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4.3.1 Définition

L’interaction parent-enfant est un cas particulier de l’interaction sociale. Cependant, comme nous l’avons montré dans le chapitre 1, les enfants et les adultes ne partagent pas les mêmes signaux de communication. Les interac-tions parent-enfant évoluent de façon considérable au cours du temps : les premiers échanges s’établissent dans une position face à face, étayée par un engagement de regards mutuels avant l’installation des autres compétences sensorielles et sensori-motrices chez l’enfant. L’interaction parent-enfant a été largement étudiée par le communauté de la psychologie de l’enfant. Par contre il n’existe que très peu de travaux qui traitent ce problème du point de vue computationnel. Dans la littérature, les travaux, qui se sont intéressés à l’in-teraction parent-enfant, se sont particulièrement basés sur l’analyse d’inter-action en étudiant les expressions faciales [Jaffe et al., 2001], le regard ou les comportements vocaux [Crown et al., 2002].

L’analyse d’interaction parent-enfant permet d’identifier certaines règles de communication. Ainsi elle offre la possibilité d’identifier les signaux de communication, produits par le parent, primordiaux dans l’engagement et la régulation de l’interaction. Cette tâche se révèle complexe du fait de la stochas-ticité de l’interaction : variations inter et intra couple interactif (parent-enfant) mais également la coordination ou adaptation mutuelle de part la nature bidi-rectionnelle de l’interaction. Il est possible que l’enfant, également le parent, arrive à prédire le comportement de son interlocuteur (sourire, vocalisation) grâce à certaines règles naturelles d’interaction. Par exemple, lorsque le pa-rent fait un sourire à l’enfant, l’enfant ne va pas forcément faire un sourire. Par contre lorsque l’enfant fait un sourire, le parent doit forcément faire de même et continue à sourire jusqu’à que l’enfant s’arrête [Symons et Moran,

1994]. Par conséquent, la plupart des études sur l’interaction parent-enfant estime que les comportements des parents sont dépendants des actions pré-cédentes de l’enfant. Par contre, il est difficile de prédire les comportements de l’enfant. Il n’existe pas de règles nous permettant de prédire la réponse de l’enfant vis-à-vis d’un comportement ou d’une série de comportements réalisés

4.3. Interaction parent-enfant 121 par le parent [Symons et Moran,1994] [Messinger et al.,2010]. Pour étudier ce phénomène, des travaux se basant sur des analyses statistiques d’interactions parent-enfant [Muratori et al., 2010] ont fait appel à des méthodes automa-tiques qui permettent d’extraire les comportements des parents qui ont plus de pouvoir d’engager une interaction avec l’enfant et évaluer la dépendance de comportement de l’enfant et de parent au cours du temps [Messinger et al.,

2010]. La plupart de ces travaux se basent sur l’analyse des films familiaux. Les méthodes d’apprentissage automatique ont été largement utilisées pour modéliser les comportements humains au cours de l’interaction [Butko et Mo-vellan,2008] [Schulz et Gopnik,2004]. Afin d’identifier les signaux pertinents dans la communication intentionnelle de l’enfant, Messinger et al.[2010] ont appliqué des méthodes des reconnaissance de formes afin de prédire les com-portements des enfants et de leurs mères au cours de l’interaction. Les auteurs ont utilisé une base de données longitudinale : collection des scènes d’inter-actions mère-bébé filmées dans un laboratoire. Ils se sont intéressés à trois comportements : le sourire de l’enfant, le sourire de la mère et l’orientation du regard de l’enfant. Afin de vérifier que l’interaction mère-enfant devient de plus en plus stable au cours du temps, les auteurs ont comparé les scènes d’interactions enregistrées sur des intervalles de temps différents. D’abord, ils ont modélisé les interactions mère-enfant. Ce modèle décrit les couples de comportements. Ils ont utilisé le critère de maximum de vraisemblance pour estimer la distribution des probabilités des transitions entre les différents états d’interaction :

p(it, mt, it−1, mt−1) (4.4)

où i est le comportement de l’enfant, m est le comportement de la mère, it

représente l’état de l’enfant à l’instant t et it−1est l’état de l’enfant à l’instant t − 1. Puis, la similarité entre les différentes scènes est calculée en utilisant les coefficients de Bhattacharyya :

f (p1, p2) = Z

p

p1(s) ×pp2(s)ds (4.5)

où p1 et p2 sont les distributions des interactions dans deux scènes consécu-tives. Les résultats expérimentaux montrent que la similarité entre les scènes consécutives augmente au cours du temps. Les enfants et leur mère deviennent de plus en plus susceptibles d’interagir et surtout avec une certaine stabilité. Par conséquent les comportements des enfants deviennent de plus en plus faciles à prédire au cours du temps.

4.3.2 Etude de films familiaux pour l’analyse

d’interac-tion parent-enfant

Les films familiaux offrent un cadre expérimental pertinent pour l’étude de l’interaction parent-enfant [Saint-Georges et al.,2010] [Muratori et al.,2010]. L’analyse de films familiaux nous permet d’avoir des observations longitudi-nales de l’interaction sociale parent-enfant. Elle permet également d’avoir une observation qualitative du développement cognitif et neuro-moteur de l’enfant. Les films familiaux offre un cadre expérimental riche et adapté aux troubles du développement.

Dans le cadre de l’analyse de l’interaction parent-enfant, en particulier les enfants autistes, et dans l’objectif d’identifier des signes infantiles de l’au-tisme et les premiers symptômes, nous étudions des bases d’observation directe des enfants en situation d’interaction avec leurs parents (les films familiaux). L’analyse des films familiaux permettent d’examiner les interactions sociales précoces [Condon et Sander,1974] [Stern et al.,1975] et les comportements des parents et des enfants pendant la période néonatale [Brazelton et al., 1975]. Ainsi, l’utilisation de films familiaux permet de préciser certains signes pré-coces de pathologies développementales de l’enfant. Même si un grand nombre de travaux porte sur des films familiaux, très peu se consacrent à l’étude du dé-veloppement des enfants avant l’âge de deux ans.Massie [1975] est le premier a avoir publié des études basées sur les films familiaux représentant des enfants à devenir autistique, il s’est intéressé à l’analyse de l’interaction mère-bébé et l’étude des premiers symptômes autistiques. Il a mis en évidence les difficultés des enfants autistes dans l’interaction et l’attachement à ses parents.

D’autres équipes de recherche ont abordé ce problème, Receveur et al.

[2005] ont ainsi développé des outils pour la reconnaissance de signes précoces de l’autisme (geste, imitation, attention). Ils ont étudié les perturbations pré-coces de communication chez les enfants autistes. Ils ont montré que l’inter-action sociale et l’attention conjointe sont déjà défectueuses dès les premiers mois. Dans le même contexte, les travaux de l’équipe de Pise sur le thème des signes précoces de l’autisme et ses conséquences sur l’interaction parent-enfant [Maestro et al.,2001] [Maestro et al.,2002] [Maestro et al.,2006] offrent une description détaillée du développement de l’enfant. Ces auteurs ont étudié les premières apparitions des symptômes autistiques (par exemple attention aux personnes ou aux objets, imitations, etc) en analysant des films familiaux avec différentes conditions et états pathologiques. L’objectif de ces travaux est d’identifier les caractéristiques comportementales des enfants autistes et leurs capacités d’interaction sociale et de communication.