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En ce qui a trait à l’innovation de pratiques dans la CoP, elle constitue les retombées de la gouvernance de notre cas. La littérature identifie les retombées en fonction du temps de réseautage. Au début, il y a l’identification des pratiques à discuter, par la suite l’uniformisation des meilleures pratiques entre les partenaires, et enfin, à maturité, l’innovation de pratiques en imitant la concurrence ou en innovant de nouvelles pratiques pour se différencier (Wenger et a l , 2002). D ’une perspective plus large, la CoP procure d ’autres avantages. Nous allons discuter des processus d ’identification des pratiques, de l’uniformisation, de l’innovation ainsi que d ’autres avantages.

D ’abord, l’identification des pratiques. La pratique devient un levier par sa spécificité organisationnelle (Rumelt, 1984) et contribue à une cohérence organisationnelle par sa dépendance envers les actions collectives des partenaires. Elle est à l’origine du critère majeur de réseautage, l’interdépendance (Williamson, 2005). Parce que la CoP est stratégique, elle requiert beaucoup de temps de la part de ses partenaires. La réputation des partenaires s’appuie sur leurs compétences (DGA) et aussi sur la qualité des pratiques (retombées). La perception des ressources apportées au réseau ainsi que la qualité des retombées du réseau sont des indicateurs réputationnels. En effet, il existe deux types d ’investissement que les partenaires (caisses) font dans une CoP : le temps et leur réputation (Menard, 2002). Comme les retombées en réseau sont liées à la qualité de la réciprocité des échanges, plus un réseau avance, plus la réputation se construit, plus la compétence et la qualité des pratiques doivent être élevées (Ouchi, 1980). Les efforts des partenaires d ’un réseau sont nécessaires afin d ’acquérir des compétences et des capacités spécifiques au réseau. Ainsi, les efforts et la réputation des partenaires dans le temps produiront des pratiques. Ces dernières ont une incidence sur l’économie des coûts de transactions ou de production, sur la création de valeur (ventes) et sur la satisfaction de la clientèle, le tout ne pouvant pas être atteint par l’organisation. Une autre forme de

retombée est la quasi-rente. Les organisations s’engagent dans le réseautage parce qu’elles s’attendent à une quasi-rente résultant de leurs investissements spécialisés et de leur complémentarité de ressources (Madhok et Tallman, 1998). Pendant que la théorie des ressources dans les réseaux met l’emphase sur les rentes qui proviennent de la possession d ’une ou des ressources rares à valeur ajoutée, celle des coûts de transaction s ’appuie sur la non-déployabilité d ’investissements conjoints faits pour anticiper les bénéfices à partager. En d ’autres termes, la pratique clé (ressource inimitable) est créée grâce à la dépendance des compétences des partenaires (non- déployabilité d ’investissements). Outre la retombée de la CoP, il y a son partage ou l’équité de sa rente entre ses partenaires. C ’est ici qu ’entrent en scène les avantages de l’opportuniste : il peut y avoir une rente sans mettre les efforts ou les investissements normalement demandés. Il semble que la gouvernance du partage équitable de la rente est faite en fonction de règles sur ce qui est observable (ventes, profits) et de mécanismes relationnels ou non contractuels. Le problème provient de la mesurabilité ou de l’équité de la rente. Quand les contributions des partenaires d ’un réseau sont non vérifiables ex posî ou peuvent être vérifiées seulement à des coûts extrêmes, la distribution de la rente devient complexe (Barzel, 1989; Ghosh et John, 1999). Pour ce faire, les réseaux utilisent trois processus pour rendre équitable ou atténuer la mesurabilité des retombées : la réputation, la négociation et l’autorité formelle. La réputation se construit à la suite d ’une régulation des échanges entre les partenaires. Elle permet de continuer ou de diminuer les échanges si l’autre partie est perçue opportuniste, par exemple, par manque de réciprocité, une correction immédiate de la rente s’effectue et l’autre partie diminue ses retombées immédiatement. La crédibilité des comportements est à la base d ’une distribution équitable de la rente et, à la fois, une menace de diminution ou d ’annulation si la crédibilité s’atténue. Ensuite, pour la négociation, elle permet à tous les partenaires de mieux comprendre le processus de construction de la rente, donc sa distribution (Palay, 1985). Elle s’effectue par l ’entremise de négociateurs désignés ou qui représentent les parties, dans un arrangement multipartite (Groupe des sept). Chaque partenaire peut négocier sa propre rente en faisant état de sa contribution personnelle.

