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Influence de la taille des particules

1.4.1 Position du probl`eme

Ainsi que l’on a pu le remarquer `a la section 1.2.3, la rotation de Quincke d’un objet sph´erique, ne d´epend pas, dans le cadre du mod`ele classique, de la taille des particules. Rappelons que la principale hypoth`ese de ce mod`ele revient `a consid´erer la couche de charges libres `a la surface de la particule comme infiniment fine, ce qui lui impose de se d´eplacer en bloc avec la particule. D’un point de vue macroscopique, cela revient `a n´egliger tous les ph´enom`enes de transport de charges `a l’int´erieur de la couche. Ceci n’est ´evidemment pas universel, t´emoin le domaine bien connu des collo¨ıdes (voir par exemple [25]). En effet, une particule charg´ee immerg´ee dans un liquide conducteur est entour´ee par une couche d’ions dont l’ordre de grandeur de l’´epaisseur peut s’´ecrire√

1 en fonction du coefficient de diffusion des ions dans le liquide D et du temps de relaxation de la charge dans le liquide τ1. Dans les fluides non polaires que nous ´etudions, D≈2.5 10−11m2.s−1 et τ1=11 ≈1-100 ms. L’´epaisseur typique de la couche varie donc entre 0.1 et 10 µm. Il est donc l´egitime de supposer que pour des tailles inf´erieures `a une dizaine de microns, le mod`ele doive ˆetre r´eexplor´e.

Consid´erons une particule unique sph´erique de rayon a, ind´eformable, plong´ee dans un liquide conducteur et soumise `a un champ ´electrique uniforme ~E0. Il faut donc repartir des ´equations de transport en volume habituelles. Pour plus de simplicit´e, la particule est suppos´ee compl`etement isolante, non charg´ee, et de mˆeme permittivit´e di´electrique  que le liquide suspendant. Le

1.4. Influence de la taille des particules 23

potentiel ´electrique est not´e Φ. On suppose que les ions libres du liquide sont de deux types seulement, monovalents de surcroˆıt, et qu’ils peuvent s’associer pour former une paire d’ions li´es. Les constantes de dissociation et de recombinaison des ions sont not´ees kd et kr. Les densit´es num´eriques respectives des ions positifs, n´egatifs et des paires d’ions sont not´ees n+, n et c. e0 >0 est la charge d’un ´electron. Les mobilit´es ´electrophor´etiques des ions positifs et n´egatifs sont suppos´ees identiques, leur valeur est not´ee K. Le mouvement du liquide environnant (masse volumique ρf) est caract´eris´e par le champ de vitesse ~v et le champ de pression P. Dans ces conditions, les ´equations de transport des ions dans le liquide, de la quantit´e de mouvement dans le liquide, l’´equation d’incompressibilit´e du liquide et l’´equation r´egissant le champ ´electrique s’´ecrivent respectivement (1.29a), (1.29b), (1.29c) et (1.29d).

∂n± ∂t + ~∇ ·hn±  ~v∓ K ~∇Φ− D ~∇n± i = kdc− krn+n (1.29a) ρf ∂~v ∂t +  ~v· ~∇~v  =−~∇P + η ~∇2~v− e0(n++ n)~∇Φ (1.29b) ~ ∇ · ~v = 0 (1.29c) ~ ∇ ·~∇Φ= ( −e0(n++ n) liquide 0 particule (1.29d)

Notons qu’`a cause de la faible dissociation des ions en liquide peu polaire, la concentration c=c0 est suppos´ee constante dans l’´equation (1.29a). Les conditions limites sont explicit´ees dans l’article de l’annexe B.3 p. 117.

A partir des ´equations pr´ec´edentes, il est possible de d´egager les temps caract´eristiques pertinents :

– τ1=/σ1 est le temps de relaxation de la charge dans le liquide, avec σ1=2Kpkd/kr c0 – τm=a/(KE0) est le temps de migration d’un ion `a l’´echelle de la particule.

– τD=a2/D est le temps de diffusion d’un ion `a l’´echelle de la particule (donc tangentiellement `

a sa surface).

Rappelons qu’un ph´enom`ene physique est ici d’autant plus efficace que le temps caract´eristique qui lui est associ´e est court. Dans le domaine des liquides peu polaires qui nous occupe, les ordres de grandeur des param`etres physiques sont les suivants : ≈ 20, σ1 ≈ 10−8 S.m−1, η ≈ 10−2

Pa.s, K≈ 10−9 m2V−1s−1, D≈ 2.5×10−11m2s−1 et E0 ≈ Ec∼ 600V/mm. Dans ces conditions on peut calculer l’ordre de grandeur des temps caract´eristiques pour diff´erentes valeurs du rayon a de la particule. L’examen du tableau de la figure 1.14 montre que pour des valeurs de a comprises entre 1 µm et 100 µm, le temps de diffusion reste toujours plus grand que les deux autres. Lorsque le rayon a est abaiss´e jusqu’`a la valeur de 1 µm, le temps d’´electromigration devient du mˆeme ordre de grandeur que le temps de relaxation, et le temps de diffusion est environ 40 fois plus grand. On s’attend donc `a ce que la migration tangentielle `a la surface de la particule commence `

a jouer un rˆole pour des tailles inf´erieures `a quelques microns, tandis que la diffusion tangentielle `

24 Chapitre 1. La rotation de Quincke et les suspensions

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Figure 1.14 – Temps caract´eristiques pertinents du probl`eme en fonction du rayon du cylindre

