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Influence de la minéralogie sur la rétention des iodures

Chapitre IV : Migration de l’iode au travers de roches argileuses

IV. 3 Discussion

IV.3.1. Influence de la minéralogie sur la rétention des iodures

L’étude de la migration de l’iode au travers de l’OPA n’est pas considérée comme représentative de la formation argileuse, du fait notamment de la rétention du traceur anionique non réactif, le 36Cl- ; on ne peut donc pas utiliser les expériences de diffusion pour évaluer l’influence de la minéralogie sur le comportement migratoire des iodures. Seuls les résultats obtenus au moyen des expériences en batch seront utilisés.

On a reporté dans la Figure 40 les valeurs de rapport de distribution (Rd) obtenues lors

des expériences en batch en BAG.

Figure 40 : Isothermes de sorption d’I- en conditions anoxiques sur le Toarcien supérieur, les Schistes Cartons et l’OPA après 80 jours de contact

Les teneurs totales d’127I- naturel mesurées par attaque acide sur des échantillons d’argilite de Tournemire sont de l’ordre de 0,75 µg.g-1 (Wittebroodt, 2009). Ainsi, aux plus faibles concentrations – 10-6 et 10-7 mol.L-1 – le processus d’échange isotopique proposé par Tournassat et al. (2007) peut être envisagé. Or, l’absence de sorption significative dans les échantillons de l’OPA et du Toarcien supérieur semble confirmer les observations de Claret et

-0,4 0 0,4

1,E-08 1,E-07 1,E-06 1,E-05 1,E-04 1,E-03

Rd

(m

L

.g

-1)

Concentration à l'équilibre en I-(mol.L-1)

Toarcien supérieur

Schistes Cartons OPA

al. (2010) réalisées dans le COx, à savoir que l’iode présent dans les roches argileuses

indurées n’est pas disponible pour les processus d’échange isotopique.

Les Schistes Cartons, caractérisés par une concentration en matière organique naturelle (MON) supérieure d’un facteur cinq à dix vis-à-vis des argilites du Toarcien supérieur ou de l’OPA, montrent une sorption des iodures certes faible, mais néanmoins significative pour des concentrations inférieures à 10-5 mol.L-1. Dans la mesure où l’on a préparé de façon similaire les échantillons – conservation des carottes sous résine, découpe/broyage et expériences en BAG – les artefacts expérimentaux devraient être équivalents pour les trois roches étudiées. Même si l’hypothèse d’une légère oxydation de la pyrite reste plausible, l’augmentation de la rétention des iodures en conditions anoxiques semble être associée à la présence de MON en plus grande quantité. Ainsi, en condition de stockage in situ, la MON semble être la principale phase à l’origine de la rétenion des iodures. Cette hypothèse est appuyée par de précédentes études qui ont mis en évidence le rôle de la matière organique, et plus particulièrement des substances humiques, dans la rétention des iodures (Bors et al., 1988 ; Sheppard et Thibault, 1992 ; Yoshida et al., 1998, Steinberg et al., 2008). Les études spectroscopiques menées par Reiller et al. (2005) et Schlegel et al. (2006) montrent que la majorité de l’iode est liée à la matière organique par des liaisons covalentes. Cette observation pourrait expliquer le caractère irréversible de la sorption de l’iode observée par Descostes et al. (2008) et Wittebroodt et al. (2008).

En outre, le contrôle de la chimie de l’eau montre peu de variations, notamment pour les carbonates et le pH. Ainsi, un artefact tel que la co-précipitation des iodures avec les carbonates (Claret et al., 2010) semble peu probable. De même, le contrôle de la spéciation des témoins n’indique pas d’oxydation des iodures en iodates.

On a reporté dans la Figure 41 les valeurs de rapport de distribution (Rd) obtenues lors

des expériences en batch réalisées à l’air.

Figure 41 : Isothermes de sorption d’I- en conditions oxiques sur le Toarcien supérieur, les Schistes Cartons et l’OPA après 180 jours de contact

La comparaison de la sorption des iodures en conditions oxiques et anoxiques permet d’éliminer l’hypothèse de l’échange isotopique pour expliquer les importantes valeurs de Rd

observées en conditions oxiques. Le suivi de la chimie de l’eau en conditions oxiques a permis, de même qu’en conditions anoxiques, de mettre en évidence la stabilité des

0 50 100 150 200 250

1E-10 1E-08 1E-06 1E-04

Rd

(m

L

.g

-1)

concentration I- à l'équilibre (mol.L-1)

Toarcien supérieur Schistes Cartons

Toarcien supérieur (FI=OPA) OPA

concentrations en carbonate ainsi que l’absence d’oxydation des témoins conservés à l’air libre. Les valeurs de Rd semblent donc bien représentatives d’un phénomène de rétention des

iodures sur les argilites de Tournemire et l’OPA, et non pas d’un artefact lié à une co- précipitation des iodures avec les carbonates ou d’une oxydation des iodures en iodates.

La comparaison entre les résultats des échantillons du Toarcien supérieur et ceux des Schistes Cartons indique une augmentation des valeurs de Rd d’un facteur proche de huit (de

23±5 mL.g-1 à 180± 40 mL.g-1) lorsque la proportion de MON augmente. Cette observation tendrait à mettre en évidence le rôle de la MON des roches argileuses dans la rétention des iodures, conformément aux résultats obtenus en conditions anoxiques. A notre connaissance, l’oxydation de la matière organique due à la présence d’oxygène n’entraine pas d’augmentation de la rétention des iodures par un facteur mille. Cependant, Boisson et

al.(2001) ont précisé que la MON des argillites de Tournemire était mélangée à la pyrite,

particulièrement pour ce qui concerne les Schistes Cartons. Ainsi, la rétention observée sur les Schistes Cartons pourrait être imputable à une importante présence de pyrite (2 à 10 %), oxydée dans les conditions oxiques. Les valeurs de Rd similaires obtenues dans l’OPA et le

Toarcien supérieur – deux roches contenant 1% de pyrite – confirmeraient le rôle de la pyrite oxydée en tant que principale phase minérale à l’origine de la rétention des iodures dans ces roches argileuses indurées. Ces résultats sont appuyés par une récente étude d’Aimoz et al. (2011) qui montre que les iodures sont uniquement sorbés sur les phases oxydées de la pyrite. Dans le cadre d’un stockage géologique profond, les conditions réductrices in-situ devraient maintenir la pyrite sous une forme réduite.

L’étude des résultats obtenus sur les argilites du Toarcien supérieur indique une diminution du Rd par un facteur sept (de 23±5 mL.g-1 à 3,5±1,5 mL.g-1) lorsque la force

ionique augmente. Cette observation met en évidence une probable compétition des ions iodures avec les chlorures ou sulfates, qui voient respectivement leur concentration augmenter par un facteur quinze et quarante.

Si les expériences en batch ont permis d’identifier la pyrite et la MON comme les principales phases minérales à l’origine de la rétention des iodures, l’une en conditions oxiques et l’autre en conditions anoxiques, l’extrapolation du comportement des iodures au contact d’une roche broyée à celui d’une roche intacte reste complexe. En effet, la forme pulvérulente de la roche lors de ces expériences rend accessible des phases qui ne le sont d’ordinaire pas lors de la diffusion dans une roche intacte. Cela pourrait ainsi conduire à surestimer les valeurs de Rd (Van Loon et al., 2003).

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