• Aucun résultat trouvé

2 Modélisation du béton par la méthode des éléments discrets sphériques

2.3 Interactions entre les éléments discrets

2.3.1 Définition des interactions

Pour simuler les déplacements et les déformations du milieu maillé en éléments discrets, on définit des interactions entre les éléments. Ces interactions consistent en des liaisons entre deux éléments discrets, auxquels est attachée une loi de comportement mécanique. Pour étudier les matériaux granulaires, des interactions de contact entre les éléments ont été proposées : ces interactions vont s’opposer à l’interpénétration des deux éléments en développant un effort de répulsion. Dans le cas contraire, l’interaction est désactivée entre les deux éléments. Une interaction de contact entre deux éléments et est donc créée à l’instant si la condition suivante est vérifiée :

(2.4)

est la distance qui sépare les centres des éléments discrets et , et (respectivement )

est le rayon de l’élément (respectivement ). Etant donné l’évolution de l’assemblage éléments discrets au cours du temps, les interactions de contact doivent être recherchées au cours du calcul. On voit avec l’équation (2.4) l’avantage d’utiliser des sphères car le critère de détection du contact peut s’écrire sous la forme d’une simple inégalité entre des scalaires.

Les interactions de contact seules ne suffisent pas pour représenter des matériaux cohésifs comme le béton, dans lequel les granulats sont liés entre eux par du ciment, une matrice cohésive. Cette dernière empêche les mouvements relatifs entre les granulats jusqu’à une certaine limite. Il faut donc créer des interactions « cohésives » entre les éléments pour tenir compte de cette résistance. Contrairement aux liaisons de contact qui se créent lorsque les éléments discrets s’interpénètrent, ce n’est pas nécessairement le cas des liaisons cohésives et il est donc nécessaire de définir un domaine

2.3 Interactions entre les éléments discrets

51

d’interaction autour de chaque élément discret béton. Ce domaine dépend du rayon de l’élément discret et d’un scalaire, le coefficient d’interaction :

Lorsque le domaine d’interaction d’un élément discret béton touche celui de son voisin une interaction cohésive est créée entre ces deux éléments discrets (Figure 44).

Figure 44 - Influence du rayon d’interaction sur le voisinage et le nombre de liaisons d’un élément discret.

Enfin, les liaisons cohésives doivent être créées à l’instant initial uniquement, et lorsqu’elles rompent au cours du calcul suite à un mouvement relatif, elles sont supprimées définitivement du modèle car l’endommagement est un phénomène irréversible. En jouant sur le coefficient d’interaction on fait varier le nombre d’interactions cohésives dans l’assemblage éléments discrets (Figure 44). Le nombre moyen de liaisons cohésives par élément discret béton, appelé coordinence, est un paramètre important du modèle ED de béton car il a une influence sur ses propriétés mécaniques. Plus la coordinence est importante, plus il y aura de liaisons entre les éléments discrets de l’échantillon, et ce dernier sera d’autant plus rigide. On montre notamment que le module de Young varie linéairement avec la coordinence (Rousseau, 2009). La mesure de la coordinence s’effectue sans prendre en compte les éléments discrets situés aux frontières de l’échantillon, car ces derniers ont nettement moins de voisins. On fait varier le coefficient d’interaction de manière à avoir une coordinence de 12 à l’intérieur de l’échantillon. On a choisi le nombre 12 car c’est le nombre moyen de contact de chaque élément avec ses voisins dans un assemblage ordonné de type cubique face centrée de sphères de même rayon. Un autre choix de valeur pour la coordinence est possible. Cependant, pour conserver la même influence de ce paramètre sur les propriétés élastiques du matériau représenté par l’assemblage éléments discrets, il faut se tenir à la même valeur pour tous les maillages éléments discrets utilisés.

2.3.2 Recherche des interactions

Les interactions de contact entre les éléments discrets pouvant se produire tout au long de la déformation, il est nécessaire de les identifier à chaque instant du calcul pour décrire correctement le contact entre les différents fragments. Puisque le maillage éléments discrets de la structure étudiée peut être très fin, il faut donc appliquer une méthode de recherche des interactions performante pour limiter son impact sur le temps global de calcul. On peut trouver dans (O'Connor, 1996) une liste de la plupart des algorithmes de tri spatial optimisé développés dans la littérature. Dans ce travail nous utilisons la méthode de subdivision par grille. Cette méthode superpose une grille de cellules sur le maillage éléments discrets et associe ces derniers à la cellule qui les contient. Pour chacune de ces cellules, on recherche les possibilités de création de liaisons entre les éléments

1

Chapitre 2 : Modélisation du béton par la méthode des éléments discrets sphériques

52

discrets qu’elle contient, et avec les éléments discrets des cellules voisines. La taille des cellules doit donc être judicieusement choisie : si les cellules sont trop grandes, des parcours inutiles d’éléments sont effectués, ce qui peut fortement diminuer les performances, et si elles sont trop petites, le risque est de manquer des liaisons possibles entre des éléments discrets situés dans des cellules au-delà des cellules voisines. En outre, la détermination de la taille des cellules est d’autant plus délicate que les éléments discrets ont des tailles très variables. En revanche, cette méthode est très performante pour des assemblages plutôt denses d’éléments discrets dont la distribution des tailles est réduite. Cette méthode est donc la plus adaptée aux maillages éléments discrets que nous produisons dans ce travail de thèse ( , ).

