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Comme nous le verrons, l’indice de réfraction de l'eau a été mesuré par différentes techniques et avec plus ou moins de précision par de nombreux chercheurs depuis plus d'un siècle. Parmi les multiples raisons de cet engouement à connaître l’indice de l’eau, on peut citer le fait que l'eau est le liquide le plus répandu sur Terre et sans aucun doute le corps chimique le plus utilisé à travers le monde comme référence (pour sa densité ou son pH par exemple). Sa grande disponibilité et sa facilité d’utilisation simplifient les tests de nouveaux matériels de mesure de certaines propriétés des liquides et elle sert souvent de base expérimentale. En effet, pour de nombreuses propriétés fonctionnelles ou physiques des liquides, il est possible d’effectuer des essais préliminaires en utilisant l’eau avant de transposer l’expérience sur le fluide à caractériser. Du point de vue de l’optique, un grand nombre de caractéristiques telles que la propagation, la réflexion et l'absorption de la lumière sont directement liées à l’indice de réfraction [1]. L’eau, qui est un milieu isotrope, possède un seul indice de réfraction principal. Mais sa mesure n’est pas un problème expérimental simple car l’indice de

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réfraction, défini en fonction de la longueur d’onde, varie avec les autres grandeurs physiques et chimiques du milieu comme la pression, la température, la pureté,….

La courbe de dépendance de l’indice de réfraction de l’eau en fonction de la pression jusqu'à 12 kbars (1200 MPa) a été donnée par Vedam et al. [2]. La figure 1 ci-dessous tirée de leurs travaux présente l’écart d’indice n par rapport à la valeur à 1 bar : elle montre que la variation de l’indice n’est pas linéaire et qu’il semble tendre à l’infini vers une asymptote horizontale.

Fig III-1 : Evolution de l’indice de réfraction de l’eau pour une longueur d’onde de 589,3 nm à 25°C selon Vedam (écart par rapport à la valeur à 0,1 MPa) [2]

Cette variation en fonction de la pression combinée à la variation radiale de la pression dans le jet d’eau est à l’origine des propriétés guidantes du jet d’eau qui se comporte comme une fibre optique naturelle. Mathématiquement, cette évolution d’indice peut être interprétée de trois manières différentes qui seront développées plus précisément dans ce chapitre.

Par ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, des interdépendances apparaissent entre les divers paramètres tels que l’indice, la pression ou la densité. La lumière peut devenir alors une sonde

in situ pour une mesure des propriétés intrinsèques du fluide. Comme nous le verrons dans la

suite de ce chapitre, l’indice de réfraction sera utilisé telle une sonde extrêmement précise pour obtenir d’autres propriétés physiques par des mesures « tout optique ». Malheureusement, à l’heure actuelle et malgré l'intérêt des scientifiques pour les propriétés optiques de l'eau, l'indice de réfraction n’est connu que pour certaines longueurs d’onde pour des pressions et/ou températures fixes ou, inversement, à une seule longueur d’onde mais pour des pressions et/ou températures variables.

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De nombreuses études [2-7] tentent de décrire les propriétés optiques de réfraction de l'eau en fonction de paramètres physiques comme la pression ou la longueur d'onde, mais les modélisations physiques disponibles donnent une description partielle de ces propriétés. Alors que certaines études portent sur l'influence de la pression à longueurs d'ondes spécifiques dans le spectre visible à température ambiante [2-4], les autres mettent l'accent sur la dépendance à la pression de l'indice de réfraction de l'eau pour une longueur d'onde donnée du faisceau. Malheureusement, la valeur de la pression utilisée dans ces expériences ne monte guère qu'à quelques centaines de bars (< 1000 bars, soit 100 MPa) [5-7].

D’autre part, la relation entre la densité d'un liquide et sa pression est bien connue. C’est pourquoi la valeur de la densité est généralement obtenue expérimentalement via les mesures de pression. Ce type de dispositif expérimental utilise principalement des techniques basées sur le cylindre d'Archimède, le soufflet métallique et le tube en U oscillant. [8,9]

Cependant, dans de nombreux procédés industriels, par exemple dans le cas d'un écoulement de liquide (pétrochimie,…), il est souvent nécessaire de déterminer en temps réel la pression ou la densité du fluide. Parmi les diverses méthodes utilisées pour effectuer ces mesures, les plus répandues sont basées sur des capteurs mécaniques ou électriques, mais les méthodes optiques sont considérées comme d’excellentes candidates du fait de la précision que l’on peut espérer obtenir avec les capteurs optiques associés. Et ce d’autant plus que les mesures optiques sont considérées comme avantageuses en raison de leur caractère non intrusif et non perturbateur du fluide caractérisé.

L’équation de Lorentz-Lorenz (LL) [10], couramment utilisée en mécanique des fluides, relie la densité et l'indice de réfraction d'un liquide [11] en faisant intervenir des propriétés physiques comme la polarisabilité, la masse molaire ou des constantes comme le nombre d’Avogadro. Jamais à notre connaissance, dans la littérature, l’évolution de la polarisabilité n’a été définie en fonction de la pression. Mais, pour atteindre les objectifs de ce présent travail de thèse, nous avons établi, de façon originale, le lien entre ces deux paramètres.

Par ailleurs, la dispersion en longueur d'onde de l'indice de réfraction est généralement établie à l'aide de l’équation de Sellmeier [12]. Les valeurs expérimentales de l’indice mesurées pour certaines longueurs d’onde, permettent la détermination des paramètres constants de l’équation de Sellmeier qui fournira alors l’indice dans une plage plus étendue en longueur d’onde. Cette équation ne prend pas en compte les paramètres physiques externes pouvant influencer le comportement de l’indice (la pression par exemple). C’est donc également pour

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cela, afin d’assurer le couplage laser - jet d’eau que nous avons modifié, également de façon originale, cette expression pour prendre en compte l’influence de la pression (ou de la densité) dans la mesure de l’indice de réfraction.

Contrairement à la formule de Sellmeier, il existe une relation établie par Tait qui donne l’indice de réfraction en fonction de la pression mais sans tenir compte de la longueur d’onde [13]. L’équation de Tait représente une troisième technique possible pour l’interprétation des résultats de nos caractérisations optiques de l’eau. De nouveau ici, nos mesures permettront de compléter l’équation initiale de Tait en faisant dépendre les paramètres liés à la pression et à la longueur d’onde.

À notre connaissance, il n'existe pas de travaux étudiant les propriétés optiques et physiques de l’eau, ainsi que leurs interactions réciproques au-delà de 100 MPa. Or, aujourd’hui, de nombreuses applications telles que la découpe jet d’eau nécessitent des pressions pouvant atteindre 600 MPa. C’est pourquoi la connaissance des liens qui unissent pression, densité, indice de réfraction et longueur d’onde permettrait de créer des analyseurs de jet ou bien encore des capteurs de pression et/ou de pureté des fluides dans l’industrie pétrochimique. C’est aussi pour ces raisons, qu’au-delà des besoins propres liés à notre étude, il nous a semblé important d’étudier ses propriétés à fortes potentialités industrielles.