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10.2 Exploration du domaine de soudabilité et analyse des essais soudés

10.2.1 Influence de la durée de l’essai

En réalité, l’analyse des données mesurées au cours des 7 heures de l’essai de référence n’a pas permis de mettre en évidence de variation significative des grandeurs mesurées. Ainsi, la figure 10.5 indique l’évolution au cours des 7 heures du couple de torsion mesuré par le capteur d’effort selon le principe décrit sur la figure 10.4 (acquisition des valeurs « maximale », « nulle » et « minimale ») : si on peut observer une évolution du couple au cours de la première heure, cette variation est a priori trop faible pour indiquer un chan- gement de comportement notable. Par contre, on peut noter que les valeurs extrémales

Figure 10.5 – Évolution du couple de torsion Cz mesuré par le capteur d’effort au cours

de l’essai de soudage de 7h (valeurs "maximale", "nulle" et "minimale").

du couple (|Cz| ≈ 220 N.m) est plus important que pour les essais précédents, celui-ci

étant par exemple de l’ordre de 40 N.m pour les essais 3 à 5 (mesures sur table traçante et donc non représenté dans ce document). Cette augmentation du couple peut être cor- rélée à l’état de soudage puisqu’une éprouvette soudée transmet l’effort de torsion, ce qui conduit à un couple de torsion de réaction plus important.

Toutefois, on peut s’interroger sur l’intérêt d’une durée de soudage aussi longue, que ce soit d’un point de vue pratique (potentialité d’application) ou développement durable (énergie d’apport). Or, l’absence d’évolution notable observée sur la figure 10.5 peut être corrélé à ce que nous avons observé expérimentalement, à savoir qu’au bout de quelques cycles, nous avons constaté un comportement macroscopique stabilisé : nous avons donc choisi de diminuer la durée de l’essai à 17 minutes, soit 1700 cycles. Cette tentative s’est révélée être positive puisqu’un assemblage soudé a été obtenu dès la première tentative et a pu ensuite être reproduit deux fois pour pouvoir comparer la tenue mécanique globale avec les éprouvettes soudées en 7 heures suivants les 3 chemins de déformations considérés (section 11.2 p. 148). Par ailleurs, cette durée réduite a permis d’augmenter la fréquence d’acquisition des données en cours d’essai, que ce soit au niveau de la mesure continue (∆t = 0, 1 s au lieu de 1 s, soit 6 points par cycles) ou au niveau des zooms.

En particulier, au cours des deux premières mesures (essais 13 et 14), nous avons pu observer une variation du couple au cours des premières secondes de l’essai. Ainsi, pour l’essai 15, nous avons mis en place une mesure précise (∆t = 0, 01 s, soit 60 points par cycles) sur les vingt premières secondes (figure 10.6). Conformément au comportement observé en cours d’essai, cette mesure permet de mettre en évidence que le régime per- manent semble être établi au bout de quelques cycles : au cours des premiers cycles, le

Chap. 10 - Paramètres influant sur la soudabilité macroscopique

Figure 10.6 – Évolution du couple de torsion Cz mesuré par le capteur d’effort au cours

des premiers cycles de l’essai de soudage en 17 minutes (essai 15).

glissement relatif initial de la demi-éprouvette maître sur la demi-éprouvette esclave s’es- tompe et au bout d’une dizaine de secondes, l’entraînement semble complet, telle une éprouvette entière non sectionnée.

Par ailleurs, si on a pensé initialement que le maintien des cycles de torsion puisse agir favorablement quant à la croissance des jonctions (en quantité et en qualité), par exemple par refermeture de cavités, on peut voir que le couple atteint la même valeur pour les deux durées : Cmax

z = 217 N.m pour l’essai de 7 heures et Czmax = 215 N.m pour

l’essai de 17 minutes. Quant aux résultats sur la tenue mécanique des éprouvettes soudées en traction et/ou torsion qui seront présentés dans la section 11.2 p. 148, nous verrons que ceux-ci n’indiquent pas de différence notable entre l’assemblage obtenu en 7 heures et celui en 17 minutes. En ces termes, la seule augmentation de la durée de l’essai ne semble pas influer de manière notable sur la qualité de la soudure (en termes de nombre de jonctions métalliques créées ou de renforcement de la tenue mécanique de celles-ci).

De même, la déformation de cisaillement mesurée à partir de deux cibles situées de part et d’autre de l’interface évolue de façon complémentaire (figure 10.7) : au cours des premiers cycles, l’importante déformation illustre en réalité le glissement relatif entre les deux demi-éprouvettes tandis qu’au fur et à mesure de l’établissement du soudage, le comportement tend vers celui obtenu pour une éprouvette entière. En effet, on a alors

εθZ(t) = 12Reα(t)/L = kθZsin(ωt) avec kθZ = 0, 087%, ce qui est proche de la défor-

mation mesurée (± 0,1%). Toutefois, comme on a pu le constater lors de l’étude de la rhéologie (cf. figure 9.6 p. 122), si la fiabilité des mesures est très bonne par le capteur d’effort puisqu’on peut constater sur la figure 10.6 une très bonne répétabilité de la me- sure d’un cycle à l’autre, on voit que pour la mesure par le système de suivi de cibles

Figure 10.7 – Évolution de la déformation de cisaillement εθZ mesurée entre deux cibles

situées de part et d’autre de l’interface au cours des premiers cycles de l’essai 14.

