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B. É TAT DE LA LITTERATURE SCIENTIFIQUE

3. Les ingrédients

Au vu des obstacles à la question d’une implantation homogène pour les études d’efficacité, il semble nécessaire d’appuyer notre réflexion sur les publications qui concernent les données de fonctionnement.

Les auteurs cités précédemment faisaient référence, au début des années 2000, à un modèle général de soins intensifs au domicile, idéalement organisé en continu 24H/24 et 7J/7, proposant une évaluation de toutes les situations dans un délai minime, et des visites quotidiennes. Les autorités britanniques avaient d’ailleurs mis à disposition des équipes un guide d’implantation (95), mais ces directives n’ont pas permis un développement satisfaisant des CRHT (96).

Les travaux successifs de l’université St George de Londres, comme ceux de Catty (79), Wright (80) et Burns (97) sur les conditions d’efficacité, y ajoutent l’impératif d’intervenir à la fois sur les besoins cliniques, sociaux, et les facteurs déclencheurs de la crise. La plupart soulignent donc l’intérêt d’une équipe pluridisciplinaire, pour une durée brève de maximum 6 semaines.

Les facteurs nécessaires au bon fonctionnement des équipes

L’approche des déterminants sociaux

Burns (97) souligne dans une analyse statistique que les facteurs primordiaux au bon fonctionnement sont la fréquence intensive des visites, et la double intention d’un travail sanitaire et social.

Pour justifier comme lui la nécessité d’inclure des compétences sociales à l’équipe, Bridgett et Polak décrivent l’importance d’une intervention orientée vers les familles et le réseau social (64). En s’appuyant sur le lien entre la théorie de la crise et les interventions sur le système social, ils font du travail relationnel et social un déterminant majeur. Ils soulignent ainsi la

nécessité d’un accès facilité aux besoins sociaux et à la résolution de problèmes. Les auteurs soulignent notamment la nécessité d’une compréhension enrichie de la situation, qui fonderait l’évaluation et les objectifs de traitement sur les besoins propres.

Des outils relationnels

Borg et Karlsson proposent, depuis la Norvège, un travail qualitatif d’enquête, aux accents philosophiques (98). Il proposent en effet une réflexion d’inspiration phénoménologique et herméneutique, par un travail de recherche-action autour des pratiques de l’Open Dialogue. Leurs conclusions vont là aussi dans le sens d’une approche basée sur une compréhension de la situation de crise et des besoins sociaux, détaillant les enjeux d’une pratique que nous verrons très proche de l’orientation vers le rétablissement.

L’Accès direct et permanent à l’équipe

Les publications sont nombreuses concernant les moyens d’admission sur l’équipe, et l’impact d’un accès permanent sur les résultats cliniques :

Une autre équipe proche de Londres, avec Allen, montre par exemple que des changements comme une orientation possible par les acteurs de soins primaires réduit le taux d’admission à l’hôpital, et augmente la satisfaction des personnes (99).

Mais Harrison, avec l’équipe de Manchester, montrent que cette même ouverture à une orientation par les acteurs de la ville augmente le nombre de suivis, raccourcit leur durée, augmente le nombre de personnes non connues, et celui de tableaux moins sévères (passage de 75 à 25 % de troubles sévères (SMI), contre 25 à 50% d’autres troubles) (100).

Les mancuniens proposent même de mettre en lien ce changement de population cible, avec les impératifs gouvernementaux d’augmenter le nombre de prises en charge : les équipes anglaises, soumises à cet augmentation de la charge de travail, auraient dû se tourner vers des suivis plus courts et moins complexes pour satisfaire les attentes des tutelles.

Là encore, l’étude rigoureuse de facteurs indispensables ne peut manquer de se heurter à des facteurs humains confondants.

Glover confirme toutefois l’importance d’un accès continu. En 2006, il montre dans une étude observationnelle qu’il y a davantage de réduction des hospitalisations si l’équipe est disponible la nuit : une réduction est observée pour 83% des services fonctionnant sur 24h, contre 60% des

services sans permanence, et 74% des services avec une permanence élargie mais discontinue (90).

Hasselberg, suite aux résultats d’efficacité hétérogènes constatés en 2011, interrogeait les équipes norvégiennes sur leur capacité à remplir leurs missions (53). Une étude prospective plus globale (101) confirme ces résultats, montrant que l’ouverture en continu réduisait plus l’admission en hospitalisation que les services ouverts en journée. Elle précise que les contact hors des structures, et une durée de prise en charge supérieure, sont prédicteurs d’une issue favorable à la crise.

