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Influence du changement climatique sur la phénologie

4. C ONSEQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

4.2 Influence du changement climatique sur la phénologie

4.2.1 Publication :

Defila C, Clot B. Phytophenological trends in Switzerland. Int. J. Biometeorol. 45: 203-207 (2001), texte en anglais au chapitre 7.3.

Ce travail a été l’un des premiers à présenter une analyse globale des observations réalisées dans un réseau si étendu et sur une durée si longue (50 ans). Il a suscité un vif écho. Nous en livrons ici un résumé en français.

L’objectif de la phénologie est d’observer et d’enregistrer le retour annuel des phases de croissance et de développement des organismes et d’étudier les facteurs qui l’influencent. Le réseau suisse d’observation phénologique a été fondé en 1951. De nos jours, 69 phases phénologiques ou phénophases, concernant 26 espèces de plantes pour la plupart sauvages, sont observées dans 160 stations représentatives de toutes les régions du pays. Ces phases concernent en particulier les fleurs (début et pleine floraison) et les feuilles (déploiement, coloration et chute).

L’étude des données phénologiques a connu un regain d’intérêt dans le contexte du changement climatique. Si l’influence de la durée du jour est importante, les dates d’apparition des phases phénologiques dépendent principalement des conditions météorologiques, qui sont sous nos latitudes assez différentes d’une année à l’autre. Au printemps, l’augmentation de la température est un facteur important.

Deux longues séries d’observations sont d’abord présentées. La première concerne les dates d’éclosion du premier bourgeon du marronnier officiel de Genève (Aesculus hippocastanum), qui deviennent de plus en plus précoces au cours du vingtième siècle. On voit également que la variabilité de cette date augmente à partir des années 1980, certains hivers ayant été particulièrement doux. Cependant, c’est vraisemblablement plus l’évolution du climat urbain qui influence le marronnier de Genève que le réchauffement global. En effet, la série d’observations de

la floraison des cerisiers (Prunus avium) à Liestal, en zone rurale près de Bâle, ne présente pas une telle tendance, sauf depuis le milieu des années 1980.

Des 896 séries temporelles du réseau suisse d’observation phénologique testées (1951-2000), 30% montrent une tendance significative. Des 269 analyses significatives, 64 % montrent une tendance négative (apparition plus précoce) et 36 % une tendance positive (apparition plus tardive). Pour presque toutes les phénophases, on observe des séries à tendance précoce et d’autres à tendance tardive: cette situation complexe est révélatrice de l’importante influence des conditions microclimatiques sur la végétation. Le grand nombre d’observations réalisées permet cependant de mettre en évidence la tendance générale subie par la végétation. Au printemps et en été, la prédominance des tendances négatives (apparition plus précoce) est manifeste. En considérant toutes les séries printanières montrant une tendance significative, la moyenne d’avancement du début de la période de végétation est de 11,6 jours en 50 ans (1951 - 2000). En automne, une tendance générale ne se dégage pas des observations. Des chiffres semblables ont été mis en évidence dans le réseau des jardins phénologiques internationaux.

La plus importante proportion de tendances précoces est trouvée pour la floraison du noisetier. Cette phénophase apparaît au tout début de l’année (parfois en janvier déjà). Comme l’occurrence de ces phénophases dépend grandement de la température de l’air, ce résultat est donc à mettre en relation directe avec les températures hivernales plus douces des dernières années.

Comme les stations d’observations phénologiques de Suisse sont situées à différentes altitudes (de 300 m à 1600 m), il a été possible d’examiner l’influence de ce paramètre sur le développement des plantes. La proportion de séries montrant une tendance précoce augmente de façon significative avec l’altitude. La réaction plus importante des plantes qui croissent en altitude s’explique par une dépendance accrue envers le facteur température, la température étant considérée comme un facteur limitant pour la croissance et le développement des plantes en altitude. Une augmentation, même légère, de la température aura donc une incidence plus forte en montagne qu’en plaine, surtout à une période de l’année où elle permettra un démarrage précoce de la végétation.

Les observations phénologiques effectuées en Suisse depuis 1951 démontrent une nette tendance à l’apparition plus précoce des phases printanières de développement de la végétation au cours des dernières décennies. Comme ces phases sont fortement influencées par la température, ces résultats renforcent l’hypothèse selon laquelle le réchauffement climatique en cours agit fortement sur le développement de la végétation.

4.2.2 Phénologie et saison pollinique

Comme mentionné ci-dessus, la saison pollinique (en particulier son début et sa fin) peut être traitée comme une phase phénologique. Malheureusement, la plupart des espèces faisant l’objet d’observations dans le réseau phénologique suisse ne sont pas les mêmes que celles dont le pollen est abondant dans l’air. De surcroît, la libération du pollen ne figure pas dans la liste des phénophases relevées. La pleine floraison est une phase trop tardive pour être utile dans une perspective de prévision de la saison pollinique.

Si une étude comparative détaillée des séries phénologiques et polliniques déjà relevées reste encore à réaliser, malgré les vœux de Defila (1988) (la publication récente d’Estrella et al. 2006, bien que présentant des idées intéressantes à ce sujet, n’exploite que trop peu de données), certaines correspondances entre des phénophases différentes, d’espèces différentes, mais ayant lieu à des dates proches et dans la même région donnent des résultats très cohérents. La figure 4.5 montre un exemple de très bonne correspondance entre les dates de pleine floraison du cerisier à Liestal, près de Bâle, et le début de la saison pollinique du bouleau à Bâle. Cette figure illustre aussi le saut qui est intervenu en 1989 dans les séries de données : c’est en effet à partir de l’hiver 1988-1989 que les hivers sont devenus particulièrement doux, influençant ainsi plus fortement les phases

phénologiques et les saisons polliniques de la fin de l’hiver ou du début de printemps. Il ne sera cependant vraisemblablement pas facile de prévoir le début d’une saison pollinique sur la base de phénophases d’autres plantes. Le suivi des différentes étapes du développement des plantes dont le pollen est allergisant permettrait certainement une approche plus fine et serait utile à l’établissement de modèles phénologiques plus précis, mais il nécessiterait d’importants moyens en termes d’observateurs… et des observations sur une longue durée. Quoi qu’il en soit, le chapitre suivant traitera de l’analyse des tendances des saisons polliniques en elles-mêmes, et les aspects phénologiques (début, fin, durée de la saison) en représentent une part intéressante.

Figure 4.5. Extraite de Gehrig et Clot 2003. Floraison du cerisier à Liestal, près de Bâle (en bleu) et moyenne glissante sur 5 ans (en noir). Droites noires : tendance de la courbe de floraison du cerisier avant et après 1989. Début de la saison pollinique du bouleau à Bâle (en rouge). Corrélation entre les courbes rouge et bleue entre 1969 et 2002 r = 0.96.