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Intérêts du microscope de fluorescence par excitation à deux photons pour l’étude de milieu

I.2. ÉMISSION DE FLUORESCENCE SOUS EXCITATION À DEUX PHOTONS

I.2.3. Le microscope de fluorescence par excitation à deux photons

I.2.3.3. Intérêts du microscope de fluorescence par excitation à deux photons pour l’étude de milieu

Considérant le principe de fonctionnement du microscope de fluorescence par EDP, il apparaît immédiatement que la configuration, et donc la mise en œuvre du système est relativement simple étant donnée l'absence du trou de filtrage requis dans la configuration confocale. Le microscope de fluorescence biphotonique étant caractérisé par de très bonnes résolutions spatiales dans les trois dimensions, il devient une technique alternative à la microscopie confocale et offre par ailleurs divers avantages supplémentaires [König 1996a, Brakenhoff 1996] que nous décrivons ci-dessous.

(1) Peu (voire pas ) de bruit de fond.

La génération de la fluorescence ne se produisant qu’au point focal, aucun signal parasite ne provient des plans inférieurs et supérieurs au plan focal. Cette propriété du microscope biphotonique autorise, grâce à l’absence de trou de filtrage, une détection de la totalité de la fluorescence avec très peu de bruit de fond.

(2) Longueurs d’onde d’excitation et d’émission bien séparées.

La longueur d’onde d’émission de fluorescence suite à un processus d’excitation biphotonique est quasiment le double de la longueur d’onde d’excitation. Il est donc très facile, à la détection, de séparer efficacement le signal de fluorescence émis du rayonnement excitateur incident au moyen de filtres appropriés. D’autre part, cette configuration permet de s’affranchir du bruit qui provient de la lumière diffusée par l’échantillon (dont la longueur d’onde est proche de celle de l’excitation). Ceci est un avantage considérable lors d’études à travers des milieux diffusants tels que des tissus.

(3) Amélioration de la profondeur de pénétration.

Les coefficients d’absorption de la plupart des composants biologiques sont plus faibles dans l’infrarouge que dans l’ultraviolet. Il en résulte une meilleure profondeur de pénétration du faisceau laser dans les échantillons (au moins double de celle obtenue en microscopie confocale). Cet avantage majeur a déjà été vérifié expérimentalement et exploité pour l’étude de divers échantillons épais [Centonze 1998, Vroom 1999].

(4) Dégradation des échantillons réduite.

Le principal avantage du microscope de fluorescence par EDP est la restriction des éventuels dommages au point de focalisation, due à la localisation de l’excitation. Les divers problèmes

exposés au paragraphe I.1.1.6 rencontrés lors de l’excitation d’une molécule : effets thermiques, photo-blanchiment, création de photo-produits, photo-dégradation seront ainsi limités au micro-volume de focalisation. Ceci constitue déjà un avantage non négligeable en comparaison de la microscopie confocale. Cependant il reste à étudier dans quelles mesures l’EDP n’est pas localement plus destructrice en raison des très fortes densités de puissance

utilisées en régime femtoseconde à haute cadence (puissance crête de l’ordre du TW/cm2).

Les dommages causés suite à une EDP sont difficiles à estimer, ceux-ci dépendant de nombreux paramètres tels que la concentration et le type de fluorophore utilisé, la longueur d’onde et la densité de puissance incidente, et bien sûr le type d’échantillon étudié. Peu d’études systématiques ont été publiées dans ce contexte. Il existe tout de même quelques études quantitatives complètes des dommages induits par une excitation multiphotonique définissant les paramètres à contrôler pour des applications particulières telles que l’imagerie de fluorescence de l’activité calcique en milieu cellulaire (neurones) [Koester 1999] ou les effets de l’excitation de molécules photosensibles utilisées en thérapie photodynamique sur l’ADN [Shafirovich 1999]. Afin de tenter de préciser ces effets de dommages, nous effectuerons ici une synthèse de divers résultats publiés analysant les problèmes et dégradations causées par une EDP.

Effets de saturation.

Les effets de saturation de l’état excité dépendent bien sûr de la section efficace d’absorption du fluorophore et du flux de photons incident. La première étude de microscopie de fluorescence effectuée par Denk et al. en 1990 révéla que le seuil de puissance moyenne avant

saturation était d’environ 50 mW pour une molécule dont la section efficace d’absorption à

deux photons était de 10-50 cm4.s/photon/molecule (impulsions de 100 fs de durée à la cadence

de 80 MHz focalisées par un objectif d’ouverture numérique 1,4). En comparaison, l’effet de saturation, suite à une excitation monophotonique, apparaît pour des puissances moyennes de même ordre de grandeur. La fréquence des impulsions est par ailleurs un paramètre important. En effet, le nombre de photons absorbés par unité de temps peut être amélioré en augmentant la fréquence mais celle-ci doit être suffisamment faible pour permettre aux molécules excitées de se relaxer entre deux impulsions consécutives. Une fréquence de 80 MHz, correspondant à un intervalle de 12,5 ns entre deux impulsions, semble bien appropriée à la plupart des molécules en solution dont la durée de vie de fluorescence est généralement inférieure à quelques nanosecondes.

