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Immunité, réparation tissulaire, détoxication : rôle des hémocytes ?

Discussion générale et perspectives 1 Modulation espèces-spécifique des interactions biotiques

2 Les facteurs qui modulent l’interaction tripartite

2.2 Implication des réponses physiologiques des bivalves

2.2.1 Immunité, réparation tissulaire, détoxication : rôle des hémocytes ?

L’exposition à des micro-organismes potentiellement pathogènes, ou leur présence dans

l’organisme des bivalves infectés, a entraîné en général, des infiltrations dans les tissus,

une augmentation de la concentration en hémocytes dans l’hémolymphe, et une

augmentation de leur taille et de leur complexité interne (articles 2 et 3, chapitre 2, Lassudrie et al., 2014, in rev. ; article 4, chapitre 3, Lassudrie et al., in prep.). Ces

réponses hématologiques et morphologiques suggèrent qu’une augmentation de la production d’hémocytes et une différenciation sont probablement associées à la réponse immunitaire (phagocytose, encapsulation), à leur migration sur le lieu d’infection, mais aussi éventuellement à la réparation des lésions provoquées par l’infection (Cheng, 1996; Hine, 1999; Soudant et al., 2013).

D’une façon générale, au cours de ces travaux de thèse, l’exposition à Alexandrium sp. a activé la production d’hémocytes circulants chez les bivalves, augmenté leur taille et leur complexité et provoqué leur infiltration dans les tissus (article 2 et 3, chapitre 2, Lassudrie et al., 2014 ; Lassudrie et al., in rev.; article 4, chapitre 3, Lassudrie et al., in prep.). Les hyalinocytes semblent jouer un rôle particulier dans la réponse à Alexandrium sp. En effet, leurs modifications morphologiques corrélées aux quantités

de PSTs accumulées dans la glande digestive et à la production de ROS, peuvent traduire une activité métabolique accrue (Donaghy et al., 2012). Cela suggère une

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PSTs, soit pour l’isolement des cellules algales présentes dans la lumière de

l’intestin, ou encore pour la détoxication des tissus.

Plusieurs auteurs ont suggéré que des hémocytes observés en diapédèse dans l’épithélium digestif et autour des cellules algales dans la lumière de l’intestin ou encore

dans les faeces utiliseraient un mécanisme comparable à l’encapsulation afin de

protéger les tissus internes des composés toxiques excrétés par ces algues

(Galimany et al., 2008b; Hégaret et al., 2009). Cependant, l’observation d’hémocytes

autour des cellules algales n’a pas été fréquente au cours de ces travaux de thèse (articles 2 et 3, chapitre 2, Lassudrie et al., 2014 ; Lassudrie et al., in rev).

Les observations d’infiltrations et de diapédèses et les modifications morphologiques

ont également été rapportées chez des bivalves exposés à des xénobiotiques (Farley, 1988; Sunila, 1984), ce qui, dans le cas d’une exposition à un dinoflagellé toxique, suggère un rôle des hémocytes dans la détoxication en transportant les toxines ou

leur produits à l’extérieur des tissus (Galimany et al., 2008a, 2008b; Hégaret et al.,

2009).Franchini et al. (2003) ont détecté des yessotoxines (toxines lipophiles) dans les hémocytes de moules, soutenant cette hypothèse.

Par ailleurs, Wikfors et Alix (2014) suggèrent l’existence d’un lien entre les

modifications morphologiques et l’apoptose des hémocytes. Ce phénomène de mort

cellulaire programmée, impliqué particulièrement dans la défense immunitaire contre

les pathogènes intracellulaires (Sokolova, 2009), peut être stimulé par l’exposition aux

dinoflagellés toxiques (Hégaret et al., 2009; Medhioub et al., 2013).

Enfin, la présence des toxines dans les hémocytes pourrait également impacter leur

osmolarité, et être à l’origine des changements morphologiques détectés (Franchini et

al., 2003; Malagoli and Ottaviani, 2004).

Cependant, la nature des différenciations morphologiques des hémocytes de bivalves en réponse à Alexandrium sp. diffère en fonction des études (Galimany et al., 2008a; Haberkorn et al., 2010a; Hégaret et al., 2007b). Ces différences intrinsèques sont liées

aux modèles étudiés, comme précédemment évoqué, mais aussi probablement à l’état

physiologique du bivalve, entraînant l’implication simultanée des hémocytes dans plusieurs fonctions qui pourraient interférer entre elles, indépendamment de la réponse

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D’autre part, les résultats de ce travail de thèse soulignent la capacité adaptative des hémocytes circulants via une grande plasticité qui leur permet de répondre

rapidement et efficacement à l’invasion de particules étrangères. Les résultats de

l’article 4 (chapitre 3, Lassudrie et al., in prep.) associent pour la première fois (à notre

connaissance) chez un bivalve la mesure des variables hématologiques à l’analyse de la

communauté bactérienne, déterminée par des techniques de séquençage nouvelle

génération. L’activation des réponses hémocytaires face à un nouvel environnement

microbien, associée à une forte stabilité du microbiome chez l’huître, y compris lors d’une exposition à A. catenella, illustre le rôle clef des hémocytes dans le maintien de

l’homéostasie, comme l’avaient suggéré Donaghy et al. (2009).

En dépit de rapides modulations, le renouvellement du système hémocytaire et son

maintien font preuve d’une globale robustesse, malgré la combinaison de stress

biotiques expérimentée au cours de ces travaux de thèse. Les modifications des

hémocytes, que ce soit d’un point de vue hématologique, morphologique ou

fonctionnel, n’indiquent pas d’altération importante ou irréversible de leurs fonctions.

En effet, l’article 2 (chapitre 1, Lassudrie et al., 2014) illustre la réversibilité des

modulations hémocytaires chez la palourde R. philippinarum après une exposition à

Alexandrium sp., suivie d’une semaine de dépuration. Cette réversibilité avait également été notée par Galimany et al. (2008) chez la moule bleue M. edulis. Cette homéostasie des hémocytes, en accord avec de précédentes observations (Donaghy et al., 2009; Galimany et al., 2008a; Haberkorn et al., 2010a; Hégaret et al., 2007b), est un enjeu

vital pour les bivalves afin d’éviter des répercussions sur les autres fonctions

essentielles qui lui sont associées (nutrition, minéralisation coquillière,…).

Finalement, les modifications des variables hémocytaires induites par les interactions biotiques expérimentées ici peuvent être considérées comme des

réponses adaptatives efficaces si elles ont permis de maintenir l’homéostasie de

l’état physiologique du bivalve. Elles sont au contraire considérées comme des

réponses insuffisantes et / ou comme la conséquence d’altérations induites par ces

stress biotiques en cas d’observations de lésions à plus grande échelle. Dans le cas

présent, l’approche intégrative utilisée a notamment permis d’associer ces mesures

cellulaires à des observations histologiques (articles 2 et 3, chapitre 2, Lassudrie et al., 2014, in rev.).