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Les interactions de l’AMO et de l’AMC

PARTIE 3 - L’assurance maladie complémentaire, le financement des dépenses de santé et

3.2. Une maîtrise des dépenses et une gestion du risque à mieux articuler

3.2.1. Les interactions de l’AMO et de l’AMC

3.2.1.1. L’influence déterminante de l’AMO sur l’AMC

Les OC interviennent en complément du régime de base. Leur fonction d’assurance supplémentaire, qui couvre des dépenses de biens et services non remboursées par l’AMO (prestations spécifiques d’hôtellerie à l’hôpital179, automédication, actes de prévention, médecines douces, sevrage tabagique etc..), reste encore marginale, bien qu’en développement sensible entre 2007 et 2009180.

Le périmètre de l’AMO interagit sur celui de l’AMC par trois mécanismes principaux qui peuvent relever de procédures réglementaires ou conventionnelles.

- La définition du panier de soins par le biais de différentes procédures (CCAM, NGAP, liste des médicaments remboursables en ville et à l’hôpital, LPP pour les dispositifs médicaux).

Ainsi, la prise en charge de nouvelles prestations par l’AMO ou à l’inverse le déremboursement d’anciennes prestations réduisent ou augmentent l’engagement de l’AMC.

- L’opposabilité des tarifs de responsabilité. Ce mécanisme fondamental pour le régime obligatoire encadre le tarif des actes et des produits qu’il rembourse : le taux de remboursement de l’AMO est calé sur un prix maximum et opposable, contenant ainsi les restes à charge après AMO pour les assurés et donc la prise en charge potentielle par les complémentaires.

Pour limiter l’engagement de l’AMO et les prélèvements obligatoires, certains segments de soins se sont éloignés de cette logique par un écart entre la base de remboursement et les prix pratiqués qui obéissent alors à la « flexibilité » ou à la liberté tarifaire. C’est le cas, depuis 1978 pour les chirurgiens dentistes181 et depuis 1980, en médecine de ville ou pour les consultations en secteur libéral à l’hôpital public, via les différentes conventions médicales. C’est aussi la situation de certains biens et services médicaux (optique et audioprothèse) pour lesquels n’existe pas de prix-limite de vente et/ou dont les tarifs de remboursement, déconnectés des prix réels (LPP, CCAM, NGAP182), n’ont pas (ou peu) fait l’objet de revalorisation dans le temps. Dans ce cas, les RAC ne sont pas plafonnés et jusqu’à présent non encadrés par les critères des contrats responsables des complémentaires.

- Les modalités de prise en charge. Il s’agit :

o du niveau du ticket modérateur dont le taux peut augmenter (médicaments, dispositifs médicaux, laboratoires d’analyses médicales, majorations de TM en ville pour les soins hors parcours, hôpital), ou diminuer pour certains assurés (ALD) ou

179 Chambre particulière, téléphone, télévision.

180 Les contrats les plus souscrits auprès des complémentaires santé en 2009. Études et résultats N° 789, février 2012, DREES.

181 Soins prothétiques (cotés SPR) et orthodontiques (cotés TO) dans la convention de 2006, par entente directe avec le patient.

182 Ainsi les tarifs des lettres-clé pour les soins prothétiques (SPR) et pour les soins orthodontiques n’ont pas été réévalués depuis 1994. La lettre-clé pour les soins conservateurs a très largement augmenté, pour la dernière fois en 2003.

certaines catégories professionnelles : il en a été ainsi en 2001183 de l’alignement des taux de remboursement des indépendants, jusque-là moins favorables, sur ceux du régime général. Dans le cas de l’hôpital public, le niveau du TM varie en raison des évolutions du TJP, qui sert de base à son calcul.

o de la mise en place ou de l’augmentation de forfaits (forfaits journaliers plafonnés à l’hôpital et en ville sur les consultations et les actes de biologie) ou de franchises en général plafonnées (médicaments, actes infirmiers, transports).

A l’inverse des secteurs de non opposabilité, les RAC des assurés sont dans ces deux cas plafonnés, susceptibles d’être couverts ou non par les complémentaires184.

o Bien que le copaiement par l’AMC et l’AMO soit la pratique majoritaire, certaines prestations sont totalement prises en charge par le régime de base, notamment certains éléments de la rémunération des professionnels de santé, médecins185 mais aussi pharmaciens186, des dépenses hospitalières comme les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC), ou encore les soins aux personnes âgées et handicapées intégrés dans l’objectif global de dépense (OGD)187.

Le caractère complémentaire de la couverture privée par rapport à l’AMO explique la particularité française d’une prise en charge quasi-généralisée de la population et d’une part importante dans les remboursements, le second élément étant lié au premier.

Graphique 15

Dans d’autres pays (cf. annexe 5), les assurances privées sont principales, comme aux États-Unis, substitutives comme en Allemagne (les hauts revenus souscrivent à une assurance privée car ils ne sont pas couverts par le système public) ou duplicatives comme en Italie ou en Grande-Bretagne où les assurés peuvent être couverts par des assurances privées pour les mêmes soins que ceux pris en charge par l’assurance de base mais selon des modalités plus avantageuses (prestations privées au sein du secteur public) ou pour des soins non pris en charge.

