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Une instabilité normative et une dématérialisation inachevée : deux

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freins à la commande publique qui nuit à l’’’’efficacité de la dépense

Une partie de la commande publique est fragilisée par une intervention publique en nette croissance ces dernières années. Son évolution est inquiétante dans la mesure où elle annihile les fondamentaux des libertés économiques et constitue un net recul dans le processus de modernisation de l’action publique en général et de la commande publique en particulier. Cette faculté est liée à la facilitée qu’a le pouvoir réglementaire de modifier unilatéralement les règles de la commande publique en créant le plus souvent des dérogations dans des domaines d’achat très importants.

Par ailleurs, la plus part des lenteurs notées sont le fruit d’une procédure administrative non dématérialisée dans la commande publique. La préparation des procédures de la commande publique faite d’une manière toujours traditionnelle ainsi que la procédure de payement, contribuent à l’inefficacité notée.

A : Une réglementation fragilisée par ses modifications successives constituant un risque de gaspillage des ressources publiques.

La commande publique est marquée ces deux dernières années par une irruption intempestive dans le champ réglementaire par le pouvoir exécutif. Le code des marchés publics a connu des modifications substantielles entre 2010 et 2012. La modification ayant impacté d’une manière durable le premier code des marchés transposant les directives de l’UEMOA, a été le décret n°2010-1188 du 13 septembre 2010, qui a soustrait certains achats et investissements de l’Etat à la réglementation des marchés publics. Cette réforme controversée et qui a suscité l’inquiétude des Partenaires Techniques Financiers, la société civile et les entreprises, a

consacré les termes « secret défense », « Secret Etat » et « Secret »80808080 pour mieux justifier les

dérogations et dont l’appréciation exclusive est laissée au Président de la République. La note de présentation du décret précité essaye de donner une justification à cette modification en ses termes « ……. Pour des raisons de sécurité est-il nécessaire de soustraire les marchés de la Présidence de la République et des ministères de souveraineté du champ du code des marchés publics et de redéfinir les cas dans lesquels un marché par entente directe peut être passé…….. ». En 2011, un autre décret a été pris pour encadrer ces dérogations avant de voir pendant la même année la naissance du nouveau code des marchés publics. Ce nouveau code a été le fruit de 54 modifications88881111.

Ce retour à l’orthodoxie n’a pas duré longtemps, en 2012, une nouvelle modification au relent politique82828282 est venue exclure du champ d’application de la commande publique certaines prestations. En effet, le décret 2012-01 du 2 janvier 201288882222 modifiant l’article 3 du décret 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics exclu certaines catégories de prestations de services comme les conseils juridiques et financier, et soustrait « l’achat des produits combustibles destinés à l’exploitation des centrales électriques de l’Etat ainsi que les opérations de maintenance et d’installation destinées à produire de l’énergie électrique lorsqu’elles sont confiées aux fabricants de machines concernées ».

80 Article 2 du décret n°2010-118 du 13 septembre 2010 portant modification et complétant le décret 2007-545 du 25 Avril 2007 portant code des marchés publics

81 Agence de Régulation des Marchés Publics, Revue des marchés publics, numéro 4, septembre 2011, p 3 82 Décret abrogé par le nouveau régime et supprimant les dérogations

Cette irruption intempestive du pouvoir réglementaire pose d’abord un problème d’ordre juridique dans le choix d’une réglementation écartelée à différents niveaux. Même si le Code des Obligations de l’Administration qui pose les principes généraux des contrats administratifs ainsi que les contrats de Construction-Exploitation et Transfert sont codifiés dans deux lois, il n’en demeure pas moins que les marchés publics et les DSP qui sont les plus usités sont régis par un décret. Cet état de fait fragilise davantage la commande publique et contribue à la création de dérogations néfastes à son efficacité et son efficience. Cette faille juridique à des répercussions dommageables sur l’exécution et la finalité de la commande publique. Cette situation favorise l’utilisation de procédures dérogatoires. En 2011, 76% des marchés conclus l’ont été par la procédure de Demande de Renseignement et de Prix et seulement 24% pour l’appel d’offres qui est pourtant la procédure de droit commun88883333. En

même temps la procédure de l’entente directe pourtant très encadrée a plus que doublée, elle est passée de 8% en 2010 à 22%88884444 en 2011.

Sur un autre plan, cette modification facilite des pratiques contraires à l’esprit de l’efficacité de la dépense publique et de la commande publique. Ces pratiques ont pour nom collusion, surfacturation et corruption.

83 Cette période coïncide avec des coupures intempestives d’électricité et se situe à 2 mois des élections présidentielles de février 2012

La pratique de la collusion est aisée dans le cadre des Demandes de Renseignements et de Prix puisqu’il n’existe pas de système pouvant contrôler une saine concurrence. La cour des comptes dans son dernier rapport 2009 a dénoncé cette pratique qui consiste dans une procédure de Demande de Renseignement et de Prix à recevoir cinq (5) factures qui proviennent du même nombre de fournisseurs différents par leur raison sociale mais qui en réalité sont la propriété exclusive d’une seule personne. Cette situation met en péril l’utilisation des ressources publiques mais aussi la qualité d’exécution des marchés publics. Il est très difficile aussi de contrôler la livraison des fournitures ou l’exécution des prestations dans la mesure où les Demandes de Renseignements et de Prix concernent en général des fournitures courantes ou des prestations immédiates. Le contrôle de la dépense n’étant pas assuré, l’efficacité repose uniquement sur la conscience ou le sens du service public de l’autorité contractante. Les mêmes effets sont notés pour l’entente directe et facilite la surfacturation88885555 et la corruption.

