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Instrumenter l’aide internationale à l’éducation

CHAPITRE 1 : L’AIDE INTERNATIONALE A L’EDUCATION EST-ELLE EFFICACE POUR ATTEINDRE LA

5. ANALYSE ECONOMETRIQUE

5.2. Instrumenter l’aide internationale à l’éducation

L‟enjeu central des travaux de recherche sur le sujet de l‟efficacité de l‟aide concerne la prise en compte de la problématique de l‟endogénéité de l‟aide. En effet, il apparaît évident que l‟aide ne peut pas être considérée comme exogène par rapport à la situation des pays et que certaines variables, comme les institutions ou la gouvernance, pourraient influencer à la fois le niveau d‟aide et les réalisations. Pour s‟assurer de l‟effet propre à l‟aide sur l‟éducation, il importe ainsi de trouver une variable d‟instrumentation de l‟aide, c'est-à-dire une variable qui explique l‟aide à l‟éducation, mais pas les réalisations éducatives. De tels instruments sont extrêmement difficiles à trouver et les recherches académiques sont souvent contraintes d‟utiliser des variables théoriquement peu satisfaisantes telles que l‟aide retardée, des variables géographiques, géopolitiques, de gouvernance, de mortalité infanto-juvénile ou encore d‟aide pour d‟autres secteurs. Les hypothèses sous-jacentes à l‟utilisation de telles variables sont souvent nombreuses et clairement fragiles.

Dans le contexte particulier de l‟aide à l‟éducation primaire pour les années récentes,la date d‟admission des pays dans l‟Initiative Fast Track (FTI) apparaît comme un outil potentiellement fiable pour expliquer les variations d‟aide à l‟éducation primaire. L‟Initiative Fast Track (ou Initiative de Mise en Œuvre Accélérée) fondée en 2002 vise

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spécifiquement à soutenir les pays à faible revenu pour l‟atteinte de la SPU. Cette initiative se veut une réponse concrète à l‟engagement pris par la communauté internationale lors du forum de Dakar sur le fait qu‟aucun pays présentant un plan crédible ne devrait se voir bloqué par le manque de ressources financières. L‟intégralité des objectifs, principes et procédures de l‟initiative, a été consignée dans le document cadre de FTI (2004). Cette initiative vise spécifiquement à augmenter l‟aide à l‟éducation primaire et à améliorer son efficacité au travers d‟une meilleure coordination des partenaires techniques et financiers. Cette initiative est ouverte à tous les pays à faible revenu8 sous réserve d‟une stratégie nationale approuvée de réduction de la pauvreté et d‟un programme global du secteur de l‟éducation approuvé par les bailleurs de fonds présents dans le pays9. Dans les cas où les capacités nationales sont insuffisantes pour la conception de ces documents, un fonds spécifique a été créé pour soutenir les efforts de ces pays et financer les études et consultations nécessaires (voir annexe : figure A-1.9). L‟admission d‟un pays à FTI se fait après une évaluation positive par les partenaires locaux de la stratégie éducative, selon un guide d‟évaluation (voir annexe : figure A-1.10). L‟approbation des plans des pays dépend de leur crédibilité, celle-ci étant jugée selon l‟appropriation nationale, l‟engagement politique et financier, le respect d‟un cadre indicatif et la disponibilité de données statistiques permettant le suivi de la mise en œuvre. Une fois l‟admission à FTI validée, un fonds catalytique additionnel est rendu disponible pour financer le plan sectoriel d‟éducation approuvé, l‟objectif étant alors d‟en accélérer la mise en œuvre afin de créer des antécédents et d‟attirer d‟autres soutiens à long terme. Entre l‟entrée en vigueur de FTI en 2002 et 2007, 33 pays ont pu progressivement voir validée leur adhésion à l‟initiative (voir annexe : tableau A-1.4)10. Parmi ces pays, une vingtaine se situe en Afrique, les autres étant en Amérique latine, en Asie, au Moyen-Orient et même en Europe de l‟Est. Ainsi, si théoriquement tous les pays à faible revenu sont éligibles à FTI, seul un certain nombre d‟entre eux ont pu y être admis entre 2002 et 2007, et ceci, à des dates différentes. Lorsque les situations d‟avant l‟initiative (1999-2001) sont comparées entres les pays qui seront élus à FTI entre 2002-2007 et ceux qui ne le seront pas, plusieurs faits peuvent être observés (voir annexe : tableau A-1.5). Les pays qui ont obtenu FTI présentaient à l‟époque des réalisations éducatives significativement plus faibles et une efficacité du gouvernement plus faible. Les

8 Les pays à faible revenu sont déterminés selon l‟admissibilité à l‟International Development Association (IDA) fixée par la banque mondiale.