D’autres auteurs comme Johnson ou Karlsson montrent que le facteur déterminant est le rôle de gatekeeper, c’est à dire lorsque l’accès à l’hôpital est soumis à une fonction de rôle porte par les équipes d’intervention à domicile.(51,102) Soucieux de l’écart entre « les bonnes intentions et la vraie vie », ce dernier rappelle encore une fois que ces critères nécessaires ne sont pas suffisamment diffusés.

Une échelle de fidélité : L’étude CORE

Mais devant ces différences critiques entre le modèle et l’implantation réelle (96), la direction sanitaire britannique et les chercheurs anglais du UCL proposent un vaste travail d’état des lieux et de guidance des services, par la construction d’une échelle de fidélité susceptible de concrétiser les recommandations anglaises : le programme Crisis resolution team Optimisation

and RElapse prevention (CORE), ou optimisation des équipes de résolution de crise et prévention des rechutes (103).

o Ils répertorient pour cela, dans une approche qualitative sur le point de vus des acteurs et des personnes concernées, les ingrédients critiques au bon fonctionnement des CRT :

§ L’équipe réalise une nouvelle revue systématique, questionnant ces critères d’efficacité sous la forme d’une étude d’implantation (104).

• Selon les auteurs, ces travaux permettent de soulever à nouveau les caractéristiques structurelles nécessaires : présence d’un psychiatre, continuité 24H/24, conditions d’accessibilité, intervention pour une aide pratique, délivrance du traitement au domicile… résumés dans le tableau ci-dessous :

o Ils réalisent ensuite une enquête descriptive auprès des parties prenantes, et décrivent alors une articulation des critères rapportées par son travail qualitatif sur 3 axes (105) :

§ L’organisation des soins, par la possibilité d’une réponse rapide, d’une grande accessibilité et d’une flexibilité dans le travail partenarial.

§ Le contenu des soins, par le soutien émotionnel et l’implication des proches

§ Le rôle des CRT dans le système de soin, par l’évaluation systématique et le rôle porte o L’équipe produit ainsi l’échelle de fidélité CORE, pour solliciter un nouveau sondage

national quant au respect des critères par les CRT. L’échelle est constituée de 40 critères, servant tous de référence pour des recommandations mises à disposition par le collège Universitaire de Londres (106).

o La publication des résultats d’un nouveau sondage national vient finalement appuyer les disparités mentionnées. Ayant interrogé 233 équipes sur leur pratiques, il révèle une

CRT characteristic recommended by stakeholders

Caractéristiques recommandés par les parties-prenantes

Nombre d’études concernées

(n) Good communication and integration with

other mental health services

Bonne communication et intégration, avec les autres services de santé mentale

14

Provision of treatment at home Mise à disposition d’un traitement au domicile

11

Limiting the number of different staff visiting a service user

Limiter le nombre d’agents différents , dans les intervention pour une même

personne

10

Adequate staffing, including out of hours Effectif adapté, y compris pour la permanence hors horaires d’ouverture

9

Good staff record keeping and information sharing

Traçabilité et partage d’information 8

Staff with time and willingness to “just listen” to service users

Moyens et volontés nécessaires à une écoute empathique et de soutien

8

Rapid CRT response and availability of treatment during a crisis

Réactivité et disponibilité des équipes lors de la crise

8

Clear, inclusive eligibility criteria Critères d’inclusion clairs et inclusifs 8 CRTs provide a clear bridge to longer

term interventions and care

L’équipe offre un relais vers les soins au long cours

amélioration globale de la fidélité au modèle, en comparaison de l’état des lieux de 2006 ou 2012. Il déplore cependant un éloignement net de l’ambition d’une intervention transversale et psychosociale, pour un resserrement sur des pratiques médicales dans beaucoup d’équipes. Ils constatent aussi que l’ensemble des CRT ne répond pas aux exigences du gatekeeping, et que seules 33% d’entre elles parviennent à évaluer systématiquement la population cible avant l’entrée à l’hôpital, et 18% avant l’entrée en soins sous contrainte (52).

§ Ces critères de bon fonctionnement sont finalement loin d’être figés, puisqu’une étude ultérieure permet de valider un dispositif supplémentaire : l’intervention de médiateurs de santé pairs pour la construction d’un plan d’autosupport en post-crise immédiate, montrant une réduction des réadmissions à un an (107,108), vient s’ajouter comme un élément probant à cette échelle de fidélité.

III. Étude des conditions

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