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1.2 La rotation interne des étoiles

1.2.3 Les autres étoiles

L’astérosismologie fut longtemps supplantée par l’héliosismologie, les instruments n’étant pas assez performants pour par exemple détecter la séparation rotationnelle des modes d’oscillation. Il y eu des observations au sol à la fin du XXe et au début du XXIe siècle qui ont notamment permis la première détection d’oscillations de type solaire dans une étoile autre que le Soleil, la sous-géante η Boo (Kjeldsen et al. 1995;

Christensen-Dalsgaard et al. 1995). Cependant, l’astérosismologie prend réellement son

envol avec le lancement en 2006 du satellite CoRoT (COnvection, ROtation et Tran-sits planétaires), projet mené par le CNES, et en 2009 du satellite Kepler de la NASA. Plusieurs milliers d’étoiles de la séquence principale mais surtout des étoiles plus évo-luées comme des sous-géantes, des géantes rouges et des étoiles du clump (étoiles brûlant leur hélium au cœur) ont été observées par CoRoT (Michel et al. 2008; De Ridder et al. 2009) et Kepler (Chaplin et al. 2010, 2011; Bedding et al. 2010; Kallinger et al. 2010;

Hekker et al. 2011). Ces missions spatiales ont permis dans de nombreux cas de sonder

la rotation interne d’étoiles de masse et d’état évolutif variés. Nous allons ici décrire les observations réalisées sur des étoiles de la séquence principale, en commençant par les étoiles les moins massives pour finir par les étoiles les plus massives.

Les étoiles naines

La mesure de la rotation interne de 23 étoiles de type solaire de masse comprise entre 1

et 1.6Md parGizon et al. (2013) etBenomar et al.(2015) a dévoilé un intérieur stellaire

(à l’exception de la région la plus centrale non sondée) en rotation quasiment solide. Une seule étoile parmi elles, KIC 9139163, semble posséder un intérieur radiatif tournant signi-ficativement plus vite que l’enveloppe convective, tandis que les autres ont une différence de vitesse angulaire entre ces deux zones qui n’excède pas un facteur 2 (Benomar et al. 2015). Ces résultats suggèrent, comme dans le cas du Soleil, l’existence d’un mécanisme efficace de transport du moment cinétique non-déterminé ayant lieu pendant ou avant la séquence principale. À noter que KIC 9139163 fait partie des étoiles les plus jeunes de l’échantillon, son moment cinétique n’a peut-être pas encore été redistribué efficacement dans tout l’intérieur stellaire au contraire des autres étoiles.

Le sondage de la rotation interne stellaire n’est pas restreint aux étoiles possédant une enveloppe convective et qui présentent donc des oscillations de type solaire excitées par la convection. En effet, des modes d’oscillations sensibles à la rotation et engendrés par un mécanisme d’opacité sont détectés dans des étoiles plus massives. C’est le cas de certaines étoiles de type A-F, comme les γ Dor qui ont une masse comprise entre 1.4 et 2Md et sont donc à la frontière entre les étoiles de faible masse possédant une enveloppe convective et les étoiles de masse intermédiaire possédant un cœur convectif. Des oscillations de type γ Dor ont entre autres été observées par Kurtz et al. (2014) et

Saio et al. (2015) à la surface de 2 étoiles de type A-F qui ont la particularité de tourner

très lentement (période de rotation de plusieurs dizaines à une centaine de jours) pour des étoiles de ce type spectral. Une rotation solide de l’intérieur de ces étoiles est compatible avec les observations, même si KIC 11145123, l’étoile étudiée par Kurtz et al. (2014), pourrait tout de même avoir une enveloppe tournant légèrement plus vite que le cœur.

22 Chapitre 1. Contexte Astrophysique

Plus récemment, la rotation interne du cœur d’étoiles γ Dor qui ne se distinguent pas par une rotation particulièrement lente a pu être déterminée (Van Reeth et al. 2016). Ces premières analyses sont très encourageantes et devraient permettre à terme de contraindre précisément la rotation différentielle des étoiles de typeγ Dor et d’autres étoiles de masse intermédiaire.