Un débat s’enclenche. L ’audience est engagée. Ce processus a comme avantage d ’identifier les points d ’ancrage pour évaluer la rente, possiblement trouver des points d ’amélioration à la suite de la mise en place d ’incitatifs de participation afin de mieux la répartir. Enfin, l’autorité formelle est un groupe d ’individus en position d ’autorité sur les producteurs et les utilisateurs de la rente (Sauvée, 2002), comme dans notre étude de cas, les DG ou à un autre niveau, la Fédération, voire la loi. L ’autorité a comme objectif d ’évaluer les arguments des parties prenantes, leurs avantages et leurs désavantages, et d ’émettre une décision légale sur les retombées ou l’équité de la rente du réseau.

Pour arriver à rendre efficients et efficaces les processus de réputation, de négociation et d ’autorité formelle, une ressource intangible est requise : la capacité relationnelle. Ainsi, cette dernière semble être une capacité clé à tous les réseaux (Dyer et Singh, 1998; Gulati et a i, 2009). Cette capacité soutient la confiance, le développement du capital social ou l’accès à de nouvelles ressources clés, l’innovation de pratiques et le partage équitable de la rente (Davenport et Snyder, 2006). Lorsqu’elle est bien maîtrisée, elle identifie les opportunités du réseautage, à partir de relations interactives, et établit ces processus efficients et efficaces de gouvernance (Kale, Singh et Perlmutter, 2000; Lorenzoni et Lipparini, 1999) qui, de fait, expliquent les gains que certaines firmes obtiennent en réseau (Kale, Dyer et Singh, 2002; Kale et Singh, 2007).

Récemment, la littérature souligne que l’expérience passée de la relation entre les partenaires atténue les comportements opportunistes dans les réseaux subséquents entre eux. Elle facilite l ’ancrage naturel vers les bonnes décisions pour les partenaires, à la suite d ’un historique de confiance mutuelle, d ’une bonne réciprocité, d ’engagements informels et d ’une loyauté éprouvée (Gulati, 1995; Gulati et W ang, 2003; Kogut, 1989; Park et Kim, 1997). Conséquemment, ces partenaires peuvent s’engager plus rapidement à échanger des compétences clés (Dyer et Singh, 1998; Zajac et Olsen, 1993), ce qui minimise les coûts d ’apprentissage et de gouvernance

par la récurrence de tels partenariats (Gulati et Singh, 1998; W illiamson, 1985). L ’expérience accumulée par la récurrence de réseautage avec les mêmes partenaires contribue à améliorer la capacité à résoudre les conflits plus facilement (Kale et al., 2000; Simonin, 1997) et réduit l’incertitude tout en améliorant la prédictibilité des retombées du réseau (Gulati, Lavie et Singh, 2009). En particulier, l’expérience entre les mêmes partenaires dans un réseau contribue à une meilleure sélection des partenaires, au choix plus naturel du mode de gouvernance ainsi q u ’à la gestion efficiente (coordination) du réseau (Dyer et Singh, 1998; Gulati, 1999, 2007; Gulati et

al., 2009; Kale et al., 2002; Lorenzoni et Lipparini, 1999). Ces capacités

relationnelles améliorent la création de valeur dans le réseautage subséquent (Anand et Khanna, 2000; Guliati et al., 2009). Malgré l’expérience de réseautage avec les mêmes partenaires, il semble que, si un partenariat n ’obtient pas de succès, il sera difficile d ’en obtenir dans le futur (Park et Kim, 1997; Hoang et Rothaermel, 2005; Goerzen, 2007). Certains facteurs tendent à expliquer l’insuccès de l’expérience en réseautage par une faible longévité de la relation, le manque de f i t organisationnel et culturel entre les partenaires ou avec les capacités d ’apprentissage. En plus, l’expérience en réseau tend parfois à devenir trop familière entre les partenaires, ce qui fait apparaître des comportements opportunistes et de l’asymétrie (Balakrishnan et Koza, 1993; Park et Kim, 1997). Aussi, selon les objectifs du réseau, les retombées peuvent être opposées, comme un type de réseau sur le transfert de savoir-faire ou l’innovation (notre étude de cas), qui génère plus de retombées et d ’opportunités d ’apprentissage qu’un réseau sur le marketing (Anand et Khanna, 2000; Merchant et Schendel, 2000). Enfin, l’expérience de réseautage entre les mêmes partenaires peut être improductive du fait de l’inertie des partenaires et des limites à leur capacité d ’explorer d ’autres opportunités (Goerzen, 2007; Lavie et Rosenkopf, 2006). Cet insuccès en réseau provient de la capacité d ’absorption de réseau. Lane et Lubatkin (1998) ont décrit la capacité d ’absorption d ’un réseau comme étant des processus spécialisés qui dépendent d ’attributs spécifiques du réseau comme le mode de gouvernance et la pertinence des compétences entre les partenaires : plus la

gouvernance est relationnelle, plus les partenaires sont compétents et plus la capacité d ’absorption est forte.

