHE [Hiemenz, 1986 ; Lyklema, 1995]. Par conséquent, le potentiel zêta est considéré comme une bonne estimation du potentiel électrostatique au niveau du PHE (noté ψd sur la Figure III- 3). [Lyklema, 1995 ; Hunter, 1993].

Le pH particulier pour lequel le potentiel zêta s’annule est appelé le point isoélectrique (pie). Il correspond au pH du milieu pour lequel la charge globale située en deçà du plan de cisaillement (surface + couche compacte) est nulle [Lyklema, 1995]. A pH > pie, la charge globale située en deçà du plan de cisaillement est négative et la contre charge présente dans la couche diffuse est constituée d’un excès de cations (par rapport aux anions).

A l’inverse, à pH < pie, la couche diffuse renferme un excès d’anions (par rapport aux cations) et la charge globale avant le plan de cisaillement est positive.

Figure III- 3 : Représentation de la double couche électrique à l’interface solide-solution. PHI : Plan d’Helmholtz Interne ; PHE : Plan d’Helmholtz Externe ; CC : couche compacte ; CD : couche diffuse ; Ψ0 : potentiel de surface ; Ψβ : potentiel au PHI ; Ψd : potentiel au PHE ;

ζ : potentiel zêta.

L’interface membrane-solution peut être modélisée par deux condensateurs plans :

𝜎0 = 𝐶𝑖𝑛𝑡(𝛹0− 𝛹𝛽) (III- 3)

𝜎𝛽 = 𝐶𝑖𝑛𝑡(𝛹𝛽− 𝛹0) + 𝐶𝑒𝑥𝑡(𝛹𝛽− 𝛹𝑑) (III- 4)

𝜎𝑑 = 𝐶𝑒𝑥𝑡(𝛹𝑑− 𝛹𝛽) (III- 5)

avec :

𝜎0+ 𝜎𝛽+ 𝜎𝑑 (III- 6)

où σ0, σβ et σd représentent respectivement la densité de charge de surface, la densité de charge de la couche compacte et la densité de charge de la couche diffuse, Cint et Cext les capacités intégrales des régions interne et externe de la couche compacte. 0, β et d sont respectivement le potentiel de surface, le potentiel au PHI et le potentiel au PHE.