• Aucun résultat trouvé

Influence du chemin de déformation : L’effet Bauschinger

Chapitre IV : Comportement mécanique et évolutions microstructurales en essais

1.5. Influence du chemin de déformation : L’effet Bauschinger

Bauschinger est le premier, en 1881 [45], a avoir montré que « après la déformation d’un matériau métallique, la limite d’élasticité est plus élevée pour un chargement effectué dans une direction définie, que pour celle d’un second chargement effectué dans le sens opposé ». L’effet Bauschinger est cependant plus qu’un simple abaissement de limite d’élasticité en chargement inverse, après une prédéformation plastique. Ce type de test engendre également une modification complète du comportement à l’écrouissage au cours du second chargement.

Mandel [46] propose un modèle rhéologique simple qui rend compte de l’écrouissage et de l’effet Bauschinger. Ce modèle est constitué d’un patin visqueux P dont la résistance au glissement est s, et de deux ressorts R1 et R2 (Figure 1-16(a)). Le système mécanique ainsi défini présente un domaine élastique initial allant de –S à +S. Si on augmente l’effort Q au-delà de la résistance au glissement du patin s, le ressort R2 subit une tension X0 qui subsiste après décharge : c’est la contrainte résiduelle. En valeur absolue, la limite d’élasticité en traction est accrue et la limite d’élasticité en compression est réduite : c’est l’effet Bauschinger (Figure 1- 14(b)).

Plusieurs hypothèses basées essentiellement sur les notions de contraintes internes et résiduelles sont avancées pour expliquer l’effet Bauschinger. Dans un grain individuel, la déformation plastique est généralement localisée dans des bandes de glissement séparées par des zones très peu déformées. Il se crée alors des contraintes résiduelles entre les bandes de glissement et la matrice adjacente, dues aux incompatibilités de déformation entre ces deux types de zones [47].

116 Comportement mécanique et évolutions microstructurales Chapitre IV

Figure 1-16 : (a) Modèle rhéologique de Mandel ; (b) Courbe effort-déplacement du modèle rhéologique [46]

Dans un polycristal, aux contraintes internes précédemment décrites pour les grains individuels, se superposent des contraintes internes résultant des incompatibilités de déformations entre grains adjacents, dues à leurs orientations différentes par rapport à la direction de sollicitation. Ces deux interprétations de l’effet Bauschinger rejoignent la notion de dislocations statistiquement stockées et de dislocations géométriquement nécessaires. Pour accommoder globalement la contrainte macrospiquement appliquée, un écrouissage réparti de manière relativement homogène dans tout le volume est nécessaire. Cet écrouissage est communément appelé écrouissage isotrope. En revanche, pour accommoder les incompatibilités de déformation entre deux zones différentes dans un grain ou entre grains, des dislocations géométriquement nécessaires apparaissent au voisinage des interfaces conduisant à un écrouissage dit cinématique. Ce sont ces dernières dislocations, favorisées par la présence de contraintes résiduelles aux joints de grains ou dans notre cas, aux joints de macles, qui sont à l’origine d’une asymétrie de comportement, donc d’un effet Bauschinger.

En premier lieu, un essai de cisaillement simple monotone en traction est effectué sur les 3 alliages TRIP/TWIP afin de caractériser leur module de cisaillement G, de vérifier leur tenue mécanique et de déterminer les précontraintes à appliquer pour la suite des expériences. Ces essais sont menés sur une machine de traction classique avec un dispositif d’amarrage spécifique. La fixation ne se fait pas sur les parties supérieure et inférieure de l’éprouvette mais selon deux bandes parallèles à l’axe de traction, visibles sur la figure 1-17, de part et d’autre de l’axe de traction. Les courbes de cisaillement sont reportées sur la Figure 1-17, où l’on peut distinguer le comportement non monotone de la contrainte dans la partie plastique, caractéristique de l’écrouissage du matériau. Les valeurs de module de cisaillement déterminées sont G=30GPa et G=25GPa pour les alliages TCS/TVCA et TCA respectivement. Les pré- contraintes à appliquer pour la suite des essais sont prises à γ = 12 et 20%, ce qui correspond à

