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Le strontium (Sr) est un élément présent dans le corps humain, dont 99% est contenu dans le tissu osseux. Il représente 0,01% de la masse osseuse [177]. Papillon et al., ont été les premiers à décrire le strontium dans le tissu osseux en 1870 [192].

Le ranélate de Sr est constitué de deux atomes de strontium et d’une molécule d’acide ranélique. L’acide ranélique est un transporteur organique, qui a été choisi pour sa bonne pharmacocinétique et ses caractéristiques physicochimiques : il ne modifie pas l’action sur le strontium. Une des caractéristiques du strontium concerne son effet sur le remodelage osseux : il promeut simultanément la formation osseuse par les ostéoblastes [193, 194] et inhibe la résorption osseuse par les ostéoclastes [194]. Son mode d’action sera décrit dans les paragraphes 4.2 et 4.3.

Différentes méthodes d’incorporation du Sr dans la substance minérale osseuse ont ensuite été publiées dans les années 50 [192]. Les propriétés protectrices des sels de strontium ont été mises en évidence quand le lactate de strontium a été montré comme diminuant la douleur osseuse et augmentant la densité osseuse de patients ostéoporotiques [195]. L’utilisation potentielle du strontium dans le traitement de l’ostéoporose a été décrite pour la première fois en 1950. En 1985, Marie et al. [153], et Delannoy et al. en 2002 [154] ont montré que de faibles doses suffisaient à augmenter la formation osseuse et le volume osseux trabéculaire chez des rats traités avec du chloride de strontium.

Suite à ces données expérimentales et cliniques, le Sr2+ a donc suscité un grand engouement dans le traitement de pathologies ostéoarticulaires, telles que l’ostéoporose, sous la forme de ranélate de strontium [97].

Le ranélate de strontium est enregistré en tant que médicament dans plus de 70 pays et a été commercialisé en Europe en 2004. Il reste toutefois une molécule non approuvée par la FDA en raison des risques cardio-vasculaires qui lui sont imputés [196] [195]. Il était commercialisé sous le nom de Protelos® par la société Servier. Cette société a annoncé l’arrêt de sa commercialisation en août 2017, compte tenu des effets indésirables associés à des concentrations d’utilisation élevées et continues.

4.1. Mécanismes d’action du strontium

En tant qu’ion divalent de la famille des alcalino-terreux comme le Ca2+, le Sr2+ pourrait donc agir sur des cibles cellulaires et des voies de signalisation similaires à celles du calcium.

4.1.1. Activation du « calcium sensing receptor » (CaSR)

Le CaSR appartient à la famille des récepteurs couplés aux protéines G.Le CaSr perçoit les variations de concentration extracellulaire de Ca2+. Le CaSR est donc capable de moduler l’homéostasie du calcium au sein du tissu osseux. Les cellules osseuses expriment le CaSR, proposant ainsi une régulation directe de l’homéostasie du squelette [197]. En plus du Ca2+, le CaSr détecte d’autres ions divalents, incluant le Sr2+ [198]. In vitro, l’activation du CaSR sur les ostéoclastes inhibe leur différenciation et augmente leur apoptose.

L’utilisation d’ostéoblastes issus de cellules KO pour le CaSR a permis de mieux comprendre le mécanisme d’action du strontium. Les voies de signalisation induites par le strontium ne semblent pas uniquement dépendantes de l’activité du CaSR. En effet, l’effet prolifératif du ranélate de strontium sur les ostéoblastes est maintenu en absence d’expression du CaSR.

D’autres voies de signalisation pourraient être activées par le strontium, en particulier la voie Wnt / β-caténine [76, 192, 195].

4.1.2. Activation de la voie RANK / RANKL / OPG

La voie RANK / RANKL / OPG, décrite précédemment, essentielle pour le remodelage osseux, est également une voie de signalisation sollicitée par le strontium (Figure 24). En effet, dans les ostéoclastes, la présence de strontium stimule la production d’OPG, diminue l’expression de RANKL au niveau génétique et protéique. Cet effet sur la concentration d’OPG et de RANKL a pour conséquence de diminuer les interactions entre le RANKL et son récepteur, et donc de réguler la différenciation des ostéoclastes au profit d’une activité d’ostéoformation par les ostéoblastes.

FIGURE 24 : MODE D'ACTION DU STRONTIUM : VOIE DE SIGNALISATION DU RANKL/OPG

Le facteur RANKL se lie à son récepteur RANK, exprimé à la surface des pré-ostéoclastes et activant ainsi la différenciation des ostéoclastes. Le strontium quant à lui réduit l’expression de RANKL, et augmente l’expression d’OPG, ce qui a pour conséquence une réduction de la différenciation de pré-ostéoclastes en ostéoclastes. Abréviatons : OPG : Osteoprotegerin ; RANK : Receptor activator of nuclear factor kappa-B ; RANKL : RANK ligand [22].

