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Instruments de suivi d’affouillement autour des piles

État de l’art

I.7 Instruments de suivi d’affouillement autour des piles

L’estimation de la profondeur de la fosse d’affouillement générée par un ouvrage en amont de sa construction s’avère être une tâche délicate compte tenu des limitations des formules empiriques. De plus, l’évolution au cours du temps du lit de la rivière, le changement du régime d’écoulement, la construction de nouveaux ouvrages et le changement climatique font que le phénomène d’affouillement est imprévisible. De ce fait, il est impératif de suivre l’évo-lution de l’affouillement au cours de la vie de l’ouvrage. En France, l’ensemble des ouvrages fait habituellement objet d’une inspection périodique tous les 6 ans. Avec un appui en site hydraulique, une vérification détaillée de l’état des parties immergées de l’ouvrage est égale-ment réalisée grâce à des plongeurs. Toutefois, la présence d’une fosse d’affouilleégale-ment au droit des fondations peut être temporairement dissimulée par des dépôts de sols très lâches ou par des enrochements ce qui rend ces inspections visuelles insuffisantes pour évaluer l’état réel de l’ouvrage. Il est alors nécessaire de développer d’autres techniques de suivi de l’affouillement plus performantes.

Les instruments de suivi d’affouillement ont énormément évolué au cours des vingt dernières années. Plusieurs auteurs (Brandimarte et al.,2012;Prendergast & Gavin,2014;Wang et al.,

2017) ont identifié différentes classifications de ces outils : directs / indirects, mesure ponc-tuelle /continue, fixe / mobile ou suivant la technologie utilisée (électrique, électromagnétique, acoustique, magnétique, fibre optique...).

Ces différents instruments peuvent toutefois être regroupés en deux grandes catégories suivant leur principe de mesure. La première catégorie regroupe les instruments géophysiques de surface, et la deuxième catégorie regroupe les instruments qui utilisent des références ou des repères.

I.7.1 Instruments géophysiques de surface

Ces instruments reposent sur le principe de propagation d’ondes pour déterminer la position de l’interface eau/sol et ainsi la profondeur de l’affouillement. Une onde est émise à la sur-face d’eau, elle se propage et est réfléchie au niveau des intersur-faces séparant des matériaux de propriétés différentes. En analysant le signal réfléchi, la position et propriétés de l’inter-face peuvent être déterminées (Placzek & Haeni,1995). Ces outils émettent différents types d’ondes : ondes électromagnétiques (radar, réflectométrie temporelle) ou des ondes acoustiques (sonar).

Gorin & Haeni(1989); Horne(1993); Millard et al.(1998); Forde et al. (1999);Thitimakorn

(2007) ont utilisé le radar pénétrant pour déterminer la profondeur d’affouillement. Le principe de fonctionnement de cet instrument est illustré sur la figure I.9. Ce dispositif envoie des ondes électromagnétiques grâce à une antenne émettrice. L’onde se propage dans l’eau et est partiellement réfléchie en atteignant le lit du cours d’eau. L’analyse des signaux réfléchis, enregistrés par le récepteur, permet de connaître la position du lit, et ainsi la profondeur d’affouillement.

Figure I.9. Principe de détection de l’affouillement avec le radar

Toutefois, cet instrument présente de nombreux inconvénients : la nécessité d’un opérateur qualifié pour effectuer la mesure et interpréter les résultats, beaucoup de temps nécessaire pour effectuer la mesure et l’incapacité de mesure lors d’une crue (Lu Deng,2010;Prendergast &

Gavin,2014).

La réflectométrie temporelle (TDR) utilise le même principe de fonctionnement que le radar, à la différence que l’onde électromagnétique est émise le long d’un tube installé près de la pile qui sert de guide onde (Figure I.10). Si le milieu de propagation est invariant, l’onde se propage jusqu’à la fin du tube. Dans le cas contraire, une partie de l’onde est réfléchie vers l’émetteur. Connaissant le temps de parcours, la distance parcourue par l’onde peut être déterminée (Yankielun & Zabilansky, 1999; Yu & Yu, 2009), et ainsi l’emplacement de la discontinuité (l’interface sol-eau). Ce dispositif présente de nombreuses limitations : la nécessité d’excaver pour installer le tube, la restriction du suivi de l’affouillement à la zone du tube et la complexité de l’analyse de signal afin d’exploiter les résultats (Lueker et al.,2010;

Lu Deng,2010;Wang et al.,2017).

