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Influence de la régie des sols et des cultures sur la mobilité du phosphore

La portée des pratiques culturales sur la mobilité des différentes formes de phosphore vers le milieu aquatique dépend d’une part de leur influence sur la redistribution du P dans le profil du sol et d’autre part de leur effet sur les processus d’érosion et de transport des sédiments en surface mais aussi sur le transport en profondeur.

Par exemple, l’ameublissement du sol par le labour conventionnel peut favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol. En détruisant les voies de transport préférentielles de l’eau, cette dernière s’infiltre plus lentement. L’adsorption y est alors favorisée par un temps de contact plus long avec la matrice du sol. Toutefois, lorsque le sol est gorgé d’eau et qu’il n’y a pas de végétation, le ruissellement est en contact direct avec un sol nu, plus facilement érodable. Les pratiques de culture intercalaire ou de couverture hivernale ainsi que les cultures herbagères, en promouvant la présence de végétation ou de résidus en surface à l’année, protègent le sol de l’impact des gouttes et du ruissellement et réduisent donc l’érosion, principal vecteur du transport du phosphore en milieu agricole. De plus, le ralentissement de l’écoulement de l’eau en surface favorise l’infiltration qui transite alors principalement par les voies préférentielles. Le travail réduit et le semi direct, en minimisant les perturbations du sol, favorisent l’accumulation de matière organique en surface et l’amélioration de la structure du sol, ce qui a pour effet de favoriser l’infiltration par voies préférentielles. L’application en surface des matières fertilisantes qui ne sont pas enfouies peut cependant provoquer un enrichissement de la couche supérieure du sol et confèrera au ruissellement des teneurs en phosphore qui peuvent être élevées. De plus, l’enrichissement de la couche supérieure, combinée à une infiltration accrue de l’eau peut causer un enrichissement du sous-sol qui pourrait devenir problématique. Dû au phénomène d’adsorption et à la faible teneur en P des sous-sols, les concentrations en P des eaux souterraines sont généralement faibles. Il existe cependant des exceptions, particulièrement dans les sols organiques acides,

dans les sols sableux, dans les sols saturé d’eau et dans les sols où le transport préférentiel est inportant (Sharpley et Rekolainen, 1998).

Plusieurs études se sont attardées à caractériser l’effet des pratiques culturales sur les transferts de phosphore. Thibodeau et Ménard (1993) rapportent que le semis direct peut réduire l’érosion de 90 % à 95 % mais les résultats de quelques études concernant les pratiques minimales montrent des effets contraires sur les nutriments. Ils citent Johnson et al., (1979) qui ont observé des concentrations plus élevées de phosphore dans les eaux de ruissellement par rapport à un sol labouré. Il semblerait que la réduction du ruissellement ait été insuffisante pour compenser l’enrichissement en phosphore et des pertes totales de P supérieures ont été observées.

Les processus d’accumulation et de transport du P sont complexes et leur interaction avec la topographie des parcelles et des bassins versants est encore mal connue.

Au Québec, Koro et al., (1995) ont estimé, dans une étude sous pluie simulée que les pertes de phosphore total et biodisponibles étaient réduites en présence de résidus, mais dans une proportion moindre que les réductions de pertes de sol. Similairement, Bernard (1998), dans un dispositif expérimental en parcelles de maïs à la ferme de l’IRDA, a suivi les pertes de sédiments, de P total et de P biodisponible selon des régies conventionnelles, de travail réduit ou de culture sur billons. Ils ont aussi observé des réductions du P total et du P biodisponible, mais les réductions étaient moindres que pour les sédiments. Dans son étude sur l’évaluation des risques de pollution des eaux sous différents systèmes culturaux, Karemangingo (1998) a noté que les travaux de conservation des sols permettaient de diminuer de près de 24 % la teneur en P Mehlich-3 des sols et de réduire de 50 % les exportations de P total particulaire.

Il est généralement admis que les cultures sur résidus et herbagères exportent moins de phosphore total que les cultures avec sol labouré, mais que les exportations de P soluble de ces premières peuvent tout de même être substantielles. Sous simulateur de pluie, Zemenchik et al., (2002) ont observé des pertes annuelles de P soluble biodisponible sur des parcelles herbagères nouvellement établies de l’ordre de 0,2 à 13,3 μmol /L (0,002 à 0,055 kg/ha) et de 3,2 à 4,5 μmol/L (0,09 à 0,13 kg/ha) après établissement. Ces valeurs dépassent 2 μmol/L, une valeur critique proposée dans la littérature pour limiter l’eutrophisation des eaux de surface (Sawyer, 1947, cité dans Zemenchik et al. 2002). Michaud (2005) a aussi observé sous pluie simulée des concentrations de P soluble réactif plus élevées (1,24 mg/L) sous foin que sur les terres en labour conventionnel (0,49 mg/L).