Chapitre IV Comportement mécanique et évolutions microstruturales 117

une précontrainte en début d’écrouissage et au pic d’écrouissage. Le passage des valeurs τ-γ en σv-εv est possible grâce aux critères de Von Mises :

ε γ

√3 et σ τ √3

La sollicitation par cisaillement engendre un faciès de rupture selon un plan incliné de 45° par rapport au plan de l’éprouvette mais qui contient l’effort de traction (Figure 1-17), ce qui diffère d’une traction uniaxiale classique, où la rupture se produit selon un plan incliné de 45° mais perpendiculaire à l’effort de traction.

Figure 1-17 : A gauche, courbes en cisaillement simple monotone des alliages TRIP/TWIP. A droite, photographie d’une éprouvette TCS de cisaillement après rupture « parfaite ».

Pour étudier l’effet Bauschinger en conditions uniaxiales, des cycles de traction-compression sont pratiqués avec le même dispositif. Ce type d’essai est appelé « essai Bauschinger type », et se définit par un premier chargement jusqu’à une prédéformation plastique dans un sens (traction ou compression) suivi d’un second chargement en sens inverse (déchargement puis chargement en sens inverse). Pour étudier l’effet Bauschinger, on compare les courbes de premier et second chargements, ce sont les différences de profil entre ces deux parties de courbes qu’il convient alors de caractériser (Figure 1-18).

Pour décrire l’effet Bauschinger, de nombreux paramètres plus ou moins pertinents ont été proposés et s’expriment en terme de contraintes, de déformations et/ou d’énergies. Ces paramètres sont plus exactement des « indicateurs » permettant de caractériser l’effet Bauschinger. Ils ne sont pas analogues ni concurrents mais complémentaires les uns des autres. Pour notre part, nous avons choisi d’utiliser les paramètres Bauschinger proposés par Abel [48], ainsi que les calculs d’écrouissage isotrope et cinématique du modèle micromécanique de Bate & Wilson [49], [50].

118 Comportement mécanique et évolutions microstructurales Chapitre IV

Les calculs d’écrouissage isotrope (R) et cinématique (X) sont définis par les équations suivantes :

X τ τ 2 et R τ τ τ

Où, comme indiqué figure 1-18, τP est la contrainte d’écoulement à la fin de la courbe de traction, τR la limite élastique en cisaillement de la courbe en compression, et τ0 la limite élastique en traction.

L’écrouissage isotrope correspond à la part des dislocations stockées au sein du matériau et générées aléatoirement, elles sont irréversibles et non-directionnelles [12]. L’écrouissage cinématique quant à lui provient des dislocations polarisées générées (i.e, dislocations géométriquement nécessaires) par les contraintes internes non relaxées (i.e, « backstress ») et qui participent à l’effet Bauschinger.

Les paramètres Bauschinger définit par Abel sont rappelés ci-dessous :  Paramètre de contrainte : β τ τ τ

 Paramètre de déformation : β β γ  Paramètre d’énergie : β E E

Où, γT est la prédéformation plastique à contrainte nulle, β la déformation résiduelle entre les deux courbes de chargement, Es la différence d’énergie de déformation plastique pour atteindre τP lors du second chargement, et Ep l’énergie de déformation plastique emmagasinée durant la prédéformation. Toutes ces variables sont définies graphiquement sur la courbe Figure 1-18(a). Le paramètre βσ permet de caractériser l’abaissement de limite d’élasticité du second chargement par rapport à une continuation du chargement dans le premier sens, et prend de plus en compte le signe de cette limite d’élasticité de second chargement. La valeur maximale possible est de 1, et signifie que l’effet Bauschinger est maximal.

Le paramètre βε caractérise l’écart en déformation entre les deux courbes de premier et second chargement, ramené à la prédéformation plastique. Le raisonnement suivant, proposé par Abel [48] permet de définir une borne supérieure pour ce paramètre. Si on suppose que N dislocations ont participé à la prédéformation plastique γP et si, ensuite, on déforme le matériau en sens inverse, on peut supposer que le même nombre de dislocations N participe à la déformation inverse, pour une variation de contrainte égale à 2 fois la précontrainte ; et si la déformation plastique est aussi facile dans un sens que dans l'autre, on peut admettre que la déformation plastique maximale atteinte dans ce second sens sera 2*γP . On en déduit que la valeur maximale théorique de βε est 2. En l'absence d'effet Bauschinger, β et βε sont nuls.

