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Les impacts des dinoflagellés toxiques sur les hémocytes et plus généralement sur la physiologie des bivalves suggèrent que les efflorescences d’Alexandrium sp. pourraient augmenter la susceptibilité aux maladies, comme l’avait suggéré Harvell

et al. (1999). Ainsi, leurs effets pourraient interférer avec les fonctions immunitaires, et donc moduler les interactions hôtes-pathogènes. Lorsque l’on considère également les atteintes physiologiques induites par les dinoflagellés toxiques, de nouvelles questions se posent : la combinaison de l’exposition aux dinoflagellés toxiques et de

l’infection par des pathogènes entraîne-t-elle chez le bivalve des dommages physiologiques synergiques, c'est-à-dire propres à leur interaction ? Ces interactions peuvent-elles conduire à l’émergence de maladies ?

Conceptuellement, les effets combinés des dinoflagellés toxiques et des agents pathogènes sur l’état physiologique du bivalve, autour duquel cette étude est centrée, pourraient aboutir à trois types de scénarios différents :

- « Négatif » : les effets combinés du dinoflagellé toxique et de l’agent pathogène sont davantage délétères pour le bivalve que l’effet de l’un ou l’autre des facteurs individuellement.

- « Positif » : les effets combinés du dinoflagellé toxique et de l’agent pathogène ont des conséquences moins délétères pour le bivalve que l’un ou l’autre des facteurs individuellement.

- « Neutre » : les effets combinés du dinoflagellé toxique et de l’agent pathogène n’entraînent pas d’effet spécifique, par rapport à l’effet individuel de chacun des facteurs.

A ce jour, peu d’études ont porté sur les effets de l’interaction tripartite bivalve – micro-algue toxique – agent pathogène. Cependant, des effets potentiels de leur interaction

sur l’immunité du bivalve ont été mis en évidence. Ainsi, une réduction de la

capacité de phagocytose des hemocytes a été observée chez la palourde américaine

Mercenaria mercenaria infectée par le parasite QPX (« Quahog Parasite X »), et chez la palourde japonaise R. philippinarum infectée par P. olseni, lors d’une exposition aux dinoflagellés toxiques Prorocentrum minimum et Karenia selliformis, respectivement (Hégaret et al., 2010, 2007a).

D’autre part, l’exposition de la palourde R. philippinarum au dinoflagellé P. minimum et au parasite P. olseni a provoqué des effets synergiques altérant la structure

musculaire du pied et provoquant des dégénérescences des ovocytes (Hégaret et al.,

2009).

En outre, l’exposition à Alexandrium tamarense chez des palourdes juvéniles R.

Contexte scientifique

29 étiologique de la BRD) a réduit l’évolution de la BRD (i.e. l’intensité du dépôt de conchyoline), mais augmenté le taux de mortalité (Bricelj et al., 2011). Les auteurs de cette étude proposaient trois scénarios possibles. Le premier scénario consistait en une diminution de la défense contre V. tapetis par une inhibition de la capacité à produire la conchyoline, dont le rôle serait d’isoler les bactéries. Le deuxième scénario consistait en une immuno-activation via l’augmentation de la capacité phagocytaire (décrite dans cette même étude chez des adultes exposés à la même algue) qui aurait au contraire amélioré la lutte contre la bactérie. La dernière hypothèse reposait sur d’éventuels effets toxiques d’A. tamarense sur la bactérie.

En effet, ce type d’interaction directe entre agent pathogène et dinoflagellé toxique peut moduler l’interaction hôte – pathogène. Ainsi, une diminution de la prévalence et de l’intensité de la perkinsose a été rapportée chez des palourdes R. philippinarum exposées pendant trois semaines au dinoflagellé toxique K. selliformis (da Silva et al., 2008). Cette réduction de la charge parasitaire dans l’organisme a été attribuée aux

effets toxiques des composés extracellulaires produits par cette algue envers le parasite P. olseni mesurés in vitro (da Silva et al., 2008).