De plus, la proportion du P soluble, majoritairement biodisponible, des pratiques agricoles avec résidus ou des cultures herbagères est supérieure à la proportion du P soluble exporté des sols labourés. Dans les cultures avec travail du sol, 75 % à 90 % de la charge totale de phosphore mobilisé est de forme particulaire (Sharpley et al., 1996).

Sharpley et Halvorston (1984) ont noté que lorsque le ruissellement transportait peu de sédiments, comme dans les forêts ou les prairies, la forme soluble dominait les exportations. Un suivi d’un bassin versant agricole de la région lémanique pendant six ans a permis de déterminer que près de 79 % du P total mesuré à l’exutoire était de forme particulaire Dorioz et al., (2004). Dans un bassin versant agricole en Montérégie, Michaud (2005) a observé, sous pluie simulée, que 56 % des exportations de P s’effectuaient sous forme particulaire qui présentait un degré de biodisponibilité relativement élevé (50 – 88 %). Un suivi de 28 bassins versants du Sud-Ouest américain par Smith et al., (1991) a montré que 45 à 86 % du phosphore mobilisé était de forme

soluble en semis direct ou prairie alors que cette proportion passait à 21 – 32 % lorsqu’un labour conventionnel était performé. Les résultats d’une vaste étude sur le suivi des bassins versants des Grands Lacs pointent dans le même sens. Alors que 15 à 25 % du phosphore amené vers ces lacs est sous forme dissoute et réactive, la majorité (75 – 85 %) y parviendrait sous forme particulaire (PLUARG, 1980). 20 à 78 % du P particulaire serait biodisponible. Cependant, même si les pratiques culturales favorisant la présence de végétation à la surface du sol augmentent la proportion du P soluble, les quantités exportées demeurent généralement inférieures aux quantités de P soluble provenant des champs en labour conventionnel. Cependant, les pertes de P dissous n’ont pas été mesurées de manière aussi complète que les pertes de P total (Rekolainen et al., 1998).

Des études récentes en laboratoires ont aussi démontré que les résidus laissés au sol pouvaient potentiellement affecter les quantités de P lessivés (McDowell et McGregor, 1980, Timmons, 1973), particulièrement après une période de gel et de dégel (Bechmann et al., 2005). Cermak et al., (2004) ont effectué des mesures de lessivage et de fixation du N et P de résidus de maïs, de soya et de blé placés dans des solutions contenant des nutriments organiques. La concentration en nutriments des résidus et de la solution ainsi que le temps de contact entre résidus et la solution ont été utilisés pour évaluer le lessivage et la fixation des différents types de culture. Leurs résultats démontrent que le maïs et le soya pourraient contribuer au lessivage du P alors que le blé semble avoir le potentiel de fixer le PO4-P.

Trois modes de transport :

• Attaché aux particules de sols érodées en surface

o Principal vecteur du tranport du P sur sols nus et cultures non herbagères o Biodisponibilité variable (10-80%)

• Dissous dans le ruissellement de surface

o Principal vecteur du tranport du P sur cultures herbagères o Principalement biodisponible (> 90 %)

• Souterrainement sous formes dissoutes ou particulaires

o Peut évacuer la majeure partie des écoulements annuels d’eaux o N’est pas le vecteur principal des exportations de P

o La forme dissoute domine généralement, sauf lorsqu’il y a écoulement préféretiel par les fentes de retrait. À ce moment, le P particulaire peut dominer.

Hydrologie à surface variable :

• La majeure partie du ruissellement des bassins versants ne provient que d’une petite proportion du territoire, généralement située en position basse, près des cours d’eau (30-60 m).

• En conséquence l’érosion et de le phosphore dissous et particulaire transportés en surface par le ruissellement et les sédiments proviennent d’environ 15 % de la superficie des bassins versants.

Temporalité :

• Fonte de neige produit la majorité du ruissellement (> 50 %) et des exportations de sédiment, de phosphore total et d’orthoposphates (> 89 %).

• La majorité des exportations de sédiment et de P (>75 %), provient de périodes de temps représentant moins de 10% de l’année et surtout situées en périodes de fonte.