85 http://www.loffice.sn/Code-des-marches-publics-Le.html : des cas de surfacturation ont été révélés par l’autorité de régulation des marchés publics. Pour exemple, l’aménagement du Bureau d’une ministre à couté 687 millions FCFA avec l’installation d’une lampe qui a couté 9 millions de FCFA. Pendant ce temps une clé USB de 1 Go a été achetée à 97.500 francs CFA, une carafe à 47.000 francs CFA, une cuillère achetée à 37.000 francs CFA o d’un couteau payé à 42.000 FCFA

B : Des lourdeurs administratives néfastes à l’’’’efficacité pouvant être imputées à une absence de dématérialisation des procédures.

Définit comme étant la « substitution de documents ou procédures réels par des documents ou procédures numérique, la dématérialisation consiste à mettre en œuvre des moyens électroniques pour effectuer des opérations de traitement, d’échange et de stockage d’informations sans support papier. A priori, elle n’a aucun effet sur le contenu de ses informations qui restent ce qu’elles sont indépendamment de la forme que prend leur support88886666 », la dématérialisation semble être le maillon faible des différentes réformes de la

commande publique sénégalaise. La longueur des délais de passation des marchés et la lourdeur du circuit de la dépense ont un rôle négatif sur la qualité de la commande publique. L’absence de dématérialisation de la procédure constitue une grande contrainte pour l’entreprise et les autorités contractantes.

Pour l’entreprise, l’absence de dématérialisation constitue une perte de temps énorme dans la constitution des dossiers et leurs traitements. Cette situation est défavorable pour les PME qui constituent des entités ne disposant pas souvent de personnels qualifiés pour la préparation et le traitement des appels d’offres. Elle engendre des coups de gestion en les obligeant à faire recours à des cabinets de conseils pour participer aux marchés sans occulter les tracasseries pour l’obtention des pièces administratives relatives au quitus fiscal et aux attestations des services sociaux88887777....Elle ne favorise pas l’égalité des chances entre les PME et les entreprises qui disposent de l’expertise nécessaire pour participer aux appels d’offres.

86 Ministère de l’Economie et des Finances, Direction des Affaires Juridiques, Guides et Recommandation « Dématérialisation des Marchés

Publics », Guide pratique, version 2.0 décembre 2012, p 75

87 La réglementation rend obligatoire la production du quitus fiscal, les attestations de l’inspection du travail, de la caisse de sécurité sociale et de l’Institut de Prévoyance Retraite du Sénégal.

Du coté des autorités contractantes, le traitement traditionnel de la procédure de passation de la commande publique engendre des coups de gestions88888888 énorme et annihile toute possibilité

d’efficacité et d’économie.

En effet, l’absence de dématérialisation allonge la durée des procédures de passation de la commande publique (environ 200 jours) et expose les agents de l’administration à des pratiques de corruption. Elle joue aussi un rôle néfaste dans la transparence de la procédure et son accessibilité par tous les citoyens. A court terme la dématérialisation peut être couteuse avec la mise en œuvre d’équipements informatiques et le développer d’une signature électronique mais à long terme elle baissera les coûts de gestion et augmentera l’efficacité des procédures.

Cette situation combinée à l’absence de dématérialisation dans le circuit de la dépense, de l’ordonnancement au payement de la créance met en péril les efforts consentis pour la recherche d’économie budgétaire et le déploiement rapide et efficace de l’action publique

Chapitre 3 : Comment concilier l’’’’impératif juridique de la commande

publique et l’’’’efficacité de la dépense.

La commande publique avant d’être un instrument juridique est un outil de politique publique au service des institutions de la république. Sa programmation répond à un projet politique dans sa partie fonctionnement et investissement. La dépense effectuée dans ce cadre vise la concrétisation d’une vision et cherche à jouer un rôle dans la sphère économique et sociale. Dans le cadre de notre pays, l’enveloppe dédiée à la commande a atteint plus de 1000 milliards pendant l’année 201188887777.Sur ce budget, les marchés publics de travaux représentent

67% en valeur contre 24% pour les marchés de fournitures et 9% pour les marchés de service. Cette importante somme qui représente presque 1/3 du budget de l’état dans une période de rareté des ressources, montre la volonté de l’Etat de participer positivement à la vie économique, dans un pays ou le déficit d’investissement reste très élevé. Si l’objectif de la commande publique est la rationalisation de la dépense et son efficacité, son impact dans la transformation économique et sociale par la réduction des inégalités, doivent impliquer une intelligence certaine pour allier souplesse et modernité dans son exécution.

Une plus grande prise en compte dans la commande publique du développement durable et l’intégration des aspects sociaux en son sein peuvent à coût sur contribuer à la visibilité de l’action publique et à la réduction des inégalités. En faisant de ces problématiques une réalité dans l’exécution de la commande publique, le pouvoir public contribue davantage à la prise en compte des aspirations des populations.

Section 1 : Assurer la sécurité juridique de la réglementation tout en

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