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CHAPITRE 1 INTRODUCTION ET REVUE DE LITTÉRATURE

1.3 Problématiques

1.3.1 Instabilité thermique et quench

C’est la densité de courant critique élevée du REBCO, de l’ordre de 2,5 MA/cm2 à

77 K en champ propre, qui le rend intéressant pour les applications, mais c’est cette même propriété qui complique sa caractérisation. En effet, la puissance dissipée par effet Joule est de Q = ρJ2. Pour une même résistivité, l’échauffement est donc plus grand si la densité de

courant critique augmente. En régime sur-critique à 77 K, la densité de courant dans nos échantillons peut dépasser 4 MA/cm2, générant ainsi énormément de chaleur. La résistivité

des supraconducteurs dépend fortement de sa température, et une légère augmentation de celle-ci augmente la résistivité qui, à son tour, augmente la chaleur générée et ainsi de suite. La génération de chaleur en présence de courant de transport peut donc mener à un effet d’emballement thermique (thermal runaway). Ainsi, il devient de plus en plus difficile de caractériser les supraconducteurs pour de hautes résistivités lorsque leur densité de courant critique augmente. Le même principe s’applique lorsqu’on diminue la température initiale de l’échantillon, car son Jc en est aussi augmenté.

En réalité, le courant de depairing, Id, n’est jamais atteint pour le REBCO dans des rubans commerciaux, car le supraconducteur transite très brusquement à l’état normal avant que Idsoit atteint. On nomme ce phénomène quench, et certains auteurs identifient le courant auquel il survient par I∗. Doval, Ramos-Alvarez, Sonora et al. ont clairement montré que le

quench est causé par l’effet d’emballement thermique et non par un phénomène électronique

[30].

Il n’y a que deux possibilités pour éviter que l’échauffement rapide endommage l’échan- tillon lorsqu’on caractérise le régime sur-critique. La première est de contrôler l’énergie totale injectée en utilisant des pulses de courant très courts. Dans ce cas, il est nécessaire que le temps entre deux mesures ainsi que le temps de la montée du courant soient beaucoup plus courts que la durée d’un quench. Therasse, Decroux, Antognazza et al. ont mesuré un échauf- fement de plus de 119 K en 90 µs pour un courant de 4,75 Ic [24]. On en conclut que la durée de la mesure doit être de l’ordre des microsecondes. La seconde possibilité est d’optimiser le transfert thermique pour éviter le quench. Nous pouvons évaluer la faisabilité de cette méthode à partir de simulations.

Pour simplifier les simulations, on considère un échantillon de type Superconductor

Technologies Inc (STI) dont la géométrie est présentée à la figure 1.2. Ceux-ci sont constitués

est recouverte de 2 µm d’argent. La figure 1.2 montre la géométrie d’un tel échantillon. Pour l’instant, nous ne traitons le problème qu’en une dimension (1D) sur l’épaisseur y des rubans. Dans le régime sur-critique, la résistivité du REBCO, ρHT S, peut être égale et même supérieure à la résistivité de l’argent, notée ρAg, si la densité de courant est suffisamment élevée. On peut sous-évaluer la densité de courant à laquelle ρHT S = ρAg par Jc. Cette approximation nous permet d’estimer la chaleur Q(y) générée pendant une mesure par Q(y) =

ρAgJc2 dans l’argent et dans le REBCO, et nulle dans l’hastelloy. Notons que la densité de courant est la même dans le supraconducteur et l’argent pour que le champ électrique y soit égal. On peut maintenant résoudre l’équation de la chaleur en 1D

∂y κ(y) ∂T (y, t) ∂y ! + cv(y) ∂T (y, t) ∂t = Q(y), (1.13)

où κ est la conductivité thermique en W/mK et cv est la capacité calorifique volumique en J/m3K. Le tableau 1.1 présente les propriétés thermiques des différents matériaux à 77 K.