Figure1.9 – Profil de rotation de l’étoile de masse intermédiaire B8 de la séquence prin-cipale KIC 10526294. Les lignes en traits pointillés rouges indiquent les barres d’erreur. Crédit : Triana et al. (2015)

La détermination précise de la rotation interne d’une étoile un peu plus massive, KIC 10526294, a été réalisée parTriana et al. (2015). La Figure 1.9 montre le profil de rotation dérivé pour cette étoile B8 d’environ 3Md. Une rotation différentielle qui décroit avec le rayon est clairement présente dans l’enveloppe radiative de l’étoile. Plus étonnant, la surface de l’étoile est en rotation inverse par rapport à son cœur, avec une vitesse angulaire Ω qui change de signe à environ 0.7R˚, oùR˚ est le rayon de l’étoile. En prenant en compte les incertitudes, le gradient de rotation |Bln Ω{Blnr| est estimé entre 3 et 8 dans la zone oùrP r0.5R˚, R˚s. C’est une rotation différentielle très intense qui ne semble

pas être stable hydrodynamiquement vis-à-vis du critère de Rayleigh (Rayleigh 1883) et qui serait également susceptible de provoquer une instabilité magnétohydrodynamique.

Des oscillations engendrées par un mécanisme d’opacité sont également détectées dans les étoiles massives pulsantes de la séquence principale, ditesβ Cephei. La première étoile massive à avoir montré une séparation rotationnelle de ces modes d’oscillation est HD 129929, une étoile de type spectral B3 et d’une masse environ égale à 10Md observée par le photomètre de Genève (Observatoire de La Silla, Chilie). Ces observations n’ont pas permis de sonder le cœur convectif de l’étoile mais semblent incompatibles avec une rotation solide de l’enveloppe radiative (Aerts et al. 2003). Dupret et al. (2004) ajoutent que la rotation interne de HD 129929 décroit avec le rayon. D’autres observations au

Chapitre 1. Contexte Astrophysique 23 sol ont montré que le cœur convectif de l’étoile β Cephei ν Eri semblait tourner environ 5 fois plus vite que son enveloppe radiative (Pamyatnykh et al. 2004), tandis qu’une rotation solide dans l’enveloppe de l’étoile B2θ Oph n’est pas exclue par les observations

(Briquet et al. 2007). Cependant, l’interprétation de ces résultats est à nuancer car le

profil de rotation dérivé pour ces trois étoiles est très dépendant des modèles utilisés pour le déterminer. Pour finir, il faut noter qu’il n’y a pas eu de détermination de la rotation interne d’étoiles chaudes à fort champ magnétique.

Les étoiles évoluées : sous-géantes, géantes rouges, étoiles du clump

Figure 1.10 – Vitesse angulaire du cœur (en rouge) et de l’enveloppe (en bleu) des 6 étoiles étudiées parDeheuvels et al.(2014) en fonction de leur gravité de surface, ainsi que les barres d’erreur à 1σ. Les lignes verticales en traits pointillés représentent la gamme de vitesse angulaire de surface prédite parvan Saders & Pinsonneault(2013) en utilisant des modèles d’évolution stellaire qui incluent un transport instantané de moment cinétique. Crédit : Deheuvels et al. (2014)

Au cours de l’évolution stellaire, les gammes de fréquence occupées par les modes

p et g se rapprochent, complexifiant ainsi le spectre d’oscillation des étoiles évoluées. Le sondage de la rotation interne de ces étoiles est cependant possible par l’étude des

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modes d’oscillation mixtes, des modes se comportant comme des modes p dans les zones convectives et comme des modesg dans les zones radiatives. Grâce à cela,Deheuvels et al. (2014) ont déduit le profil de rotation de 6 étoiles sous-géantes et jeunes géantes rouges ayant une masse comprise entre 1 et 1.5Md. Toutes possèdent une rotation différentielle et au moins 2 d’entre elles semblent montrer un fort gradient de rotation localisé au niveau de la couche d’hydrogène en fusion, la zone qui sépare le cœur se contractant de l’enveloppe qui se dilate. La Figure 1.10 montre la vitesse angulaire du cœur (en rouge) et de l’enveloppe (en bleu) des 6 étoiles étudiées par Deheuvels et al. (2014) en fonction de leur gravité de surface qui est une mesure de leur évolution sur la branche des sous-géantes puisqu’elle diminue dans cette phase. Conformément à ce que l’on attend qualitativement, cette figure semble indiquer que les étoiles évoluant le long de la SGB subissent une accélération du cœur (spin-upen anglais) et une décélération de l’enveloppe (spin-down en anglais).