La valeur du seuil de puissance moyenne avant saturation, d’environ 50 mW (flux de photons

incident de 1030-1031 photons cm2 s-1), a été confirmée pour une large gamme de fluorophores

lors d’études ultérieures [Albota 1998, Xu 1996]. Notons que les puissances employées expérimentalement pour la plupart des applications biologiques sont en général largement inférieures à ce seuil.

Effets thermiques.

Il a été démontré que pour des impulsions peu énergétiques à haute cadence (impulsions de

100 fs, 80 MHz, puissance moyenne 100 mW⇒ ~1 nJ/impulsions) comparées à une

excitation continue avec la même puissance moyenne, les effets thermiques générés sont généralement négligeables [Denk 1995]. Nous rappellerons que l’excitation biphotonique de la fluorescence peut s’effectuer en régime continu. Les puissances moyennes mises en jeu

sont alors supérieures à celles utilisées en régime femtoseconde d’un facteur 102 à 103, et sont

donc inadaptées pour la plupart des applications. On constate donc ici l’importance de l’utilisation de lasers à impulsions femtosecondes pour la survie du matériel biologique. Certaines précautions doivent néanmoins être prises dans les cas où la concentration locale de fluorophores est très élevée.

Photo-blanchiment.

Comme dans le cas des effets de saturation, les effets de photo-blanchiment dépendent des sections efficaces d’absorption, de la densité de puissance incidente mais aussi des affinités réactionnelles des fluorophores avec les molécules environnantes. Ces effets sont donc difficiles à quantifier. Il apparaît qu’à faible intensité d’excitation, les taux de photo- blanchiment, suite à une excitation monophotonique et biphotonique, sont comparables mais ce taux peut être considérablement augmenté dans le cas biphotonique lors de l’utilisation de puissances élevées [Patterson 2000]. Néanmoins, considérant que les densités de puissances employées lors des études en milieu biologique vivant sont extrêmement faibles, les effets de photo-blanchiment sont généralement minimisés. Nous insisterons aussi sur le fait que le microscope confocal de fluorescence induit des effets de photo-blanchiment sur la quasi- totalité du trajet du faisceau. Une dégradation progressive de l’échantillon lors d’acquisitions dans des plans focaux successifs est ainsi induite pouvant dégrader la qualité et la fiabilité des informations obtenues. Dans le cas du microscope biphotonique, cet effet est restreint au micro-volume de focalisation. Il a été estimé que, pour des conditions d’excitation comparables, le nombre moyen de fluorophores dégradés dans un échantillon lors d’une série d’acquisition d’images de 10 sections en profondeur par microscopie confocale était environ

égal au nombre total de fluorophores dégradés pour 100 sections en microscopie biphotonique. Ceci aura évidemment un impact considérable pour la survie des échantillons biologiques.

Viabilité des échantillons biologiques sous excitation à deux photons.

La viabilité des échantillons biologiques est la contrainte la plus importante en microscopie de fluorescence. Bien que dans le cas de la microscopie biphotonique, une réduction importante des dommages induits est attendue, il faut garder à l’esprit que les effets engendrés dans le plan focal, sous certaines conditions, sont comparables à ceux consécutifs à une excitation monophotonique. En particulier, les effets dus à des réactions à l’état excité du fluorophore, avec la possibilité de génération de photo-produits toxiques, persistent. De plus, étant donné

le manque de données concernant le processus d’absorption à deux photons, la possibilité de

sections efficaces d’absorption à deux photons importantes pour certains fluorophores endogènes ne peut être exclue. Ces composants cellulaires seraient alors particulièrement

susceptibles d’être endommagés.

Les photo-dommages générés en milieu cellulaires par une EDP sont difficiles à prévoir. Bien que certaines publications montrent que la viabilité des cellules peut être significativement compromise dans le cas d’une EDP [Schwille 1999, Risdale 1993], la plupart des études révèle un avantage certain pour ce mode d’excitation.

Nous citerons ici quelques exemples :

- Denk et al., lors de la première expérience de microscopie par EDP en cellules vivantes (1990) constatèrent que l’exposition des cellules, contenant de l’ADN marqué, pendant quelques minutes à une radiation UV provenant d’une lampe à vapeur de mercure, produisait des changements morphologiques sévères. À l’inverse, suite à une EDP dans des conditions de puissances similaires, aucun changement morphologique n’était visible,

- l’étude de myocytes cardiaques marqués à l’Indo1 (marqueur du calcium) pour une application d’imagerie de l’activité calcique [Piston 1994], montra que les cellules survivaient plus longtemps dans le cas d’une excitation biphotonique produisant le même taux de fluorescence au plan focal que celui généré lors d’une excitation monophotonique.

Dans tous les cas, les dommages induits par une excitation biphotonique sont proportionnels au nombre de photons absorbés donc ils dépendent du carré du flux de photons incidents sur l’échantillon. Les puissances moyennes doivent ainsi être suffisamment faibles pour minimiser les éventuelles dégradations.

Toutes ces constatations réunies, la microscopie de fluorescence par EDP est une technique particulièrement bien appropriée et peu destructive pour les études in-vivo. En résumé, comparé au microscope confocal, la technique est caractérisée par une très grande simplicité de mise en œuvre, des possibilités de pénétration en profondeur dans des échantillons épais et diffusants et, sous certaines conditions d’excitation, une minimisation des photo-dommages. Depuis quelques années, cette nouvelle technique est fréquemment utilisée dans les expériences d’imagerie de fluorescence en milieu biologique vivant.