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Chapitre IV : Développement et optimisation du dispositif de LIF en jet froid

1. Couplage du jet supersonique à la fluorescence induite par laser

1.2. Intérêts de la LIF en jet froid pour la mesure des HAPs

Les flammes sont un milieu d’étude extrêmement complexe où de nombreuses espèces chimiques sont formées à haute température. Les HAPs sont formés en quantités plus ou moins importantes selon la richesse de la flamme. Comme présenté dans le Chapitre II, les HAPs présentent des bandes d’absorption et de fluorescence dans le domaine de l’UV-visible. Cependant leurs spectres d’excitation et d’émission de fluorescence sont assez larges. Par conséquent, la détection sélective d’un HAP particulier n’est pas possible par LIF in-situ dans les flammes.

L’utilisation de la LIF in-situ dans les flammes permet seulement d’accéder à un certain nombre d’informations en considérant des familles de HAPs. Ces familles se distinguent de part le nombre de cycles aromatiques de leurs composés et donc de leur gamme spectrale d’excitation et d’émission de fluorescence. L’analyse des signaux peut conduire à des informations qualitatives selon la taille du HAP alors que l’aspect quantitatif généralement fait défaut. En effet, Haynes et al. [176] ont montré que le signal de LIF augmente plus rapidement que la concentration des HAPs selon la hauteur dans la flamme. Cet effet est imputable à l’excitation d’espèces absorbantes (HAPs de diverses tailles, nanoparticules, suies) aux propriétés photophysiques différentes (section efficace

d’absorption, facteur de Boltzmann, facteur de Frank-Condon…). A cela s’ajoute la dépendance des propriétés spectroscopiques des espèces fluorescentes à la température, et au quenching avec l’oxygène [177].

Les expériences de LIF in-situ sont également confrontées aux problèmes de sensibilité liés aux effets de température sur les spectres des HAPs. Chi et al [178] [179] ont étudié l’émission de fluorescence de divers HAPs gazeux (anthracène, phénanthrène, pyrène et chrysène) pour des températures de 130 à 650°C. Ils montrent une déstructuration des spectres lorsque la température augmente ainsi qu’un décalage spectral vers les hautes longueurs d’onde du signal de fluorescence de 3 nm par tranche de 100°C, phénomène imputé à l’augmentation des niveaux d’énergie vibrationnels peuplés. Thöny et Rossi [180] ont focalisé leur attention sur l’évolution des spectres d’absorption d’autres HAPs (notamment l’anthracène et le pyrène) entre 200 nm et 400 nm jusque 550°C. Leurs résultats montrent une dégradation du spectre d’absorption avec l’augmentation en température, ainsi qu’un décalage vers le rouge des bandes vibroniques.

C’est dans ce contexte (intérêt de la LIF pour la mesure de ces espèces bien qu’une difficulté de mise en œuvre existe à haute température) qu’a été développée la méthode JCLIF (Jet-Cooled-LIF) au laboratoire [167], dans le but de doser sélectivement des HAPs. Le dispositif mis en œuvre s’inspire de travaux antérieurs de la littérature destinés à déterminer des caractéristiques spectroscopique de certaines espèces moléculaires [91] [181] [182] [183]. Le principal objectif de l’application du jet supersonique à l’étude de flammes est de simplifier la structure des spectres de HAPs pour permettre un dosage sélectif. Ce système induit un fort abaissement de la température des espèces prélevées avant leur détection, permettant l’obtention de spectres résolus et structurés, caractéristiques de la molécule étudiée. Cet avantage est illustré sur la Figure IV-3 qui compare les spectres d’excitation de fluorescence du dioxyde d’azote à température ambiante et en condition de jet supersonique [184]. Le couplage LIF-jet répond ainsi parfaitement aux conditions nécessaires à la mesure sélective des composés lourds issus de la flamme.

Figure IV-3 : Spectres d'excitation de fluorescence de NO2 respectivement à température ambiante, pur dans

un jet supersonique et dilué dans l'argon au sein d'un jet supersonique [184].