Ensuite, l’uniformisation des pratiques interorganisationnelles. La littérature souligne l’importance de cette étape d ’adaptation entre les partenaires pour trouver les bénéfices immédiats dans leur collaboration autant que pour tester leur niveau d ’encastrement pour rendre stratégique le réseau à long terme. C ’est ici que l’asymétrie d ’information est aplanie. Les partenaires se font confiance pour se donner des informations plus confidentielles, voire des secrets.

En ce qui concerne l’innovation, elle provient d ’un échange de ressources clés et de l’engagement des partenaires à la vision commune. L ’innovation est incrémentielle et non radicale du fait q u ’elle vise une décomposition des processus actuels pour les recomposer autrement, d ’une façon plus efficiente et efficace. Il peut s’agir d ’une mise à jo u r des pratiques actuelles ou d’un recentrage vers le client (membre). La complexité des processus internes provoquent inéluctablement des problèmes. Ces derniers font partie des fonctions de la CoP : les solutionner. Par la proximité des relations entre les partenaires, ces solutions peuvent être soutenues, voire accompagnées pour les adapter à la spécificité organisationnelle. C ’est ici que le concept de soutien continuel devient majeur.

Par ailleurs, il est important de reconnaître certains avantages qu'une CoP procure. Millen, Fontaine et Muller (2002) les catégorisent selon la perspective du membre (micro), de la CoP (méso) et de l'organisation (macro). Pour le membre, la CoP améliore la réputation professionnelle, la compréhension du travail des autres employés dans l’organisation, la confiance en soi et face aux autres membres, le développement de nouvelles façons de faire, les capacités relationnelles et techniques ainsi que l'expertise. Pour la CoP, elle augmente la satisfaction des membres, la créativité, la résolution de problèmes, la mise en commun d ’idées et la qualité des décisions. Pour l'organisation, elle contribue à hausser la qualité des communications,

l’efficacité des projets, l’économie de temps, la rapidité d ’action, la qualité des solutions et l ’innovation. En plus, elle permet notamment d’éviter des erreurs, d ’améliorer la perception que les employés ont de leur travail, d’améliorer l’indice de satisfaction de la clientèle, d ’augmenter la réactivité organisationnelle, de créer une mémoire organisationnelle et une capacité à attirer et à retenir une m ain-d’œuvre rare (OCDE, 2004). La CoP stimule l'innovation (Soekijad et al., 2004). Elle permet une plus grande productivité organisationnelle (Lesser et Storck, 2001). Elle favorise un meilleur développement technologique (Powell, 1998). Elle provoque l'isomorphisme, imite l’organisation qui est perçue la plus performante (DiMaggio et Powell, 1983). Qui plus est, un effet méta-organisationnel d ’ordre économique bien connu est celui des extemalités de réseau (Katz et Shapiro, 1981). Il traduit la possibilité pour un réseau interorganisationnel d ’imposer un standard dans un marché concerné (ristournes, dons ou commandites).

Enfin, parmi d ’autres avantages que la CoP procure, elle permet d ’acquérir la solidarité des membres du réseau, qui aide à solutionner des problèmes personnels et influence vers les meilleurs comportements (Bentolila, Michelacci et Suarez, 2010) : entraide, soutien social, apprentissage, habiletés sociales, protection contre les erreurs, etc. En plus, la CoP favorise l’uniformisation des pratiques et même l ’atteinte de haut standards ou de normes par l’innovation de pratiques qui se différencient dans le marché (Onyx et Léonard, 2010) : meilleure sollicitation des clients, meilleur encadrement des employés, meilleurs suivis des ventes, etc. Aussi, la CoP peut servir à orienter les investissements ou les dons et commandites dans la communauté, les ristournes, les implications des employés dans des associations primées. Par ces bons comportements organisationnels, la réputation de l’organisation (caisse) peut augmenter (Rooks, Tazelaar et Snijders, 2010). Sa proximité avec les acteurs institutionnels peut l’aider à donner l’exemple dans son marché (Cheung et Chan, 2010), voire influencer la réglementation ou l ’institution (lois). La CoP est un moyen pour mettre en place un processus dialogique pour viser des retombées externes autant qu’internes, comme augmenter la satisfaction des parties prenantes et celle des

acteurs organisationnels (gestionnaires) (Ring, Peredo et Chrisman, 2010; Russo et Perrini, 2010).

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