La Figure 45 est un exemple typique en dimension 2 de la mise en œuvre de la méthode de subdivision par grille sur un assemblage d’éléments discrets sphériques avec et une compacité élevée. La grille de cellules symbolisée par des lignes noires est superposée sur ce maillage. On a colorié en orange la cellule courante sur laquelle s’applique la méthode, et en jaune les cellules voisines de cette dernière. Pour déterminer la taille de ces cellules, on se base sur le cas le plus défavorable : pour un élément discret de rayon situé dans la cellule orange ses voisins doivent tous se trouver dans cette cellule et les cellules jaunes pour que la méthode soit la plus performante. Le côté de chaque cellule doit donc avoir pour longueur . On peut le voir pour les deux éléments discrets de taille pour lesquels on a tracé leur rayon d’interaction par un cercle noir : ils sont trop éloignés l’un de l’autre, et ce même si on les rapproche le plus possible l’un de l’autre tout en gardant leurs centres dans leurs cellules respectives. Cette subdivision est donc satisfaisante et tire le meilleur parti des performances de cette méthode.

Figure 45 – Exemple de la mise en œuvre de la méthode de subdivision par grille sur un maillage éléments discrets.

2.3.3 Calcul des efforts d’interaction

Le fait de créer une liaison entre deux éléments discrets se traduit mécaniquement par des efforts qui vont être transmis à chacun de ces éléments. Ces efforts vont s’opposer au mouvement relatif de chaque élément par rapport à son voisin dans les directions normale et tangentielle à un plan de contact fictif (P) situé à égale distance des surfaces de ces deux éléments (Figure 46). Cette résistance

max 2R max 2R max R max R

2.3 Interactions entre les éléments discrets

53

est symbolisée par deux ressorts de raideurs et placés selon chacune de ces directions. Chaque élément discret a six degrés de liberté : trois en translation et trois en rotation.

Figure 46 - Schéma des composantes normale et tangentielle de la liaison.

La liaison est définie géométriquement par une ligne qui passe par les centres des deux éléments discrets et (Figure 47). On définit un vecteur unitaire de même direction que cette ligne et donc

normal à (P). Le plan (P) coupe le segment au point , situé à égale distance des surfaces des éléments et . Ce point va servir à déterminer la composante de l’effort de réaction dans la direction tangentielle au plan de contact (Figure 47).

Figure 47 - Schéma de la liaison entre les deux éléments I et J.

La composante normale à (P) de l’effort exercé par l’élément sur l’élément à un instant donné est la force de rappel du ressort de raideur (voir (2.5)). Cet effort normal au plan de contact s’oppose à l’éloignement ou au rapprochement des deux éléments.

(2.5) La composante tangentielle de l’effort exercé par l’élément sur l’élément est calculée de manière incrémentale par la méthode de Hart (Hart et al., 1988). L’incrément d’effort tangentiel est calculé à partir de la composante tangentielle à (P) de la vitesse relative de l’élément par rapport à l’élément

exprimée au point de contact :

On en déduit l’incrément de déplacement tangentiel à (P) en multipliant cette vitesse par le pas de temps courant :

Puis on calcule l’incrément d’effort tangentiel appliqué par l’élément sur l’élément pour résister à ce mouvement :

N

K

S

K

Plan de contact fictif (P)

N u S u I R J R I G C GJ (P) n

Chapitre 2 : Modélisation du béton par la méthode des éléments discrets sphériques

54

Il reste ensuite à sommer cet incrément d’effort avec l’effort tangentiel cumulé depuis le début du calcul jusqu’à l’instant précédent . Cependant, entre les instants et , si le vecteur a changé, alors il en est de même pour le plan de contact (P). La méthode de Hart propose d’effectuer deux rotations sur l’effort tangentiel cumulé pour l’actualiser. La première rotation permet de prendre en compte le changement de direction de la liaison :

La deuxième formule prend en compte la vitesse de rotation moyenne selon la nouvelle normale :

La composante tangentielle de l’effort de réaction est obtenue en ajoutant l’incrément d’effort tangentiel à l’effort tangentiel cumulé transporté dans le nouveau plan (P) par les deux rotations :

On en déduit le vecteur des efforts internes exercés par la liaison au point sur les deux éléments qu’elle relie (1ère équation de (2.6)). Comme les éléments sont rigides, l’effort et le moment qu’il génère sont appliqués directement aux centres des éléments et avec un signe opposé.

(2.6)

2.3.4 Résistance au roulement

L'effort d'interaction tangentiel déterminé par la méthode de Hart à partir de la vitesse relative des éléments dans le plan de contact, s'oppose au glissement relatif entre les deux éléments. Les vitesses de rotation des éléments sont modifiées uniquement par le moment de l'effort tangentiel transporté au centre de l'élément. Dans le cas où les deux éléments discrets roulent sans glisser l'un sur l'autre, l'effort tangentiel est nul et la liaison cohésive ne s'oppose donc pas à leur mouvement. Etant donné le nombre important d'éléments dans le maillage, chaque élément a au moins 2 voisins donc sa résistance au roulement se fait par frustration (3 sphères en contact ne peuvent rouler sans glisser les unes sur les autres simultanément). Cependant, plusieurs travaux montrent que cette contribution indirecte de l'effort tangentiel à la résistance à la rotation des éléments n'est pas suffisante pour s'opposer au roulement qui peut devenir excessif et modifier les propriétés mécaniques du modèle discret. Des simulations d'essais de compression réalisés par Hentz (Hentz, 2003) montrent que la résistance en compression globale du béton est nettement sous-estimée par un modèle où les rotations des éléments sont libres. Bardet (Bardet, 1994) montre que le roulement des éléments a une influence sur la résistance au cisaillement et donc sur l'apparition et la propagation des bandes de cisaillement dans le modèle.

Pour introduire une résistance au roulement dans notre modèle, nous retenons l'idée de limiter les rotations des éléments (voir Chapitre 1). La solution la plus simple à mettre en œuvre consiste à