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Intégration des flux

FONCTIONNEMENT ET ECHELLES

8.1. Intégration des flux

Du fait des différences des vitesse, longueur et temps caractéristiques ainsi que des zones et périodes actives selon les processus, l'intégration spatio- temporelle des flux à l'intérieur d'un bassin versant se traduit par une certaine redistribution spatiale (verticale, latérale) des apports, un certain lissage de leurs variations temporelles, un certain décalage temporel des réponses: à tout moment et en tout point d'un bassin, des eaux d'âges très variés peuvent coexister dans les réservoirs et être mobilisées par les flux.

L'évapotranspiration ou l'écoulement de crue peut concerner des eaux apportées par plusieurs événements antérieurs, en mélange variable selon les processus générateurs. En réponse ù une averse unique, des processus de vitesses très différentes peuvent générer une crue Ù pics multiples, dont certains peuvent se produire bien après la fin de la pluie.

Affecté par l'évapotranspiration diurne, le profil hydrique du sol se rééquilibre la nuit. Une période de tarissement fortement influencé par l'évaporation peut être suivie d'une période de remontée lente des débits d'un cours d'eau, par simple rééquilibrage avec la nappe qu'il draine.

Cette intégration se manifeste à toutes les échelles, mais avec des effets variés sur le lissage des hétérogénéités locales.

Les différences locales de statut des arbres se manifestent par la variabilité des t a n de transpiration dans un peuplement. Celles des vitesses de percolation dans les sols hétérogènes, par l'irrégularité du front d'infiltration. Celles des temps de transfert dans et sur les versants, par la forme plus ou moins étalée de l'hydrogramme de crue. Celles des vitesses d'écoulement, par la dispersion progressive d'une pollution locale dans une nappe, ou d'un traceur lors d'un jaugeage par dilution en cours d'eau. Par contre, l'extraction d'un système racinaire bien développé tend Ù réduire la variabilité locale des teneurs en eau liée aux microhétérogénéités du sol; l'effet des variations d'intensité de pluie sur

les hydrogrammes de crue diminue quand la taille du bassin augmente, la trtrbulence tend à homogénéiser les masses d'air 021 d'eau.

11 en résulte que les fonctionnements et, à plus long terme, les régimes hydrologiques peuvent être marqués par des processus dominants ou des combinaisons de processus dominants, variables selon les milieux [Falkenmark et Chapman, 19891 mais aussi, pour un 'bassin donné, selon les périodes - en relation notamment avec le caractère intermittent des précipitations et les variations d'état hydrique.

Les écoulements dominent durant la saison humide, et I'évapotranspiration durant la saison sèche. Dans les régions agricoles limoneuses, la redistribution des précipitations est contrôlée par la formation rapide de croûtes de battance favorisant le ruissellement et l'érosion. Les écoulements sont essentiellement souterrains et matriciels dans les milieux granitiques tempérés très perméables, essentiellement souterrains et en macropores dans les milieux calcaires karstiques, essentiellement superficiels dans les milieux méditerranéen et soudano- sahéliens à encroctement de surface généralisé ou en milieu urbanisé fortement imperméabilisé. Les bassins versants comportant des glaciers importants ont un régime plus influencé par l'énergie disponible pour la fonte que par lesprécipitations.

Certains processus dominants peuvent être associés à des cheminements préférentiels de l'eau à l'intérieur du bassin: il s'agit de motifs linéaires ou de zones aux propriétés de transfert nettement plus élevées que le milieu environnant, à travers lesquels I'eau peut s'écouler beaucoup plus rapidement jusqu'aux bornes du bassin ou entre ses réservoirs

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pour autant bien sûr que les conditions hydriques permettent de les activer.

En période de stress hydrique dans le sol, des racines profondes peuvent permettre à la végétation de prélever directement de l'eau dans les nappes. Lorsqu'ils sont alimentés en eau libre, les macropores permetterrt de court-circuiter la matrice du sol OU le massif rocheux moins perméable. Les écozrlements dans les versants sont plus rapides dans les zones de convergence gérréralemerzt plus humides et donc plus conductrices. Les eaux dans les aqu~jëres allztviaux hétérogènes s'écoulent préférentiellement dans les niveaux orr lentilles de gravier et de sable. Sur des parcelles cztltivées, le ruissellement exploite les lignes d'inter-semis et les traces de roues. Les eaux de suvface se concentrent dans le réseau hydrographique pérenne, ainsi que dans le réseau temporaire Fossés, ravines, rigoles,..;) quand il est alimenté. Le courant est le plus fort dans le bras principal d'un lit majeur anastomosé.