Enfin, le paramètre βE se définit comme l’énergie « récupérée » lors du second chargement ES, rapportée à l’énergie « emmagasinée » lors du premier chargement EP. En présence d’effet

Chapitre IV Comportement mécanique et évolutions microstruturales 119

Bauschinger, ES représente l’énergie qu’il n’est pas nécessaire d’apporter lors du second chargement, parce qu’emmagasinée de manière « réversible » lors du premier chargement. En l’absence d’effet Bauchinger, ES est nulle ainsi que βE.

La Figure 1-18 illustre les courbes de traction-compression en cisaillement pour des prédéformations à γ = 12% et 20%. L’effet Bauschinger est visuellement marqué, avec une nette différenciation entre les courbes de premier et second chargement. Le calcul des paramètres utiles à l’étude sont regroupés dans le Tableau 1-3. Les trois indicateurs de l’effet Bauschinger (βε, βσ, βE) diminuent lorsque la précontrainte augmente, ce phénomène est observé également par Abel [48], cependant aucune explication n’a pu être proposée pour rendre compte de ce phénomène. Dans les alliages TRIP/TWIP, lorsque la déformation augmente jusqu’au pic d’écrouissage, cela signifie qu’il y a saturation des mécanismes primaires de déformation. L’effet Bauschinger étant relié à l’accommodation des interfaces par le biais des dislocations polarisées, plus on augmente le nombre de macles, plus celui-ci devrait logiquement augmenter (accommodation des incompatibilités de contraintes à l’interface macle/matrice). Or, plus le nombre de macles croît, plus l’espace entre deux interfaces diminue. La forêt de dislocations se densifie dans un faible espace dynamiquement réduit et les dislocations polarisées et stastistiques s’entrecroisent et interagissent. Ainsi, l’hypothèse émise est la suivante : il existe un lien de saturation de l’effet Bauschinger entre le nombre d’interfaces et l’espace entre ces interfaces. De ce fait, lorsque la précontrainte augmente, pour un effet Bauschinger « constant », on observera une diminution des paramètres associés.

120 Comportement mécanique et évolutions microstructurales Chapitre IV

Tableau 1-3 : Valeurs des paramètres Baushinger pour une prédéformation à γ = 12 et 20%

L’écrouissage cinématique (X) n’augmente que très faiblement, tandis que l’écrouissage cinématique relatif (Xrel), qui correspond à l’écrouissage cinématique (X) divisé par τP, reste constant entre les deux niveaux de prédéformation. A l’inverse, l’écrouissage isotrope augmente. Cette observation est en adéquation avec l’hypothèse formulée précédemment, car seul l’écrouissage cinématique participe à l’effet Bauschinger. Bouaziz et al. [51] sur les aciers TWIP, ont également un « backstress » qui tend à se stabiliser pour une prédéformation qui augmente. L’écrouissage isotrope (R), augmente à partir du moment où il y a saturation des interfaces macle/matrice.

Une dernière variable, non encore définie au préalable, et en lien avec l’écrouissage cinématique, est l’adoucissement permanent Δτ. Cet adoucissement observé lors de l’effet Bauschinger, a été prédit, à l’origine, par Orowan [52] en 1959, qui a postulé que si les dislocations qui s’accumulent sur des obstables forts sont responsables de l’écrouissage, alors l’accumulation héritée du premier chargement sera annihilée et une partie de cette déformation utilisée sera retrouvée lors de la déformation inverse. L’adoucissement permanent est exprimé comme la différence de contraintes entre les courbes des deux chargements lorsqu’elles sont suffisament parallèles [49], [53]. On peut noter que l’adoucissement permanent suit la même logique et la même évolution que les paramètres précédemment énoncés.

Chapitre IV Comportement mécanique et évolutions microstruturales 121