(figure 10.7), la tendance est globalement reproductible mais localement, les valeurs sont dispersées d’un cycle à l’autre. Toutefois, si la mesure par le système de suivi de cibles est peu bruitée pour cet essai et les 2 cibles considérées, les autres mesures étaient géné- ralement trop bruitées pour que l’on puisse en extraire les faibles variations de position des cibles, de sorte que le calcul des déformations axiales et de cisaillement n’étaient pas exploitables, que ce soit lors de la phase de soudage ou une fois l’assemblage soudé obtenu. Dès lors, le régime permanent semblant être atteint au bout d’une dizaine de secondes (figure 10.6), nous avons mis en place un essai de durée nettement plus courte, à savoir 12 secondes (soit 20 cycles), les autres paramètres restant inchangés (essais 16 et 17). Là- encore, le soudage a été obtenu et le couple de torsion mesuré (figure 10.8) est parfaitement analogue à ce qui a été obtenu pour les essais précédents, à savoir Cmax

z = 207 N.m.

On peut toutefois noter que le couple augmente sur les premiers cycles de façon moins prononcée que pour les essais précédents, ce qui pourrait être la conséquence d’un état de surface légérèment différent (planéité, propreté, etc.).

Par ailleurs, les mesures réalisées en cours de ces essais permettent de présenter diffé- rents résultats. Ainsi, la figure 10.9 présente l’évolution du couple en fonction de l’angle de torsion pour l’essai 15. Au cours des premiers cycles, le comportement décrit un cycle ouvert qui révèle un phénomène de dissipation. Puis, au fur et à mesure de l’établisse- ment du soudage, on tend vers un cycle fermé et une relation quasi-linéaire relie alors le couple à l’angle de torsion : on peut alors en déduire un module dC/dα = 236 N.m/° qui est proche de la valeur déterminée en torsion monotone sur des éprouvettes entières (dC/dα = 231 N.m/°, cf. figure C.4 p. 225 en annexes). L’analyse de ce passage d’un comportement dissipatif vers un comportement réversible linéaire sera décrit à partir du modèle thermodynamique présenté dans la section 13.3 p. 171.

Chap. 10 - Paramètres influant sur la soudabilité macroscopique

Figure 10.8 – Évolution du couple de torsion Cz mesuré par le capteur d’effort pour une

durée d’essai de 12 s (essai 16).

Figure 10.9 – Évolution du couple en fonction de l’angle : passage d’un comportement dissipatif à un comportement réversible linéaire (essai 15).

Quant à la force de compression, conformément à la consigne imposée, celle-ci reste stable au cours de l’essai (figure 10.10). Nous avons ensuite calculé la contrainte équiva- lente de von Mises σV M =

q

σZZ2 + 3σθZ2 en considérant que la contrainte de cisaillement σθZ suit une répartition homogène suivant l’épaisseur du tube en plasticité (équation 5.6

p. 67). Sur la figure 10.11, on peut alors voir que l’augmentation du couple de torsion lors de la phase de soudage conduit à une plastification macroscopique de l’éprouvette puisque la limite élastique déterminée en traction normalisée (tableau 3.3 p. 52) est dépassée.

Figure 10.10 – Évolution de la force de compression au cours de la mise sous charge puis du maintien en cours d’essai (essai 15).

Figure 10.11 – Évolution de la contrainte équivalente de von Mises : mise en évidence d’une plastification globale (essai 15). Par contre, le fait d’imposer une force de compression constante conduit à ce que le déplacement puisse varier en cours d’essai. Ainsi, sur la figure 10.12, on peut voir une évo- lution significative du déplacement. En effet, alors que l’effort de compression de 30 kN induit un déplacement global d’environ −0, 29 mm conforme au déplacement élastique théorique uth = 1

E Fz S0 < L

e

eq >≈ −0, 27 mm, l’effort de torsion conduit à un déplacement

de compression plus important (−0, 75 ± 0, 13 mm). De même, si on considère la défor- mation axiale (figure 10.13), la déformation locale εloc

zz mesurée par le système de suivi

de cibles est en bonne corrélation avec la déformation globale εglo

zz calculée à partir de

la mesure du déplacement du vérin et de la longueur équivalente en plasticité < Lp eq >

déterminée par l’équation 9.1 p. 121. Quant aux oscillations de la déformation globale (ou du déplacement), on peut noter que celle-ci varie suivant la même période que la sollici- tation en torsion (soit T = 0, 6 s) alors que ces variations ne sont pas présentes localement.

Figure 10.12 – Évolution du déplacement axial avec l’effort de torsion lors de la phase de soudage (essai 15).

Figure 10.13 – Évolution des déformations axiales globale εglo

zz et locale εloczz mesurée par

Chap. 10 - Paramètres influant sur la soudabilité macroscopique Enfin, la figure 10.14 présente le déplacement axial en fonction de l’angle de torsion. Cette évolution peut faire penser à un phénomène cyclique de rochet, mais nous sommes ici en présence d’un cas singulier. En effet, le phénomène classique de rocher de torsion d’écrouissage cyclique conduit généralement à un allongement de l’éprouvette jusqu’à une dégradation du matériau par fatigue (cumul des déformations permanentes à chaque cycle, [83]). Dans notre cas, le rochet se produit en début d’essai puis disparaît pour évoluer vers un régime permanent stabilisé lorsque l’assemblage soudé est obtenu (t > 9 s, courbe noire). La phase de soudage ne décrit donc pas un comportement classique en mécanique des matériaux métalliques puisque, finalement, celle-ci peut être assimilée à une déformation plastique et un écrouissage cyclique qui aboutit à un comportement élastique à la fin du processus de soudage.

Figure 10.14 – Évolution du déplacement axial en fonction de l’angle de torsion : phé- nomène de rochet inversé (essai 15).