D’un point de vue moléculaire, le refroidissement des espèces lors de la détente dans le jet supersonique induit une redistribution des molécules sur les divers niveaux d’énergie, provoquant un dépeuplement des niveaux d’énergie élevée au profit des niveaux de l’état fondamental (loi de Maxwell-Boltzmann). De ce fait, le nombre de transitions possibles de l’état fondamental vers des états excités s’en trouve réduit, ce qui permet l’obtention de spectres d’excitation simplifiés (disparition notamment des bandes chaudes). Cet effet est d’autant plus probant que le poids moléculaire, allant de pair avec le nombre de modes de vibrations, est important. Le schéma sur la Figure IV-4 illustre cet effet de refroidissement. Il est donc possible via ce couplage d’obtenir une double sélectivité à l’excitation et à l’émission.

Figure IV-4 : Principe simplifié de l'influence de la température initiale sur l'aspect du spectre d'excitation.

5 4 3 2 1 5 4 3 2 1 Haute Température 5 4 3 2 1 5 4 3 2 1 Basse Température

Le jet supersonique confère ainsi un caractère sélectif au dispositif, mais il permet aussi du fait de l’absence de collision au sein du jet de rendre le signal de fluorescence proportionnel à la concentration de l’espèce étudiée. En effet, le flux de photons de fluorescence après l’excitation laser est exprimé par l’Equation II.19 (démontrée Chapitre II.1.1.3):

Certaines simplifications peuvent s’opérer dans nos conditions de travail :

- Les conditions d’excitation laser étant exactement les mêmes au cours de l’expérience, la densité d’énergie laser demeure constante. Il en résulte .

- Les conditions de collection de la fluorescence sont également identiques au cours de chaque expérience, d’où

- La densité de gaz diminue fortement durant l’expansion au sein du jet supersonique, ainsi le nombre de collisions occasionnées devient très limité, d’où un faible quenching des aromatiques avec les espèces environnantes. A cela, s’ajoute un phénomène de thermalisation des gaz en entrée de jet, garantissant une température constante à une distance x fixée au sein de la détente. Ainsi les facteurs uniquement dépendants de la température et de la longueur d’onde comme le facteur Boltzmann et donc la section efficace d’absorption sont constants lors de l’étude. De plus, le rendement quantique de fluorescence ainsi que le temps de vie de fluorescence sont considérés comme constants et optimaux. D’où et .

En définitif, l’utilisation d’un jet supersonique couplé à la technique LIF offre de nombreux avantages dans nos conditions expérimentales. La constance des conditions d’excitation, de collection de fluorescence, de pression et de température à une position donnée dans le jet rend le signal de fluorescence directement proportionnel à la population totale de l’espèce analysée :

Equation IV.11 Les signaux LIF mesurés sont donc quantifiables, ce qui peut être réalisé par l’utilisation de composés HAPs purs et de concentration connue comme nous le verrons dans

l’obtention de spectres simplifiés et indépendants des modifications de certains paramètres critiques (température, section efficace d’absorption, rendement quantique de fluorescence).

Il s’avère que la température de refroidissement est un paramètre crucial pour la sélectivité du dispositif. D’après les travaux de Klots [174], développés Chapitre IV.1.1, cette température de refroidissement est directement dépendante de la température initiale des gaz . C’est pourquoi nous avons réalisé une étude expérimentale couplée à de la modélisation spectrale afin de mettre en évidence l’influence de ce paramètre pour l’étude des HAPs. Ce travail, présenté au point suivant, a été réalisé sur le naphtalène, soit injecté directement dans la chambre d’analyse (naphtalène pur) soit prélevé au sein de la flamme. Notre choix s’est porté sur cette espèce essentiellement pour les raisons suivantes :

- Sa forte pression de vapeur saturante [185] qui permet d’injecter de manière aisée une concentration suffisamment importante et stable de naphtalène.

- Le fait que cette espèce soit présente en concentration non négligeable dans les flammes suitées [186] [187]

- La bonne connaissance de la spectroscopie du naphtalène qui a été largement étudiée dans la littérature concernant les positions des bandes d’excitation et d’émission de fluorescence (voir Chapitre II.1.3.1).

- Le fait que le naphtalène possède un rendement quantique de fluorescence relativement important ( ) [188] [96] [189] [190] et donc une

bonne sensibilité à la technique de LIF.

2. Influence de la température initiale sur la capacité de