Figure I.10. Schéma d’un système TDR (Yu & Yu,2009)

Le sonar, similaire au principe de fonctionnement du radar, envoie des ondes acoustiques. Cette onde sera réfléchie au niveau du lit du cours d’eau. Connaissant la vitesse de propagation du son dans l’eau et le temps séparant l’émission et la réception de l’onde, la position de l’interface eau/sol peut être déterminée (R.W.P.May, 2002; Lu Deng,2010). Toutefois ce dispositif est sensible aux matériaux en suspension dans l’eau ainsi, il ne peut être utilisé lors des crues quand l’affouillement est à son maximum (Fisher et al.,2013).

I.7.2 Instruments utilisant des repères ou références

Cette catégorie regroupe les outils de suivi qui utilisent des objets repères dont la position évo-lue avec l’affouillement. Les flotteurs (Float-out devices) sont des radio transmetteurs enterrés verticalement à différentes profondeurs autour de la pile (Figure I.11)(Briaud et al., 2011).

Quand l’affouillement atteint la profondeur d’un flotteur, il est libéré et émet un signal en passant en positon horizontale, informant ainsi sur la profondeur atteinte par l’affouillement. Toutefois, ce dispositif présente de nombreux inconvénients : la durée limitée de la batterie ainsi que la difficulté de savoir si le dispositif est opérationnel ou non après des années de sa mise en place, car il n’émet de signal qu’une fois découvert.

Figure I.11. Installation et fonctionnement des flotteurs

L’anneau magnétique coulissant "sliding magnetic collar" est composé d’un anneau magné-tique placé sur une tige en acier inoxydable (FigureI.12). Lors de son l’installation, l’anneau est mis au niveau du lit du cours d’eau. Quand le sol s’érode, l’anneau magnétique glisse sur la tige. La fermeture de commutateurs magnétiques placés le long de la tige sous l’effet de l’anneau permet de connaître sa position et ainsi la profondeur actuelle du lit du cours d’eau (Cooper et al., 2000; Lu et al., 2008). Les principales limitations de ce dispositif sont : la formation d’encrassement, dans des milieux biologiques actifs, qui peut bloquer le glissement de l’anneau et nuire ainsi à la détection de l’affouillement (R.W.P.May, 2002). De plus, le suivi est limité à la zone de la tige.

Chen et al. (2015) ont proposé une nouvelle méthodologie pour déterminer la profondeur

d’affouillement reposant également sur le champ magnétique. Des rochers munis d’un aimant "smart rocks" sont placés autour de la pile. Au fur et à mesure que la profondeur d’af-fouillement augmente, les rochers se déplacent et le champs électromagnétique qu’ils émettent diminuent. Des courbes de calibration intensité /distance permettent de calculer la profondeur d’affouillement. Ce dispositif étant très récent, aucun retour d’expérience n’a encore eu lieu.

Figure I.12. Installation et fonctionnement de l’anneau magnétique coulissant

Des outils très sophistiqués tels que la fibre optique à réseau de Bragg se basent également sur des repères pour déterminer la profondeur de l’affouillement. En effet, Lin et al. (2005) a utilisé une fibre optique à réseau de Bragg collée sur la face extérieure d’une tige enterrée partiellement dans le sol. Quand l’affouillement expose une partie de la tige, cette dernière est déformée sous l’effet de l’eau (FigureI.13). Cette variation de contrainte le long de la fibre optique est alors détectée par les capteurs sollicités. La partie enterrée, quant à elle, ne subit que peu ou pas de déformations. Le profondeur de l’affouillement peut alors être déterminée en analysant le niveau de déformations des différents capteurs. Ce dispositif présente de nombreux avantages : légèreté, flexibilité, tolérance de la température et des radiations, et une bonne durabilité.

I.8 Techniques dynamiques de suivi d’affouillement autour des