II. La Neurotensine:
8. Interactions NTSRs – RTK (Récepteurs à Tyrosine Kinases) :
Il est généralement admis que les récepteurs couplés aux protéines-G
(RCPG) jouent un rôle crucial dans la croissance et la différenciation cellulaire, mais
aussi dans les processus d’oncogenèse, notamment par l’activation des voies de
signalisation des Erk-Kinases, de la p38 MAP-Kinases et des JN-Kinases [606]. Les
RCPGs peuvent être également associés à des récepteurs à domaine Tyrosine
Kinase (RTKs), formant une plateforme de signalisation, pouvant induire un signal de
survie via la liaison du ligand du GPCR ou du RTK [607].
Plusieurs études ont montré que la liaison des GPCR induisait l’activation du
récepteur RTK, par la phosphorylation de son domaine Tyrosine kinase [608, 609].
D’autres ont confirmé cette transactivation des RTK par l’activation d’un récepteur de
la famille des RCPGs (Figure 18) [610, 611].
En cancérologie, l’activation/phosphorylation du récepteur à l’EGF (Epidermal
Growth Factor), l’EGFR (EGF-Receptor) a été particulièrement étudiée. La
transactivation de l’EGFR par des récepteurs de la famille des GPCRs a été
démontrée dans plusieurs modèles [610, 612]. Mazella et son équipe ont démontré
dans des modèles de cancer colorectal (lignées HT29 et HCT116) que la NTS était
capable de d’induire la phosphorylation de l’EGFR dans ces cellules [613]. Ils ont
ainsi mis en évidence que l’activation / phosphorylation du récepteur EGFR était
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inhibée par le traitement par l’antagoniste de NTSR1, le SR48692. Le récepteur
NTSR1 est ainsi capable de transactiver le récepteur EGFR dans ce modèle
[613-615].
La transactivation de l’EGFR par NTSR1 a été par la suite confirmée dans le
cancer du poumon et dans le cancer du sein, au sein desquels elle favorise la
croissance et l’agressivité tumorale [595, 616, 617]. Le traitement par le SR48692
inhibe cette transactivation. De façon intéressante, le traitement par un inhibiteur des
métalloprotéases (GM6001) induisait également une inhibition de la transactivation
de l’EGFR par NTSR1 [595, 616, 617].
Lee et Chao ont démontré que les récepteurs aux neurotrophines TrkA et
TrkB, pouvaient également être activés et phosphorylés, même en absence de leurs
ligands [618]. Les récepteurs aux neurotrophines Trks, récepteurs à domaines
Tyrosine kinases (RTKs), peuvent être également transactivés par des récepteurs
couplés aux protéines-G [614]. Il a ainsi été montré que le récepteur TrkB pouvait
être activé par de l’adénosine. En effet, dans les cellules neuronales, la liaison de
l’adénosine à son récepteur A2A-R (Adenosine Subtype A2a Receptor) induit la
transactivation du récepteur TrkB se traduisant par des signaux intracellulaires de
survie [619, 620].
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Figure 18 : Illustration schématique de l’interaction fonctionnelle entre les récepteurs RTK-RCPG
(d’après Cattaneo et al. 2014)
La stimulation du récepteur couplé aux protéines-G par son ligand spécifique induit l’activation des sous-unités de la protéine-G, notamment, la sous-unité G&, qui peut agir à différents niveaux: i)- Activer des métalloprotéases (1) qui engendrent la maturation du pro-ligand du récepteur RTK, ii)-Activer ma protéines adaptatrice p47Phox (2), et par conséquent induire la réduction de la Nicotinamide Adénine Dinucléotide Phosphate (NADPH), produisant du NAD+ et une espèce réactive de l’oxygène, le O2-. Ce dernier peut phosphoryler et donc transactiver le récepteur RTK, et la signalisation cellulaire et en résulte. iii)- Activer des protéines adaptatrices à activités Tyrosine kinases (3), qui vont directement phosphoryler le domaine Tyrosine Kinase des RTK, et induire sa transactivation et enclencher sa cascade de signalisation. Le récepteur RTK peut également, après sa liaison avec son ligand spécifique, transactiver le récepteur RCPG (4), en passant par une protéine adaptatrice, la '-Arrestine, qui active les protéines-G couplées au récepteur.
Les études menées sur l’implication du PDGFR (Platelet Derived Growth
Factor-Receptor), un récepteur de la famille des RTKs, dans la signalisation de
cellules musculaires lisses des voies aériennes, ont montré que l’activation de la voie
de signalisation intracellulaire des MAP-Kinases, induite par le la liaison du PDGF à
son récepteur PDGFR, pouvait être initiée par la phosphorylation de protéines
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adaptatrices de la familles des protéines-G, en l’occurrence Gab1
(GRB2-associated-binding protein-1) et Grb2 (Growth factor receptor-bound protein-2)
[621-623]. Il a été montré dans le même modèle ainsi que dans des fibroblastes de souris,
que le récepteur PDGFR pouvait s’associer avec le récepteur S1P1 (Sphingosine
1-Phosphate-Receptor), un récepteur couplé au protéines-G. Le complexe formé par le
PDGFR-S1P1 induisait une signalisation intracellulaire après fixation du PDGF à son
récepteur. L’inhibition de l’expression du récepteur RCPG, le S1P1, par des ARNs
interférents, diminuait l’activation de la voie des MAP-Kinases induite par le
traitement au PDGF [624-626].
L’activation du complexe de récepteur RTK-RCPG conduit au recrutement et à
l’activation du proto-oncogène c-Src. L’activation de c-Src est régulée par les
sous-unités β, γetα de la protéine-G ; Cette dernière participe notamment au recrutement
de protéines comme la β-arrestine et la dynamine-II en faveur de l’endocytose du
complexe de récepteurs RTK-RCPG [607, 626-629].
Il a été également démontré, au niveau de la lignée de phéochromocytome
PC12, l’existence d’un complexe actif RTK-RCPG formé par l’interaction des
récepteurs TrkA et du LPA-Receptor (Lysophosphatidate receptor) ; le traitement
conjoint de ces cellules par le NGF et le LPA induit l’activation de la voie MAPK.
L’inhibition par des siRNAs de l’expression du RCPG supprime l’activation des
MAPK induite par le LPA et le NGF, la surexpression du RCPG par la même
technique produisant l’effet inverse [630, 631].
Rose et son équipe a également mis en exergue l’interaction de récepteurs
RTKs avec les protéines-G. Elle a ainsi démontré que le récepteur TrkB-T1 (Variant
tronqué du récepteur TrkB, délétée de son domaine Tyrosine kinase), pouvait induire
la libération du calcium et une signalisation intracellulaire par la fixation du BDNF, via
le recrutement d’un RCPG non identifié. [93].
L’ensemble de ces données démontre que des interactions entre les
récepteurs à Tyrosine kinases avec les RCPG peuvent résulter des plateformes de
signalisation intracellulaire, complétant et/ou compensant les voies de signalisation
traditionnellement étudiées. L’activation des complexes RTKs-RCPGs, semble
toutefois finement régulée, notamment, par l’activation des mécanismes
d’internalisation cellulaire par la β-arrestine. Celle-ci permet l’internalisation
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dépendante des clathrines du complexe RTKs-RCPG dans des vésicules
endosomales, puis sa dégradation par le lysosome.
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