9 Il faut préciser ici que les pays admis à FTI en 2002 et 2003 ont bénéficié d‟une procédure légèrement simplifiée au travers l‟élaboration d‟une requête expliquant la stratégie du pays pour l‟atteinte de la SPU d‟ici 2015.

10 Les validations continuent jusqu‟à aujourd‟hui et à la fin de l‟année 2009, c‟est 40 pays qui bénéficient des soutiens de FTI.

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différences d‟aide à l‟éducation primaire et de stabilité politique sont non-significatives. Ainsi, l‟initiative FTI s‟est concentrée sur les pays les plus en retard tant en termes de réalisation éducative que d‟efficacité du gouvernement. En ce qui concerne spécifiquement la date d‟admission à FTI et lorsque la première vague des pays admis (2002-2004) est comparée avec la deuxième (2005-2007), les différences de TNS, de parité de TNS, d‟efficacité du gouvernement et de stabilité politique ne sont pas significatives (voir annexe, tableau 6). Seules les différences d‟aide à l‟éducation primaire sont faiblement significatives, la première vague des pays FTI recevant déjà un peu plus d‟aide lors de la période 1999-2001 que ceux entrés plus tardivement. Afin de vérifier, que la date d‟admission à FTI peut bien être utilisée pour instrumenter l‟aide à l‟éducation primaire, il faut tout d‟abord observer si la date d‟adhésion à FTI coïncide effectivement avec une augmentation de l‟aide. Il nous faut ensuite vérifier que cette adhésion au programme FTI n‟a pas influencé les résultats éducatifs autrement qu‟au travers de l‟effet sur le niveau d‟aide à l‟éducation. Une variable d‟admission à FTI est donc construite prenant la valeur 1 si le pays a été admis durant la période et 0 sinon. Dans un premier temps, nous examinons l‟effet de la date d‟adhésion à FTI sur le niveau d‟aide à l‟éducation, en régressant de logarithme de l‟aide à l‟éducation primaire par habitant sur notre instrument. Nous incluons également l‟ensemble des variables de contrôle de notre équation principale. Les résultats des régressions en MCO (voir annexe : tableau A-1.7) permettent de voir que la date d‟admission à FTI a influencé positivement et très significativement l‟aide à l‟éducation primaire. L‟inclusion d‟une ou plusieurs variables de gouvernance n‟influence pas cette relation. Notre instrument apparaît particulièrement adapté à l‟étude de l‟effet de l‟aide à l‟éducation primaire, la date d‟admission à FTI n‟influençant nullement l‟aide à l‟éducation secondaire, l‟aide à l‟éducation totale ou encore le montant global d‟APD reçu.

Pour vérifier que cette date d‟admission à FTI n‟a pas été influencée par des variables susceptibles d‟améliorer les réalisations éducatives, il est possible d‟étudier le lien entre notre instrument et les variables de gouvernance. L‟étude des corrélations simples (voir annexe : tableau A-1.8) démontre que la date d‟admission à FTI n‟est corrélée ni à l‟efficacité du gouvernement, ni à la stabilité politique. Ces mesures de la gouvernance sont toutefois communes à l‟ensemble des institutions du pays et ne ciblent donc pas spécifiquement les institutions éducatives. Pour vérifier que l‟admission à FTI n‟a pas été entrainée par une bonne gouvernance spécifique au secteur éducatif, il est possible d‟observer si cette date d‟admission à FTI coïncide avec une amélioration de l‟enseignement secondaire. En effet, les ministères de l‟éducation sont généralement en

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charge à la fois du cycle primaire et du cycle secondaire. Ainsi, si c‟était la qualité des institutions éducatives qui était à l‟origine de l‟admission à FTI, il apparaitrait naturel qu‟une amélioration des réalisations au cycle secondaire puisse également être observée. Lorsque les dépenses d‟éducation secondaire et les réalisations éducatives du cycle primaire sont prises en compte, il n‟est toutefois pas possible de détecter un effet de l‟admission à FTI sur le taux net de scolarisation au secondaire (voir annexe : tableau A-1.9). Ainsi, la date d‟admission au programme FTI influence positivement et significativement les montants d‟aide alloués à l‟éducation primaire sans qu‟aucune interaction avec la qualité de la gouvernance ne soit détectée. La date d‟adhésion à FTI est donc un instrument valide pour tester l‟efficacité de l‟aide à l‟éducation primaire sur l‟atteinte de la SPU.