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2.4 Instabilités MHD

2.4.2 Instabilité magnétorotationnelle

Un système en rotation différentielle possédant un champ magnétique est susceptible d’être instable vis-à-vis d’une instabilité de cisaillement magnétique dite magnétorota-tionnelle. Cette instabilité linéaire a été évoquée pour la première fois dans un cadre purement théorique par Velikhov (1959) puis par Chandrasekhar (1960). Elle nécessite pour se déclencher une vitesse angulaire qui décroit avec la distance par rapport à l’axe de rotation du système.

Dans les disques d’accrétion

L’instabilité magnétorotationnelle a été principalement étudiée dans le contexte des disques d’accrétion astrophysiques (voir pour une revue complète Fromang 2013). Le problème est qu’au début des années 1990 aucun processus physique ne permettait d’ex-pliquer le phénomène d’accrétion observé dans les disques astrophysiques. Ce phéno-mène d’accrétion nécessite une évacuation efficace du moment cinétique du disque afin de permettre l’effondrement gravitationnel de la matière sur l’astre central. L’instabi-lité magnétorotationnelle, de par sa capacité à induire un transport efficace de moment cinétique, est alors considérée comme un excellent candidat au phénomène d’accrétion dans les disques (Balbus & Hawley 1991). Expliquons de manière schématique le prin-cipe de fonctionnement de l’instabilité magnétorotationnelle. Supposons qu’un disque en rotation différentielle telle que la vitesse angulaire décroit dans la direction radiale abrite un champ magnétique vertical, c’est à dire parallèle à l’axe de rotation (Figure 2.4). Supposons également que la diffusion magnétique est très faible de sorte que le champ magnétique soit gelé dans le disque. Imaginons alors qu’une perturbation radiale amène une particule fluide du disque sur une orbite plus élevée (moins élevée) que celle à laquelle elle se trouvait (Figure 2.4, gauche). Cette particule tourne alors moins vite (respecti-vement plus vite) que précédemment car la vitesse angulaire décroit avec le distance par rapport à l’axe de rotation (Figure 2.4, milieu-gauche). Puisque le champ magnétique est gelé dans le plasma, la ligne de champ magnétique sur laquelle se trouvait initialement la particule est déformée de manière à suivre la trajectoire de cette particule. La tension magnétique qui s’exerce alors sur la particule, due à la déformation de la ligne de champ,

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tend à ramener celle-ci à sa position initiale par un transfert de moment cinétique de l’intérieur vers l’extérieur du disque (Figure 2.4, milieu-droit). Ceci implique une ac-célération (respectivement une déac-célération) de la particule dans la direction azimutale et donc un passage vers une orbite encore plus élevée (respectivement moins élevée). La perturbation initiale se retrouve alors amplifiée, donnant lieu à une instabilité (Figure

2.4, droit). Cependant, si l’intensité du champ magnétique est trop élevée par rapport

Figure 2.4 – Principe de l’instabilité magnétorotationnelle dans un disque d’accrétion dont la vitesse angulaire décroit avec le rayon r et qui abrite un champ magnétique vertical. Crédit : Armitage(2015)

à l’intensité de la rotation différentielle, la tension magnétique aura un effet trop rigi-difiant qui ne permettra pas le développement de l’instabilité. À l’inverse, la diffusion magnétique restreindra la déformation de la ligne de champ, diminuant la tension ma-gnétique. Ceci implique alors une limite inférieure à l’intensité du champ magnétique, dépendante du coefficient de diffusion magnétique, pour que l’instabilité se développe. Le champ magnétique doit donc être ni trop faible ni trop fort pour permettre à une instabilité magnétorotationnelle de se développer.