Ceci souligne d'ailleurs le danger de ne considérer dans la description d'un bassin que les valeurs moyennes des distributions spatiales de ses paramètres hydrologiques, puisque les cheminements préférentiels, qui jouent dans

certaines conditions un rôle majeur dans son fonctionnement, sont en fait associés à des valeurs extrêmes des paramètres de transfert.

Ces processus dominants et cheminements préférentiels sont particulièrement importants à prendre en compte dans l'analyse des aléas hydrologiques que constituent les cmes et sécheresses exceptionnelles, et des risques qu'ils représentent pour les activités humaines selon leur vulnérabilité.

Ces aléas sont associés à des valeurs extrêmes des distributions fréquentielles des forçages atmosphériques mais aussi des zones et périodes contributives:

@ Les crues exceptionnelles [Roche, 1987; SHF, 1994; Casale, 19961 sont généralement associées à des apports d'eau exceptionnellement importants sur une courte période, portant à leur extension maximale les zones hydrologiquement actives et contributives, et conduisant au dépassement de nombreux seuils de stockage et de transfert. Ceci permet l'activation momentanée sur une grande partie voire la totalité du bassin des processus et cheminements d'écoulement les plus rapides (ruissellement, intumescente de nappe; macropores, réseau de drainage total). L'évac~iation rapide de ces volumes d'eau très itnportants peut aussi provoquer en aval des inondations et donc une recharge des nappes alluviales sur une zone e.rceptionne1lement étendue.

Inversement, les sécheresses exceptionnelles [Choisnel et Noilhan, 19951 sont généralement associées à une con~binaison d'apports exceptionnellement faibles en eau et forts en énergie sur une longue période, réduisant à leur extension minimale les zones hydrologiquement actives et contributives. L'assèchement des sols et le flétrissement de la végétation conduisent progressivement à l'arrêt de I'évapotranspiration sur une partie exceptionnellement étendue du bassin; et le tarissement des nappes et des sources, à l'arrêt des écoulements tant dans les versants que dans une proportion exceptionnellement importante du réseau de drainage.

Dans un milieu donné, la fréquence des aléas hydrologiques n'est généralement pas la même que celle des apports exceptionnels d'eau ou d'énergie, du fait du rôle important joué aussi par les conditions initiales dans leur genèse.

Dépassant largement les capacités de stockage limitées d'un bassin versant, toute précipitation exceptionnelle provoque bien sûr une crue exceptionnelle; mais une telle crue peut également être générée par des précipitations de période de retour plus courte si l'état initial du bassin est déjà proche de la saturation du fait des précipitations antérieures (cf:

Fig. 5.3). Il en est de même pour les effets d'une période de sécheresse, d'autant pltis sévères que les conditions initiales sont plus sèches. Ou encore, dans le cas d'un glissement de terrain ayant obstrué le fond d'une vallée, la rupture de ce barrage instable lors d'une crue ultérieure peut

provoquer en aval une inondation catastrophiqt~e, sans commune mesure avec l'intensité de l'événement.

Due au dépassement de seuils de déclenchement ou d'arrêt de processus et au rôle amplificateur des conditions hydriques initiales, la non-linéarité des fonctionnements rend difficile la prévision des effets hydrologiques de conditions exceptionnelles à partir de la connaissance des fonctionnements en conditions normales. Il est néanmoins generaiement possible de définir au moins, à l'aide des concepts précédents, des zones et périodes à risques à différentes échelles.

Les crues catastrophiques sévissant fréquemment en début d'automne sur le nord du pourtour méditerranéen occidental correspondent à des conditions spatio-temporelles bien particulières: des précipitations très intenses, liées le plus souvent à trn type de situation météorologique caractérisé par un blocage sur les reliefs proches de la mer de masses d'air au potentiel de précipitations très élevé après leur fort échauffement atr dessus de Ia péninsule ibérique puis leur saturation en vapeur d'eau au dessus de la Méditerranée. Dans les régions montagneuses tempérées, les crues les pltts fortes sont souvent associées à des pluies pas forcément exceptionnelles mais provoquant aussi la fonte rapide du manteau neigeux. La morphologie des plaines alluviales et de leur réseau hydrographique permet de cartographier les zones inondables associées à tout débit exceptionnel donné. Les risques d'avalanches sont maximaux pour certaines conditions de manteau neigeux et dans certaines configurations de terrain.