1.4.2 Traitement num´erique

Nous ne connaissons pas de solution analytique `a ce syst`eme d’´equation non-lin´eaires, si bien que nous nous sommes orient´es vers une r´esolution num´erique. Pour simplifier encore et par soucis de rapidit´e de calcul, nous nous sommes limit´es au cas bidimensionnel d’un cylindre infini en rotation autour de son axe et soumis `a un champ ´electrique orthogonal `a celui-ci. Comme le rappelle l’article de l’annexe B.3 [26], dans le mod`ele classique de Quincke, le rotor se comporte de fa¸con analogue `a une sph`ere. Le champ seuil d´epend des mˆeme param`etres, et ne diff`ere du cas de la sph`ere que par des facteurs g´eom´etriques ind´ependants de la taille du cylindre (voir aussi le chapitre suivant). Du point de vue du traitement num´erique, le syst`eme d’´equations (1.29) a ´et´e r´esolu dans le cas stationnaire de fa¸con approch´ee par une m´ethode d’´el´ements finis via le logiciel commercial Comsol. Les d´etails num´eriques sont rassembl´es dans l’article de l’annexe B.3 [26].

Nous avons fait d’abord varier les deux rapports pertinents τDr entre 20 et 2000 et τmr entre 0.8 et 20, ind´ependamment des param`etres physiques (figure 1.15). Comme pr´evu, lorsque les deux temps τD et τm sont tr`es grands devant le temps de relaxation de la charge, nous avons constat´e que la loi de variation de la vitesse angulaire du cylindre Ω en fonction de l’intensit´e du champ ´electrique r´eduite au carr´e r=(E0/Ec)2 ´etait conforme `a la description classique du rotor de Quincke bidimensionnel. En revanche, lorsqu’un de ces temps diminue, le champ seuil de rotation augmente, et la vitesse de rotation `a champ ´electrique donn´e diminue. Ces variations sont significatives pour τDr 6 20 ou τmr6 2.

Pour revenir au cas concret des liquides peu polaires, nous avons choisi de reprendre les param`etres physiques donn´es dans la section pr´ec´edente, et de faire varier le rayon a du cylindre : a=2.5, 3, 5, 10 µm. Les r´esultats sont rassembl´es sur la figure 1.16. L`a encore, plus a est petit, plus la rotation est rendue difficile. Il est ´egalement remarquable que la loi qui lie la vitesse angulaire du rotor `a l’intensit´e du champ ´electrique semble adopter la mˆeme forme que dans le cadre du mod`ele de Quincke classique :

Ω = 1 τ M W s  E0 E c 2 − 1 (1.30)

1.4. Influence de la taille des particules 25

Figure 1.15 – Carr´e de la vitesse de rotation normalis´ee en fonction du carr´e de l’intensit´e du champ normalis´ee. τM WM W/2. Ec est l’intensit´e du champ ´electrique critique dans le cadre du mod`ele classique de Quincke.

m2.

1.4.3 Mod`ele de conductivit´e de surface

Compte tenu que pour toutes les valeurs de a consid´er´ees, le rapport τDr est grand devant 1, alors que τmr est de l’ordre de l’unit´e, nous avons bˆati un mod`ele prenant en compte l’´electromigration tangentielle `a l’int´erieur de la couche, par le biais d’une conductivit´e de surface σΣ ´equivalente `a une conductivit´e de volume du cylindre σ2Σ/a. Les d´etails du mod`ele se trouvent dans l’article de l’annexe B.3. On trouve une loi semblable `a l’expression de la vitesse de rotation d’un cylindre conducteur dans l’approximation de Quincke (voir l’annexe 1.A) avec :

σ2 σ1 = 1 rτm τr 2   s 1 + 2r τm τr 2 − 1   (1.31)

La conductivit´e ´equivalente σ2 ne d´epend donc que de rτm τr

2

= a2σ1

K2η (il y a une erreur typo-graphique dans l’article [26] de l’annexe B.3) en accord avec ce qui est trouv´e num´eriquement dans la section pr´ec´edente. Notamment, la conductivit´e ´equivalente ne d´epend pas du champ ´electrique, ce qui explique la forme des courbes de la figure 1.16. Ajoutons que le temps de diffusion, absent de la mod´elisation, ne joue ´evidemment plus aucun rˆole.

Comme le montre la figure 1.16, ce mod`ele d´ecrit assez bien les calculs num´eriques pour les rayons a=10 µm et a=5 µm. En revanche, pour des rayons plus petits, des diff´erences croissantes entre mod`ele et calculs num´eriques apparaissent. Pour l’expliquer, nous avons mis en ´evidence qu’en plus d’une couche ionique tr`es fine `a la surface existait une couche de charge diffuse, dont l’extension augmentait avec la diminution du rayon du cylindre. L’ordre de grandeur de

26 Chapitre 1. La rotation de Quincke et les suspensions

Figure 1.16 – Carr´e de la vitesse de rotation normalis´ee en fonction du carr´e de l’intensit´e du champ normalis´ee. Ligne ´epaisse : rotor de Quincke classique. Symboles : calcul num´erique. Lignes : mod`ele. l a=10 µm ; s a=5 µm ; n a=3 µm ; M a=2.5 µm ;

l’´epaisseur de la couche δ s’obtient en ´egalant le flux dˆu `a l’´electromigration des charges au flux diffusif `a l’´echelle de la couche Kn±E0 ≈ Dn±/δ, ce qui donne :

δ a ≈ τm

τD (1.32)

Lorsque δ/a devient de l’ordre de 1, le mod`ele de conductivit´e de surface n’est plus pertinent et il faut avoir recours au calcul num´erique.

1.A. Grandeurs caract´eristiques de la rotation de Quincke en g´eom´etries

sph´erique et cylindrique 27