183 La LFSS pour 2001 a aligné les prestations en nature du régime des non-non sur celles du régime général.

184 Les dépassements d’honoraires médicaux. Rapport IGAS avril 2007. P. Aballea, F. Bartoli, L. Eslous, I. Yeni.

185 Médecin référent, cotisations sociales en secteur I et en secteur 2 sous certaines conditions envisagées par l’avenant 8 à la convention médicale, nouvelles formes de rémunération des professionnels de santé (rémunération des contrats de performance ou forfaits de coordination et d’éducation thérapeutique mises en place dans le cadre d’expériences (Expérimentation des nouveaux modes de rémunération pour les maisons de santé).

186 Forfaits de « santé publique » mis en place par la nouvelle convention entre les pharmaciens d’officine et l’assurance maladie approuvée en mai 2012.

187 Ces dépenses intégrées dans l’OGD ne seront pas prises en compte dans les calculs des taux de remboursements de l’AMO et de l’AMC qui ne porteront que sur la CSBM, hors prévention et hors OGD.

3.2.1.2. Les effets de l’AMC sur les dépenses et les prix des biens et services médicaux Le développement de l’AMC a des effets en retour sur les dépenses de santé et les prix des biens et services de santé, peu pris en compte par les pouvoirs publics, sauf en 2004 via les critères des contrats responsables.

Pour les assurés, il a un effet positif puisqu’il facilite l’accès aux soins en réduisant les restes à charge. A l’inverse, selon les garanties couvertes, l’assurance complémentaire peut neutraliser les mesures de modération des dépenses en « réassurant » les tickets modérateurs, et contribuer à la croissance des dépenses de santé188 : cette neutralisation est renforcée par l’extension du tiers-payant. En outre, plus marginalement, les effets volume peuvent être stimulés par les comportements des assurés qui saturent leur plafond de garantie. Des études à l’étranger189 puis en France190 (cf. annexe 6) ont mesuré l’écart entre les dépenses des personnes couvertes par une complémentaire et celles des assurés qui ne le sont pas : selon la DREES, il serait de 29 % pour les dépenses ambulatoires (20 % hors dépassements d’honoraires), les dépenses hospitalières étant moins sensibles à l’effet de la couverture. En ce qui concerne les personnes bénéficiaires de la CMU-C, la différence serait de plus de 38% hors dépassements d’honoraires (41 % avec dépassements d’honoraires), en raison de l’augmentation du poste des médicaments et des honoraires des généralistes191. Sur ce point, il ne faut pas négliger l’effet de rattrapage de soins des personnes défavorisées dont l’état de santé est en outre moins bon que celui du reste de la population.

Un deuxième effet de l’assurance complémentaire serait de favoriser une augmentation des prix des soins, dès lors que la concurrence entre les complémentaires s’établit « sur l’amélioration des conditions de remboursement des coûts non pris en charge par l’AMO192 » et que les tarifs des professionnels s’adaptent à la couverture (dentisterie, optique notamment). L’amélioration des niveaux de garanties, obtenue notamment par le biais des contrats collectifs, adossés à un statut fiscal et social avantageux, y contribuerait. Le HCAAM notait ainsi en 2005, « l’absence de pression caractérisée sur les opérateurs pour optimiser le rapport qualité/prix des prestations couvertes ».

L’augmentation des prix peut conduire à celle des montants de primes qui écarteraient les ménages les moins solvables.

Ces externalités « négatives » de l’AMC sur l’AMO justifieraient une régulation publique, notamment par le biais des contrats responsables (cf. 3.4.1.).

L’accès aux soins et la maîtrise des dépenses de santé dépendent donc d’une articulation entre l’AMO et l’AMC quand bien même des différences fondamentales les séparent au regard de la logique de solidarité et des modèles économiques qui les sous-tendent. C’est pourquoi les politiques récentes ont visé à associer les OC à la maîtrise des dépenses de santé et à la gestion du risque.

188 Pour d’autres économistes, c’est moins la demande qui tire la dépense que l’ « offre opportuniste » des prescripteurs, en raison de l’asymétrie de l’information. Pour ceux-ci, la dépense devrait être régulée par un panier de soins rigoureux (traitements utiles), un contrôle étroit des prescripteurs et une bonne information des assurés. Les politiques de régulation des dépenses empruntent aux deux écoles.

189 J.P. Newhouse. “Free for all? Lessons from the Rand Health Insurance experiment”. 1993.

190 Les déterminants individuels des dépenses de santé. Denis Raynaud. Études et résultats. N°182 Juillet 2002, N°378. Février 2005.

191 Voir sur ce point. « Les bénéficiaires de la CMU-C déclarent plus de pathologies que le reste de la population ». Résultats des enquêtes ESPS 2006-2008.

Caroline Allonier (IRDES), Bénédicte Boisguérin (DREES), Philippe Le Fur (IRDES), M. Païta, P. Ricordeau, L. de Roquefeuil, A. Studer et al. (2007) « Les affections de longue durée des bénéficiaires de la CMU complémentaire ». CNAMTS, Points de repère n° 8, Août 2008.

192 Didier Tabuteau. Editorial. Les tribunes de la santé. 2011-2

3.2.2. Une articulation des actions de maîtrise des dépenses entre l’AMO et