La figure 1.3 montre le profil de température sur l’épaisseur de l’échantillon calculé avec COMSOL 4.3b, un logiciel d’éléments finis, dans le cas adiabatique. Dans cette figure, l’argent est situé entre y = 0 µm et y = 2 µm, le REBCO est entre y = 2 µm et y = 3 µm et l’hastelloy est entre y=3 µm et y = 103 µm. La température du supraconducteur augmente de 5 K en 10 µs et atteint sa température critique de 90 K en 50 µs. On remarque également que la chaleur n’a pas le temps de diffuser au travers du substrat. Ultimement, la vitesse de transfert thermique est limitée par la conductivité thermique de l’hastelloy, il est donc inutile d’augmenter le refroidissement sur sa surface. Par contre, il peut être avantageux de refroidir la surface de l’argent. Pour ce faire, on peut ajouter un bloc d’argent situé entre y = −500 µm et y = 0 µm : celui-ci agit alors comme réservoir thermique. On considère le cas idéal où le bloc est en parfait contact thermique avec l’échantillon, mais en est électriquement isolé.

Hastelloy REBCO Argent 100 µm 1 µm 2 µm 4 mm

Tableau 1.1 Paramètres des matériaux utilisés pour les simulations à 77 K Argent κ 429 W/mK cv 2467,5 kJ/m3K REBCO κ 8 W/mK cv 1001,0 kJ/m3K Jc 2,5×1010 A/m2 Hastelloy κ 7 W/mK cv 1542,8 kJ/m3K

Le profil de température simulé est illustré à la figure 1.4. Avec le réservoir thermique, la température du supraconducteur augmente de plus de 1 K en 25 µs. Bien que cela paraisse peu, la résistivité du REBCO dépend fortement de la température et un Kelvin peut avoir une grande influence sur la tension mesurée. On conclut qu’on ne peut pas éviter complètement l’échauffement lorsqu’on caractérise le régime sur-critique.

Il est important de faire le point sur les différentes approximations faites pour obtenir les figures 1.3 et 1.4. D’abord, la chaleur générée a été grandement sous-estimée, car le courant auquel la résistivité du REBCO est égale à celle de l’argent est supérieur à 2, 5 × Jcselon nos mesures à 77 K. Ensuite, la résistance thermique à l’intersection entre les matériaux a été négligée, mais c’est celle-ci qui limite le plus l’efficacité d’un réservoir thermique métallique. La simplification la plus importante est d’avoir considéré l’échauffement indépendant de la température, car l’effet de cascade thermique qui mène au quench n’est pas inclus dans cette simulation. Augmenter le refroidissement demeure une technique intéressante pour protéger l’échantillon, mais il faut garder à l’esprit que la mesure ne sera jamais isotherme lorsqu’on caractérise des échantillons commerciaux de REBCO pour des courants bien au-dessus de

Ic. De plus, la présence d’un réservoir thermique compliquerait les mesures de tension. Cette

méthode n’a donc pas été utilisée pour ce projet.

La technique des pulses de courant ultra-rapides permet elle aussi de protéger l’échan- tillon contre les surchauffes. L’interprétation des courbes I −V du REBCO n’est jamais aisée, mais elle se complique encore plus lorsque cette technique est utilisée. Par exemple, la den- sité de courant n’est pas uniforme lorsque le courant varie rapidement, et ceci peut influencer les mesures. La prochaine section aborde les différentes problématiques d’interprétation des mesures en courant pulsé.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90 100

77

82

87

92

97

102

Position, y (µm)

Temp

érature,

T

(K)

t = 10 µs

t = 25 µs

t = 50 µs

t = 75 µs

t = 100 µs

Figure 1.3 Profil simulé de la température sur l’épaisseur d’un ruban STI pour différents temps avec une source de chaleur Q = ρAgJ2

c entre y = 0 µm et y = 3 µm. Le stabilisateur d’argent est entre y = 0 µm et y = 2 µm, le REBCO est entre y = 2 µm et y = 3 µm tandis que le substrat d’hastelloy est entre y = 3 µm et y = 103 µm.

−20−10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

77

77.5

78

78.5

79

79.5

Position, y (µm)

Temp

érature,

T

(K)

t = 10 µs

t = 25 µs

t = 50 µs

t = 75 µs

t = 100 µs

Figure 1.4 Profil de la température sur l’épaisseur d’un ruban STI pour différents temps avec une source de chaleur Q = ρAgJ2

c entre y = 0 µm et y = 3 µm. La géométrie simulée est la même qu’à la figure 1.3, mais un bloc d’argent a été rajouté entre y = −500 µm et y = 0 µm. Il est en parfait contact thermique avec l’échantillon, mais il en est isolé électriquement.