• Aucun résultat trouvé

Extension d’aires de répartition, introduction de nouvelles espèces

5. N OUVEAUX RISQUES D ’ ALLERGIES

5.2 Extension d’aires de répartition, introduction de nouvelles espèces

Les populations de nos régions sont également susceptibles d’être exposées à l’avenir à des allergènes provenant d’autres régions. C’est un risque particulièrement important : si des plantes dont le pollen provoque des pollinoses dans d’autres régions du monde s’installent dans nos régions, il est très vraisemblable qu’une partie de notre population devienne allergique à ce pollen. Plusieurs études ont d’ailleurs montré que la prévalence des allergies est plus importante dans une population qui arrive nouvellement au contact d’un allergène que dans une population qui y a été exposée depuis plus longtemps (par exemple Ezeamuzie et al 2000, Voltolini et al 2000, Asero et al 2002, Dervaderics et al. 2002, Geller-Bernstein et Kenett 2004). D’autre part, des personnes ayant acquis une allergie à l’étranger peuvent voir leurs symptômes apparaître en présence de quantités faibles de pollen dans l’air.

Trois facteurs majeurs peuvent être à l’origine de l’installation de nouvelles plantes dans un pays soumis comme le nôtre à une forte pression humaine sur l’environnement :

- la plantation d’espèces peu ou pas présentes sur le territoire, à des fins d’ornement, de renouvellement des peuplements forestiers ou d’intérêt agricole,

- la migration lente et « naturelle » d’espèces actuellement présentes dans des territoires voisins (extension ou changement d’aire de répartition), en particulier à la faveur de nouvelles conditions. Le réchauffement climatique est le catalyseur le plus probable de telles changements,

- le changement de comportement de certaines espèces qui deviennent envahissantes.

Il n’est pas dans notre propos d’argumenter sur la valeur relative de ces différents facteurs, ni d’identifier les causes naturelles ou anthropiques qui les déterminent. Ce sont simplement trois voies courantes d’extension d’espèces subspontanées ou introduites dans nos régions centre- européennes.

Plantation d’espèces ornementales

Les espèces ornementales posent un problème particulier et exposent une partie de la population à de nouvelles sources de pollen. Même si elles ne sont pas très abondantes, elles sont plantées au cœur des villes ou à proximité des habitations, rapprochant ainsi la source potentielle de pollen des personnes qui pourraient y être sensibles. Il s’agit là surtout d’un risque diffus, à long terme, mais qui mérite d’être considéré.

Plusieurs arbres bien connus pour leur pollen allergisant sont dans ce cas. Le platane (Platanus sp.) et les cupressacées (Cupressaceae) sont des causes très importantes d’allergies en Méditerranée. Ces arbres et leur pollen sont déjà présents dans nos régions, mais en quantités moindres. Pour l’instant, leur incidence sur les allergies dans notre pays semble très faible. Pourtant, il serait prudent de ne pas multiplier les plantations de ces taxons. A noter que des allergies professionnelles aux cupressacées sont déjà observées dans notre pays.

Le cryptoméria (Cryptomeria japonica), ou cèdre du Japon, est la première cause de pollinose au Japon et en Asie de l’est. Ce très bel arbre est de plus en plus fréquemment proposé dans les pépinières. S’il reste encore rare sur notre territoire, on ne peut raisonnablement pas recommander sa mutiplication. A noter que des personnes originaires du Japon voient les symptômes de leur allergie se manifester en Suisse et en France aux alentours des parcs où des cryptomérias sont plantés.

L’olivier (Olea sp.), s’il n’est pas près d’être cultivé pour son fruit sous nos latitudes, est progressivement introduit comme plante ornementale. Son pollen est l’une des principales causes de pollinose en Méditerranée.

Migrations naturelles, rudéralisation

La pariétaire (Parietaria judaica) est une espèce anémogame présente en Méditerranée et jusqu’au sud des Alpes, dont le pollen est particulièrement allergisant. On peut craindre sa migration vers le nord, favorisée par le réchauffement climatique. L’aire de répartition de sa cousine, P. officinalis, est en pleine extension, puisqu’on la trouve maintenant jusqu’en Angleterre et dans le nord de l’Europe. Elle est cependant relativement peu abondante. La plupart des allergènes présentent des réactions croisées entre ces deux espèces (D’Amato et al. 1994, Bonura et al. 2006).

D’autres herbacées comme les chénopodiacées (Chenopodiaceae), déjà bien présentes en Europe centrale où leur pollen ne pose pas vraiment de problèmes allergologiques, sont par contre des allergènes importants en Méditerranée. On peut craindre que le réchauffement climatique et une modification de l’usage des sols (rudéralisation croissante, augmentation des jachères) favorisent des milieux ouverts ou perturbés dans lesquels ces plantes sont très compétitives. Ces mêmes facteurs pourraient aussi profiter à de nombreuses herbacées, en particulier aux armoises dont nous avons déjà souligné que leur pollen est un allergène majeur, et à certaines plantes envahissantes, en particulier l’ambroisie (voir plus bas).

Plantes envahissantes

Parmi les plantes envahissantes de la liste noire ou de la watch-list établies par la Commission suisse pour la conservation des plantes sauvages CPS (www.cps-skew.ch), deux sont anémogames, le palmier chanvre (Trachycarpus fortunei) et l’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia). Le premier a commencé à envahir certaine forêts du Tessin. L’allergénicité de son pollen n’est pas connue, mais celle d’autres palmiers est établie (Asturias et al. 2005, Chakraborty et al. 2006). La menace la plus directe et la plus importante pour les allergies en Europe est l'extension de l'aire de répartition de l'ambroisie et c’est pour cela que cette plante fait l’objet du chapitre suivant.

Dans la liste noire, citons encore les solidages d’origine américaine (Solidago canadensis et S.

gigantea), qui sont devenus presque ubiquistes dans notre pays, sont vendus dans les jardineries

pour l’ornement des jardins, et dont le pollen est très agressif. Ces plantes envahissent non seulement des milieux naturels ou les bords des voies de communication mais aussi les jardins. Elles sont aussi utilisées en bouquets. Même si elles sont entomogames, la proximité met facilement et fréquemment leur pollen allergisant (réactions croisées avec le pollen des autres composées, en particulier l’armoise) au contact des personnes.