Concernant les géantes rouges plus évoluées, Beck et al.(2012) montrent que les trois étoiles légères (M À 1.5Md) qu’ils ont étudiées possèdent une rotation différentielle et estiment pour l’une d’entre elles (KIC 8366239) que son cœur radiatif tourne au moins dix fois plus vite que sa surface. Le cœur de la géante rouge KIC 7341231 de 0.8Md

étudiée par Deheuvels et al. (2012) tourne quant à lui au moins cinq fois plus vite que sa surface. Par ailleurs, l’étude d’un échantillon de 300 géantes rouges et d’étoiles du

clump par Mosser et al.(2012) a montré l’existence d’une décélération du cœur alors que celui-ci se contracte lors de l’ascension de la branche des géantes rouges (RGB). Cela implique la nécessité, lors de cette phase évolutive, d’un mécanisme de transport qui permet d’extraire le moment cinétique du cœur vers l’enveloppe plus rapidement que le temps caractéristique de contraction du cœur.

Parmi l’échantillon étudié par Mosser et al. (2012), certaines étoiles du clump sont de masse intermédiaire, avec une masse comprise entre 1.5 et 2.5Md. Deheuvels et al. (2015) ont également étudié 7 étoiles de masse M ą 2.1Md qui brûlent leur hélium au cœur. Comme démontré par Mosser et al. (2012), ces étoiles très évoluées possèdent une rotation différentielle moins intense que celle des étoiles sous-géantes ou géantes rouges.

Deheuvels et al.(2015) montrent en effet que 6 des 7 étoiles étudiées ont un contraste de

vitesse angulaire entre le cœur et l’enveloppe compris entre 2 et 3, tandis que la 7e étoile semble en rotation solide.

Objets compacts : sous-naines de type B et naines blanches

Pour finir ce résumé du sondage de la rotation interne stellaire, des modes p etg ont aussi été détectés dans le spectre d’oscillation d’objets compacts comme les sous-naines de type spectral B (étoiles sdB) (Kilkenny et al. 1997;Green et al. 2003). Les étoiles sdB sont des étoiles évoluées qui brûlent leur hélium au cœur comme les étoiles duclump. Ce-pendant, une grande partie de leurs couches externes a été expulsée mettant quasiment à nu leur cœur d’hélium. Les effets de marée dus à la présence d’une étoile partenaire en orbite très serrée, souvent une naine blanche, pourraient être la cause des pertes de masse importantes qu’ont subites les étoiles sdB (pour une revue sur les sdB, voir Heber 2009). La détermination du profil de rotation à partir d’observations astérosismologiques

Chapitre 1. Contexte Astrophysique 25 de 2 étoiles sdB, PG 1336-018 et Feige 48, a été réalisée par Charpinet et al. (2008) et

Van Grootel et al. (2008). Les résultats montrent que ces étoiles sont en rotation solide

jusqu’à r0.55R˚ pour PG 1336-018 et r0.22R˚ pour Feige 48. Cependant, la pré-sence d’une rotation différentielle dans l’intérieur de certaines étoiles sdB n’est pas exclue comme le montrent Telting et al. (2014) à propos de l’étoile KIC 7668647 qui pourrait avoir une vitesse angulaire décroissante avec le rayon. Foster et al. (2015) démontrent quant à eux avec quasi certitude que la région centrale de l’étoile sdB KIC 3527751 tourne trois fois moins vite que sa surface.

La rotation interne des naines blanches, produits finals de l’évolution de 95% des étoiles (celles possédant une masse M À8Md), est également sondée par astérosismolo-gie. Il faut savoir que les modèles d’évolution stellaire prédisent une période de rotation très rapide pour ces étoiles en fin de vie, de l’ordre de quelques secondes. Or, les périodes de rotation observées sont bien plus grandes que cela, elles varient de l’heure à quelques dizaines d’années. Il se pourrait alors qu’une quantité importante de moment cinétique soit dissimulée dans l’intérieur des naines blanches, se traduisant par une région centrale en rotation beaucoup plus rapide que la surface. Néanmoins, nous savons maintenant que les naines blanches peuvent être en rotation solide, comme l’étoile PG 1159-05 étudiée

par Charpinet et al. (2009) qui tourne avec une période de rotation environ égale à 34h.

La nécessité d’un mécanisme efficace de transport du moment cinétique durant l’évolu-tion stellaire est à nouveau mise en évidence par ces observal’évolu-tions. Córsico et al. (2011) montrent cependant que les régions centrales de la naine blanche PG 0122+200 tournent environ 2.4 fois plus vite que la surface de l’étoile. Une rotation différentielle comme celle découverte dans PG 0122+200 n’est pas suffisamment intense pour expliquer la faible rotation des naines blanches.

1.2.4 Contraintes sur les processus de transport du moment