4.2. Rôle du ranélate de strontium sur l’ostéoclastogénèse

Il a été montré que le ranélate de strontium exercait un effet inhibiteur sur l’activité ostéoclastique. Le ranélate de strontium diminue l’adhérence des ostéoclastes à la structure osseuse en perturbant leur zone de fixation et la formation d’un réseau d’actine [199]. De plus, dans une étude menée par Bonnelye E et al., une diminution significative de l’activité de la TRAP (« phosphatase acide tartrate-résistante »), caractéristique de l’activité ostéoclastique, est observée, entraînant une diminution de la maturation des ostéoclastes en présence de ranélate de strontium (Figure 25) [200]. Le ranélate de strontium augmente également l’apoptose des ostéoclastes en modulant différentes voies de signalisation telles que les voies du NFκB, et PKCbII , ou encore celle du CaSR citée précédemment (Figure 26) [201].

FIGURE 25 : ACTIVITE TRAP DES OSTEOCLASTES EN PRESENCE DU STRONTIUM

Les cellules ont été traitées avec des concentrations croissantes de ranélate strontium. Le strontium induit une diminution de l’activité de la TRAP (caractéristique de l’activité des ostéoclastes). Abréviations : Ct-cellules contrôles non traitées ; OPG-cellules traitées avec de l’ostéoprotégérine [200].

FIGURE 26 : VOIES DE SIGNALISATION IMPLIQUEES DANS L'APOPTOSE DES OSTEOCLASTES PAR LE STRONTIUM Après stimulation par le Ca2+ et le Sr2+, le CaSR active la phospholipase C (PLC), responsable de la translocation de NFκB du cytoplasme vers le noyau des ostéoclastes matures, en suivant la voie IP3. Le CaSR peut également, toujours par l’activation de la voie de la PLC, activer la voie de signalisation DAG-PKCII, qui va permettre à NFκB d’accéder au noyau, mais de façon indépendante à l a voie IP3. Abréviations : IP3 : inositol triphosphate ; NFκB : Nuclear factor kappa-b ; DAG : Diacylglycerol ; PKC : Phosphokinase C ; PIP2 : Phosphatidylinositol 4.5-bisphosphate ; CaR : Calcium receptor ; PLC : Phospholipase C [201]

4.3. Rôle du ranélate de strontium sur l’ostéoblastogénèse

Le ranélate de strontium exerce un effet stimulateur sur la prolifération et la différenciation des cellules préostéoblastiques [202]. En effet, les précurseurs des ostéoblastes, ainsi que les ostéoblastes matures ayant été exposés au ranélate de strontium, présentent une forte activité de la phosphatase alcaline (PAL), marqueur de la différenciation ostéoblastique, et une synthèse accrue de collagène (élément majoritaire de la matrice extracellulaire des ostéoblastes) [200].

Le ranélate de strontium augmente également l’expression d’autres marqueurs ostéoblastiques comme la « bone sialoprotein » (BSP), et l’ostéocalcine (OCN) [203]. Parmi les voies de signalisation activées, nous citerons l’activation de CaSR, des voies MAP kinases (p38 et ERK ½) et celles des phospholipases C (Figure 27). L’activation de ces voies contribue à une régulation positive des marqueurs de l’ostéogénèse et de la différenciation ostéoblastique.

FIGURE 27 : EFFET DU STRONTIUM SUR L'OSTEOBLASTOGENESE

Le strontium promeut la prolifération des ostéoblastes, leur différenciation et leur survie en activant le CaSR, et les voies de signalisation associées. L’activation du CaSR par le Sr agit également sur les voies de signalisation régulant négativement la différenciation ostéoclastique, de leur activité et leur survie, et ayant pour conséquence une diminution de la résorption osseuse. Abréviations : PLC : Phospholipase C ; CaSR : Calcium sensing receptor ; ERK : Extracellular signal regulated kinase ; PKD : Protein kinase D ; PI3K : Phospoinositide 3 kinase ; PKC : Phosphokinase C ; NF-κB : Nuclear factor kappa B ; Sr : strontium[22]

4.4. Rôle du ranélate de strontium sur l’angiogénèse

Le rôle du strontium sur l’angiogénèse a également été étudié. Liu Fei et al. ont montré, en 2011, que la présence de strontium dans une matrice de polyphosphates de calcium stimulait la sécrétion de VEGF par les ostéoblastes [177]. Ces observations ont été confirmées par Wei Li Fu et al. en 2015 [164]. Le potentiel angiogénique du strontium a également pu être mis en évidence dans le cas de co-substitution avec du cobalt [204]. Enfin, lorsque des MSCs sont cultivées en présence de titane dopé en strontium, puis qu’une co-culture de ces MSCs avec des EPCs est réalisée. Après 8 heures de culture, les EPCs sont alignées et commencent à former des structures tubulaires [205].

En conclusion, le rôle du strontium dans l’ostéogénèse et l’angiogénèse ayant été démontré, il devient donc un ion de choix pour stimuler la néoformation osseuse ainsi que la néovascularisation. Ces données biologiques et cliniques ont sans aucun doute contribué aux importants travaux de la littérature décrivant le dopage de substituts osseux phosphocalciques par le strontium.