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3.2 Comportement temporel

3.2.1 Interférence relative

En montrant que le traitement d’une information pouvait modifier le traitement des informations suivantes, la simulation de l’expérience de Heurley et al. (2013) a pu montrer une certaine forme de temporalité dans le traitement mnésique du modèle ATHENA. Cependant, si le but de cette simulation était de montrer que ce modèle apprend la manière dont il traite l’information, elle ne montre qu’une dissociation entre condition congruente et condition incongruente (sans pouvoir définir s’il s’agissait de l’amorçage positif d’une situation congruente ou de l’amorçage négatif d’une situation incongruente). Il serait nécessaire de présenter au modèle une amorce neutre afin de pouvoir faire la distinction entre les deux types d’amorçage, et définir si l’effet de l’amorçage suit une logique temporelle cohérente en fonction de la pertinence de la situation.

Expérience originelle. L’emploi d’une amorce neutre pour quantifier les effets des

amorces positives et négatives a été proposé par Neely (1977). Pour ce faire, l’auteur présente aux sujets une amorce de type catégorielle (le nom d’une catégorie) avant de leur demander une catégorisation mot/non-mot d’un item cible (le nom d’un exemplaire de catégorie). L’amorçage peut prendre trois formes : une amorce positive en présentant un exemplaire de la catégorie (e.g., OISEAUX-pinson), une amorce négative en présentant un exemplaire d’une autre catégorie (e.g., OISEAUX-porte), ou une amorce neutre en précédant l’exemplaire d’un non-mot (e.g., XXX-porte). Les résultats montrent qu’en

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comparant les temps de réponse des situations congruentes et incongruentes avec ceux de la situation contrôle, un effet d’amorçage positif a lieu en cas de situation congruente, et un effet d’interférence négatif a lieu en cas de situation incongruente. Cette expérience montre qu’il existe un effet de cohérence contextuelle dans la temporalité du traitement.

Procédure de simulation. Pour simuler cette expérience nous utilisons une procé-

dure similaire à celle mise au point pour simuler l’expérience de Heurley et al. (2013). Nous employons des vecteurs de 10 composantes dont les cinq premières permettent de présenter une catégorie et les 5 dernières permettent de présenter un exemplaire. Trois catégories différentes sont générées aléatoirement à partir de cinq valeurs entières (i.e., -1 et 1) en utilisant la méthode de différenciation présentée dans le chapitre précédent. Une différenciation maximum de -0,15 entre tous les vecteurs est utilisée de manière à obtenir des catégories les plus différentes possible sans ralentir outre mesure le calcul de la simulation. De la même manière, deux exemplaires différents de cinq composantes sont générés aléatoirement.

Afin de simuler la connaissance de corrélation entre les catégories et les exemplaires, une phase d’apprentissage présente aux modèles MINERVA2 et ATHENA deux sondes concaténant un exemplaire et une catégorie différente (e.g., OISEAUX-pinson et BATIMENT- porte). De cette manière, ces deux catégories sont corrélées à leurs exemplaires et la troisième catégorie inconnue des modèles représente le non-mot (amorce neutre).

Trois groupes sont utilisés pour la phase expérimentale : Le premier se voit présenter une amorce positive avant de traiter l’item correspondant (OISEAU-pinson), le deuxième se voit présenter une amorce négative avant de traiter l’item correspondant (BATIMENT- pinson), et le troisième se voit présenter une amorce neutre avant de traiter le même item (XXX-pinson). Nous ne pouvons pas demander aux modèles de catégoriser les items selon leur nature mot/non-mot, mais dans la mesure où cette tâche de catégorisation s’effectue en fonction de la familiarité de l’item, nous pouvons observer l’intensité du traitement effectué afin de quantifier la fluence de traitement (cf. Whittlesea, 1997). Les simulations sont reproduites 5000 fois afin de pouvoir effectuer un traitement statistique du comportement des modèles.

Comme pour la simulation de l’expérience de Heurley et al. (2013), la familiarité est inversement corrélée au temps de réponse. Nous prenons alors l’indicateur (1 - Intensité) afin de comparer les résultats des modèles aux données expérimentales dans la figure 9.

Prédictions. MINERVA2 ne fait pas de distinction temporelle entre ses traces et

n’apprend pas la manière dont il traite l’information. Dans la mesure où la différence entre amorce positive, neutre ou négative dépend du lien existant entre l’amorce et la cible, les différents groupes devraient obtenir les mêmes résultats dans ce modèle.

L’inter-dépendance des traces du modèle ATHENA devrait le rendre sensible à la cohérence de la dynamique temporelle entre les situations rencontrées selon leurs liens de

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corrélation. Dès lors, le traitement d’une situation devrait modifier le traitement de la situation suivante, et nous devrions obtenir des résultats cohérents avec le type d’amorce utilisé dans les trois groupes.

Figure 9 – Interférences : Temps de réponse selon le type d’amorçage pour les données

expérimentales et les simulations des modèles MINERVA2 et ATHENA

Résultats. Nous pouvons remarquer dans la figure 9 que le modèle MINERVA2

produit les mêmes résultats pour les trois groupes, que ce soit au niveau de la distinc- tion amorce_positive/amorce_neutre (T(9998) = 0), comme pour la distinction entre les conditions amorce_négative/amorce_neutre (T(9998) = 0). Les valeurs nulles des tests de Student sont issus d’une égalité absolue entre les différents groupes : le type d’amorce n’a strictement aucune influence sur le traitement de l’item cible.

ATHENA obtient par contre des résultats dont le pattern est conforme aux données expérimentales. La condition d’interférence (amorce négative) est significativement supé- rieure à la condition neutre (T(9998) = 6.588 ; p < 0.001), et la condition d’amorçage positive est significativement inférieure à la condition neutre (T(9998) = 3.388 ; p < 0.001).

Si MINERVA2 n’a pas de comportement temporel dans cette simulation, nous pouvons remarquer que ATHENA parvient à la fois à un effectuer un amorçage positif en cas de situation congruente, ainsi qu’un amorçage négatif en cas de situation incongruente, reproduisant ainsi le pattern de résultats des données expérimentales.

La logique temporelle des interactions entre les traces du modèle ATHENA permet un traitement cohérent des situations en fonction du type d’amorce. Ce comportement est issu des caractéristiques fractales des traces puisqu’elles traitent l’information comme un processus réutilisable et non pas comme un contenu récupérable. Cependant, si ce comportement temporel cohérent entre deux situations consécutives nous permet de nous assurer qu’un traitement énactiviste non-représentationnel conserve une cohérence des covariances contextuelles, il nous reste à observer en détails les caractéristiques temporelles des interactions s’opérant entre toutes les situations rencontrées.

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