Dans la première étude de l’instabilité magnétorotationnelle dans le cadre des disques d’accrétion, Balbus & Hawley (1991) ont montré que le développement de l’instabilité est indépendant de la présence ou non d’une composante radiale du champ magnétique. Ils ont également montré que l’instabilité peut être déclenchée par une perturbation axisymétrique dans le cas où le champ magnétique possède une composante verticale comme sur la Figure 2.4. Néanmoins, avec un champ magnétique purement azimutal, seules les perturbations non-axisymétriques sont susceptibles de déclencher l’instabilité

Chapitre 2. Magnétohydrodynamique 45 magnétorotationnelle (Balbus & Hawley 1992). Le taux de croissanceσM RIde l’instabilité dans sa phase linéaire ne dépend pas de l’intensité du champ magnétique et a l’expression suivante

σM RIq2 , (2.25)

q“ ´Bln Ω{Blnr est le paramètre de cisaillement. Considérant par exemple un para-mètre de cisaillement q „1, on comprend que l’instabilité magnétorotationnelle est très vigoureuse car elle se développe sur des temps dynamiques qui sont bien plus courts que les temps caractéristiques de l’évolution stellaire.

Dans les zones radiatives stellaires

En physique stellaire, l’instabilité magnétorotationnelle d’un champ purement poloïdal ou purement toroïdal a été étudiée en utilisant une analyse locale linéaire (Menou et al.

2004; Masada et al. 2006) ou en utilisant une analyse globale en coordonnées sphériques

(Arlt et al. 2003;Jouve et al. 2015) ou cylindriques (Ogilvie & Pringle 1996;Rüdiger et al.

2014;Rüdiger et al. 2015), avec une attention particulière portée sur le transport du

mo-ment cinétique en ce qui concerne les deux derniers articles cités. L’instabilité magnétoro-tationnelle a également été étudiée en géophysique car elle est susceptible de se déclencher dans le noyau liquide de la Terre (Petitdemange et al. 2008). Des configurations magné-tiques mixtes, comportant une composante poloïdale et toroïdale, ont notamment été étudiées dans ce contexte par Petitdemange et al. (2013) grâce à une analyse globale en coordonnées sphériques. Ils ont trouvé qu’il n’y a pas d’effet stabilisant d’une composante du champ sur l’autre et que l’instabilité se développe de la même manière que dans le cas d’un champ purement poloïdal ou purement toroïdal, avec un taux de croissance si-milaire et une composante toroïdale dont l’intensité détermine les modes azimutaux les plus instables. Revenons aux zones radiatives stellaires pour lesquelles la stratification stable joue un rôle important contrairement aux disques d’accrétion. La stratification a un effet stabilisant important sur l’instabilité magnétorotationnelle comme le montre la condition d’instabilité suivante dérivée par Acheson (1978)

q ą N 2

2Ω2

η

κ , (2.26)

N est la fréquence de Brunt-Väisälä. Cependant, sur de petites échelles spatiales la diffusivité thermique peut fortement réduire les effets de la stratification. Cet effet a été pris en compte par Acheson (1978) et apparaît dans la condition (2.26) où l’on voit que la diffusion thermique favorise l’instabilité.

Donnons-nous un ordre d’idée de la rotation différentielle nécessaire au développement d’une instabilité magnétorotationnelle dans une zone radiative. Prenons par exemple le cas de la zone radiative du Soleil où N{Ω 300 et η{κ „ 5.10´5. D’après la condi-tion (2.26), le paramètre de cisaillement nécessaire à l’instabilité est q Á 2.5. C’est une rotation différentielle très intense, elle n’est d’ailleurs pas stable hydrodynamiquement d’après le critère de Rayleigh qui dit qu’un écoulement est instable si q ą 2.

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autres durant l’histoire de l’évolution du Soleil, et il est possible qu’une instabilité magné-torotationnelle ait pu se développer dans la zone radiative du Soleil (Menou & Le Mer 2006). Prenons cette fois-ci le cas d’une étoile de masse intermédiaire où l’importance de la stratification stable est moindre que dans le Soleil avec N{Ω 50, et toujours avec

η{κ5.10´5. Dans ce milieu, une rotation différentielle bien plus concevable est requise par l’instabilité, avec comme condition q Á 6.10´2. Malgré le fort pouvoir stabilisateur de la stratification stable, l’instabilité magnétorotationnelle peut probablement jouer un rôle important dans l’évolution du champ magnétique d’une zone radiative.