Ces différentes études soulignent la complexité de ces interactions et l’importance de leurs conséquences sur les bivalves, ainsi que la nécessité d’étudier chaque cas individuellement étant donné leur caractère espèce-spécifique.

Les efflorescences d’Alexandrium sp. se produisent principalement au printemps et en été, dans les régions tempérées. Cette période de l’année offre également des conditions propices à l’infection et la prolifération d’agents pathogènes chez les bivalves. Ainsi, le risque de co-occurrences d’efflorescences toxiques et de maladies est élevé.

En France, sur la côte méditerranéenne, les épisodes de mortalités massives de

naissain d’huîtres creuses C. gigas, associées principalement à l’herpesvirus OsHV-1µVar, peuvent se produire aux mêmes périodes que des efflorescences d’A. catenella.

Dans le bassin d’Arcachon, les populations de palourdes, naturellement infectées par

le parasite P. olseni¸ sont soumises régulièrement à des efflorescences d’A. ostenfeldii.

Le long de la côte nord-est des Etats-Unis, des efflorescences d’A. fundyense se produisent régulièrement, exposant les huîtres C. virginica qui sont naturellement

infectées par des trématodes Bucephalus sp. et par le protozoaire P. marinus.

Les conséquences de ces interactions potentielles pour les bivalves n’ont pourtant jamais été étudiées.

Objectifs

L’objectif de ce travail de thèse est d’évaluer les effets combinés d’une exposition à un dinoflagellé toxique, Alexandrium sp., et d’une infection par des agents pathogènes sur la physiologie des bivalves (Figure 6).

Figure 6. Schéma conceptuel de l’interaction tripartite Alexandrium sp. – pathogène –

bivalve, centré sur le compartiment « bivalve ».

Trois axes ont été suivis afin de répondre à cet objectif : (i) déterminer les effets d’une efflorescence toxique sur l’interaction hôte – pathogène, mais également (ii) les effets du pathogène sur l’interaction dinoflagellé toxique – bivalve, et (iii) évaluer l’effet de ces interactions sur l’état physiologique du bivalve à travers une approche intégrative à différents niveaux organisationnels, tissulaires, cellulaires et subcellulaires. Des bivalves ont ainsi été exposées à des efflorescences d’Alexandrium sp., combinées soit à l’infection par des agents pathogènes spécifiques connus pour être impliqués dans des épizooties, soit à un changement d’environnement microbien, afin d’évaluer l’émergence de maladies opportunistes (Tableau 3).

Contexte scientifique

31 Ce travail de thèse est structuré en trois chapitres visant à répondre à chacune de ces questions :

- Une exposition à Alexandrium peut-elle moduler l’interaction hôte – pathogène, et à l’inverse, un agent pathogène peut-il moduler l’interaction bivalve – Alexandrium sp.?

(Chapitre 1, Article 1 : Lassudrie et al., subm.).

- Quelles sont les effets combinés d’une exposition à Alexandrium sp. et de parasites sur des bivalves naturellement infectés, ainsi que leurs implications physiologiques ?

(Chapitre 2, Article 2 : Lassudrie et al., 2014; Article 3 : Lassudrie et al., in rev.).

- Les effets d’Alexandrium sp. sur la physiologie du bivalve peuvent-ils favoriser des infections opportunistes lors de l’exposition du bivalve à un nouvel environnement microbien ?

(Chapitre 3, Article 4 : Lassudrie et al., subm.).

Tableau 3. Récapitulatif des interactions étudiées dans chaque chapitre et article.

Chapitre Article Interaction

Chapitre 1 Article 1 C. gigas – OsHV-1 – A. catenella

Chapitre 2

Article 2 R. philippinarum –P. olseni – A. ostenfeldii

Article 3 C. virginica – P. marinus & Bucephalus sp. – A. fundyense

Chapitre 1 - Article 1

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Chapitre 1

Une exposition à Alexandrium peut-elle moduler l’interaction

hôte – pathogène, et à l’inverse, un agent pathogène peut-il